- 229 avant JC à 395 après JC

Les Romains arrivent en 229 av. J.-C. en Illyrie pour lutter contre les actes de piraterie menés par les Illyriens. En 168, l’Illyrie devient une province romaine. Au début de notre ère, le territoire actuel du Monténégro correspond à la province romaine de Dalmatie, faisant partie de l’Illyricum qui couvre l’ensemble des Balkans. En 285, l’empereur romain Dioclétien, d’origine dalmate, instaure le système de la tétrarchie pour tenter de contrôler le vaste empire.

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V° au VII siècles

Ostrogoths et monde byzantin

En 395, la « ligne Théodose », qui partage l’Empire romain en deux, part à la verticale de la côte monténégrine : le futur centre historique du Monténégro se trouve dès lors dans l’Empire d’Orient. En 626, les Avars sont repoussés en Illyrie par l’empereur byzantin Héraclius. Byzance favorise l’installation de populations slaves (Croates et Serbes) pour supplanter les Avars. Finalement, la province de Dioclée est retirée de la tutelle de l’évêque de Rome et placée sous l’autorité du patriarche de Constantinople en l’an 732.

Pour la zone du Monténégro, la principale source d’invasion a été alimentée par les Goths ; parmi eux les Ostrogoths et leur chef Théodoric (474-526) ont réussi à créer ce qu’il est convenu d’appeler le royaume des Ostrogoths (couvrant l’Italie, la Sicile et la Dalmatie) au détriment de Rome et, semble-t-il, avec la bénédiction de l’Empire Byzantin.

IXe au XIIe siècles

La Dioclée, une principauté slave

Avant la fin du VIIe siècle, Byzance favorise l’installation de populations slaves pour supplanter les Avars dans les Balkans. Ces populations slaves, originaires de Pologne et d’Ukraine, sont constituées dans les Balkans de deux grands courants, les Croates et les Serbes. Les premiers s’installent au nord et les seconds à l’est et au sud.

La Dioclée est à l’origine une des quatre principautés de la province romaine de Dalmatie. Couvrant le lac de Skadar, les bouches de Kotor et une partie de la rivière Zeta, son noyau d’origine correspond assez bien au territoire du Monténégro. La Dioclée était à l’origine une principauté de la grande principauté serbe de Rascie, elle-même plus ou moins vassale selon les époques de l’Empire byzantin.

1189-1355

Zeta, cœur de la Serbie sous la dynastie des Nemanjić

Au début du XIe siècle, la Dioclée n’est plus qu’une partie du thème de Serbie (circonscription administrative et militaire au sein de l’Empire byzantin). Le roi Stefan Vojislav s’efforce cependant de se libérer des tutelles serbe et byzantine et d’établir une dynastie. Son descendant, Mihailo, étend le royaume vers le nord-ouest, il sera appelé roi de Dioclée et de Dalmatie. Son fils Constantin Bodin, roi de Dioclée de 1081 à 1101, fut de façon éphémère tsar de Bulgarie en 1072. L’expansion maximale de la Dioclée englobe alors une partie de la Bosnie et de la Rascie (Serbie orientale).

L’appellation Crna Gora (montagne noire ou Monténégro) apparaît quant à elle dans le courant du XIIIe siècle. En 1166, Étienne Nemanja, nommé par Constantinople pour gérer la Rascie, s’émancipe de cette tutelle. En 1189, il annexe la Zeta qui restera sous domination serbe jusqu’en 1355. Son fils sera couronné par le pape. La dynastie des Nemanja atteindra son apogée avec Étienne Douchan (1331-1355) qui, après avoir conquis la Macédoine, se fait nommer empereur des Serbes et des Grecs. Son empire, « la Grande Serbie », couvre également l’Albanie et l’Épire. À sa mort, l’empire se morcelle et commence à être convoité par les Turcs.

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1496- 1878

Le Monténégro sous le joug ottoman

La poussée ottomane se fait sentir dans les Balkans à partir de 1354. Alors que la Serbie devient vassale des Turcs en 1389 après la bataille du champ des Merles (Kosovo), la Zeta réussira pendant près d’un siècle à se maintenir à l’écart des Turcs sous la dynastie des Balsić, des Branković et des Crnojević (1360 à 1496). Ces trois familles réussiront en tissant des liens avec Venise à se protéger de la poussée turque, d’où le nom du Monténégro comme la « Sparte serbe ».

1496-1696

Les princes-évêques du Monténégro : une autonomie dans l’Empire ottoman

Les Turcs ne parviennent pas réellement à exercer leur autorité sur les tribus et clans des montagnes. Le pouvoir se transmet dès lors pendant près de trois siècles d’un évêque à l’autre.

Jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale, le système des princes-évêques place le Monténégro dans le monde orthodoxe. Ce système permet, en faisant émaner le pouvoir temporel de la personne qui détient le pouvoir religieux, de sanctuariser le premier et de le rendre non miscible avec le monde turc et musulman. La grande divergence des histoires serbe et monténégrine se situe à ce moment charnière où la Serbie est occupée par les Ottomans et où le Monténégro réussit à mettre en place le système pérenne des princes-évêques.

1696

Danilo Petrović Njegoš devient prince-évêque du Monténégro. Il réussit à asseoir véritablement son pouvoir en fédérant les tribus monténégrines et en luttant contre les villages les plus réfractaires, comme les Turcs ou Albanais des montagnes orientales du pays. En 1711, le prince-évêque Danilo Ier noue des relations avec la Russie orthodoxe de Pierre le Grand, ce qui apportera pendant trois siècles la protection bienveillante du grand frère russe. Danilo Ier est donc considéré comme le père de la nation monténégrine. Peu avant sa mort en 1735, il réussit à faire accepter la règle d’une transmission par le neveu et à fédérer les principales tribus monténégrines, ce qui amènera la stabilité de la dynastie des Petrović, qui régneront jusqu’à 1914 sur le petit Monténégro.

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1815

Au congrès de Vienne, le Monténégro obtient une extension de son territoire vers le nord-est.

29 juillet 1913

La conférence de Londres reconnaît un nouvel État, l’Albanie ; le Monténégro est contraint de lui laisser Shkodra.

10 août 1913

Suite au traité de Bucarest, le Monténégro s’étend au nord sur une partie du sandjak de Novi Pazar et sur la plaine de la Métochie.

1914-1918

Le Monténégro dans la Première Guerre mondiale

Le 28 juin 1914, l’attentat contre le prince héritier d’Autriche-Hongrie François-Ferdinand est perpétré par Gavrilo Princip, étudiant serbe de Bosnie, au nom de l’unité de tous les Serbes. Cela amène le Monténégro à déclarer, par solidarité avec la Serbie, la guerre à l’Autriche-Hongrie le 8 août 1914. 

Les 40 000 soldats-paysans monténégrins, aguerris par les guerres balkaniques, vont être incorporés à l’armée serbe et participeront notamment à la bataille de Belgrade. Mais en janvier 1916, face à la poussée austro-hongroise, l’armée monténégrine sera dissoute et le roi part en exil en Italie.

La lutte des Blancs et des Verts : fédéralistes contre indépendantistes

Le peuple turbulent du Monténégro est traditionnellement divisé entre verts indépendantistes et blancs favorables à l’union avec la Serbie. Le 30 novembre 1918, une grande Assemblée nationale formée à Podgorica autour du mouvement des blancs vota l’union avec la Serbie au sein de la nouvelle Yougoslavie, ainsi que la destitution de la dynastie des Njegoš. Le roi du Monténégro, Nikola Ier, abdiquait en faveur de son gendre, Alexandre Karađorđević, devenu roi de Yougoslavie. Les partisans d’une indépendance du Monténégro, réunis autour du mouvement des verts, organisèrent la riposte. La première révolte monténégrine dirigée contre la domination étatique serbe date de Noël 1918, sous l’impulsion de l’ancien ministre de l’Intérieur, Jovan Plamenac. Ce dernier mena une insurrection de milices vertes contre la ville de Cetinje, laquelle fut rapidement réprimée par l’armée serbe et les milices monténégrines blanches. Fin 1918, l’Assemblée monténégrine issue des élections de novembre décide la déchéance de la dynastie des Niegoš et le rattachement du Monténégro à la Serbie. Le Monténégro devient partie du royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes de Pierre Ier, roi de Serbie. Un climat de guérilla opposant des Monténégrins aux Serbes régna jusqu’à 1924, malgré la reconnaissance internationale de l’existence du royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes au congrès de Versailles, et donc de l’intégration du Monténégro à cet État. La mort du roi Nikola Ier en France le 1er mars 1921 privait le gouvernement en exil d’une volonté organisée, et l’opposition à la domination serbe se cristallisa en un mouvement politique, le Parti fédéraliste monténégrin, qui remporta 23 % des voix aux élections législatives de mars 1923. Ce parti sera à l’origine du développement du Parti communiste au Monténégro.

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1921

Mort de Nicolas Ier et abdication de son fils Danilo qui marquent la fin de la dynastie. La Constitution écarte l’idée d’un État fédéral et Alexandre Ier (fils de Pierre Ier de Serbie) devient le roi du royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes le 16 août 1921.

Octobre 1929

Adoption de l’appellation de royaume de Yougoslavie.

6 avril 1941

La Yougoslavie est attaquée par les troupes de l’Axe.

1941- 1945

Le Monténégro dans la Seconde Guerre mondiale

Le Monténégro est placé sous gouvernorat italien après que le prince Michel eut refusé le trône qui lui était offert par Mussolini. La bande côtière est « confiée » par le nouvel État croate à l’Italie qui contrôle ainsi entièrement la côte adriatique (Monténégro et Albanie compris). En novembre 1942, une entité politique commune, le Conseil antifasciste de libération de la Yougoslavie (AVNOJ), est créée par les communistes et donne au Monténégro le titre de république dans la future Yougoslavie. En septembre 1943, les autorités allemandes décident de rattacher la zone des bouches de Kotor au Monténégro ; ce rattachement sera entériné dans la structure fédérale de la Yougoslavie après la guerre et n’a plus été contesté depuis.

1917-2001

Vlade Dapčević

Les communistes monténégrins seront en 1944-1945 les plus fervents partisans de Staline. Celui-ci est vécu comme le libérateur des peuples du monde entier, alors que Tito l’est comme instigateur d’un communisme national. Vlade Dapčević, très jeune rentré aux Jeunesses communistes yougoslaves, est avec son frère Peko un des principaux leaders du mouvement communiste monténégrin entre 1941 et 1944. Mais alors que Peko deviendra chef d’état-major de l’armée yougoslave en faisant allégeance à Tito, Vlade sera envoyé en 1950 dans le bagne titiste de Goli Otok, car il avait voté pour l’intégration de la Yougoslavie au Kominform. Il en sortira en 1954 et, estimant la Yougoslavie titiste déjà vendue aux Occidentaux, il recréera un Parti communiste yougoslave en exil, à Paris. En 1975 l’UDBA, police politique titiste, l’arrête en Roumanie et le renvoie quatorze ans dans les geôles titistes. Héros de la Seconde Guerre mondiale et fervent communiste, Vlade Dapčević rejoint la tradition de révolte contre l’ordre établi et le goût de l’indépendance des Monténégrins.

1945

Proclamation de la république populaire fédérative de Yougoslavie.

4 mai 1980

Mort de Tito.

Les années 1990

La Ligue communiste de Yougoslavie se délite. Les premières élections parlementaires libres de l’après-guerre sont ainsi organisées dans les six républiques de la fédération. Les Monténégrins restent à l’écart de ces mouvements qui conduiront à l’explosion de la fédération, ils combattent de fait dans l’armée serbe contre les Croates à Dubrovnik. En mars 1992, un référendum sur le maintien du Monténégro dans la Yougoslavie est organisé. Le résultat est un vote à 96 % favorable au maintien, plaçant la république du Monténégro sur le même plan que celle de la Serbie. Mais à la fin des années 1990, le Monténégro va prendre une certaine distance vis-à-vis de la politique menée par Slobodan Milošević, président de la Fédération depuis juillet 1997. À la fin de l’année 1999, le Monténégro adopte le mark allemand comme monnaie officielle puis dès l’an 2000 adopte l’euro. Le second événement est le rejet en juillet 2000 d’une reforme fédérale voulue par la Serbie, qui aurait renforcé le pouvoir fédéral.

2002

La Serbie et le Monténégro élaborent un nouveau projet constitutionnel sous l’égide de l’Union européenne.

4 février 2003

Naissance de l’Union Serbie-et-Monténégro qui signifie la disparition définitive de la Yougoslavie.

21 mai 2006

Référendum sur l’indépendance : le taux de participation est de 85 % et 55,5 % des votes sont favorables à l’indépendance. Le choix de l’indépendance passe donc de justesse (il fallait plus de 55 % d’opinions favorables pour que l’indépendance soit entérinée). Le Parlement du Monténégro proclame l’indépendance le 3 juin 2006.

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31 janvier 2008

Le dirigeant historique Milo Djukanović est reconduit au poste de Premier ministre.

Décembre 2017

Le Monténégro rentre après plusieurs années de négociation dans la structure intégrée de l’OTAN. Le pays est encore en cours de négociation pour intégrer l’Union européenne.

Novembre 2021

Lors du grand sommet de l'Otan à Madrid, le secrétaire général a réaffirmé son attachement au Monténégro. La contribution de Podgorica est considérée comme « non négligeable ».

Août 2022

Un exemple qui révèle toute la réalité politique des Balkans. Une autoroute devant relier la mer Adriatique à la Serbie ne verra probablement jamais le jour. Les dettes sont colossales, les contrats opaques et les appels d'offres inexistants. La Chine, qui a gagné le marché, semble faire durer les travaux afin que les closes de délais soient actionnées. Une technique classique qui n'a dupé aucun officiel du gouvernement de Podgorica. Quelle est la grande clause à actionner en cas de non-paiement ? La vente de n'importe quel terrain dans le pays hors zones militaires et diplomatiques. C'est ainsi que Pékin a eu des vues sur le port en eaux profondes de Bar… Le Monténégro a tout simplement organisé la vente du port à travers ce contrat qui n'avait pas vocation à être honoré. Finalement, ce sont les Français qui payeront la facture de l'autoroute. Pourquoi ? La première raison est que les Anglais et les Américains nous laissent payer la facture. La Serbie achète beaucoup de matériel militaire à la France. La trésorerie s'en retrouve quelque peu amortie. La France n'a pas une grande envie de voir le seul accès à la mer de culture serbe aux mains de la Chine. En effaçant la dette du Monténégro, la Chine ne peut actionner les clauses du contrat en cas de non-paiement. Le lecteur appréciera la cocasserie de la situation.