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Une biodiversité fragile

La biodiversité jordanienne souffre d’un appauvrissement inquiétant aux origines multifactorielles. Depuis une centaine d’années, faune et flore se raréfient dans une région déjà fragilisée par un climat et une topographie arides. La chasse intensive a fait disparaître de nombreuses espèces, tout comme la déforestation, l’expansion de l’agriculture dans la vallée du Jourdain ou le changement climatique. La Jordanie se découpe en trois écosystèmes distincts : le plateau transjordanien qui s’étend de la frontière syrienne à la vallée de Dana ; la vallée du Jourdain qui s’enfonce dans le pays depuis le carrefour israëlo-syrien jusqu’à la mer Morte ; le désert. On peut y ajouter un quatrième écosystème avec le monde sous-marin de la mer Rouge. Au total, ce sont 2 545 espèces qui ont été recensées en Jordanie, 436 espèces d’oiseaux, 82 espèces de mammifères et 99 espèces de reptiles. La protection de la faune et de la flore est assurée par la Royal Society for the Conservation of Nature (RSCN). Cette association est née du constat d’un déclin important de la faune par des chasseurs en 1966. Depuis, l’association s’est structurée, a grandi et veille désormais sur le devenir des zones naturelles protégées. Elle a notamment reçu mandat du Ministère de l’Agriculture pour s’assurer de l’application de la loi sur la préservation de la vie sauvage. Consciente de la nécessité d’informer et de convaincre, la RSCN tisse des liens avec les communautés locales et agit pour un tourisme éco-responsable aux abords des réserves naturelles qu’elle gère. Elle met sur pied des projets de développement économique tels que des ateliers d’artisanat local, des campements ou des restaurants éco-orientés, des activités durables (randonnée, canyoning, cyclotourisme…) au sein des réserves naturelles.

La faune jordanienne

L’oryx d’Arabie est l’animal national de la Jordanie. Cette antilope de la famille des bovidés est aisément reconnaissable à ses longues cornes torsadées qui forment un V au-dessus de sa tête. L’espèce s’est éteinte dans les années 1930 en raison d’une chasse intensive. Elle a été réintroduite en Jordanie en 1978 depuis un zoo américain. Un important programme de conservation a permis de porter le nombre de têtes de 11 à plus de 200 et l’espèce est passée du statut de « en danger » à celui de « vulnérable » au classement CITES. D’autres espèces ont bénéficié du même programme comme l’autruche de Somalie ou l’onagre de Perse, une espèce d’âne sauvage. La faune carnivore encore présente à l’état sauvage comprend la hyène rayée, le caracal, un félin reconnaissable aux pinceaux poilus qui coiffent ses oreilles pointues, le loup d’Arabie, le renard rouge d’Arabie, la mangouste d’Egypte aussi appelée rat des pharaons, le ratel, le blaireau du Caucase ou la loutre d’Europe. Sanglier, lièvre d’Europe, porc-épic indien, daman des rochers ressemblant à une marmotte ou diverses espèces de hérissons sont aussi recensés. Néanmoins, il est difficile, voire rare, d’apercevoir des animaux sauvages en Jordanie, même en se rendant dans les réserves naturelles. Les passionnés de vie sauvage en quête de rencontre fortuite avec l’oryx d’Arabie ou autre devront s’armer de patience. Les animaux que vous croiserez le long des routes ou dans les montagnes sont tous domestiqués et sont pour l’essentiel des dromadaires, des chèvres et des moutons.

Beaucoup plus faciles à apercevoir, les oiseaux peuvent faire l’objet d’une thématique de séjour, pour les amateurs. La Jordanie est une destination de migration pour de nombreux oiseaux venus d’Europe ou d’Asie Mineure ou de Russie. La meilleure période pour les observer est donc l’hiver. Jusqu’à il y a peu, les marais d’Azraq comptaient parmi les destinations privilégiées. Mais le gouvernement jordanien a décidé de les assécher partiellement, supprimant un refuge naturel pour de nombreuses espèces migratrices. Aujourd’hui, seuls quelques canards et pélicans continuent de barboter dans les mares qui subsistent. La biosphère de Dana demeure la destination de choix pour se familiariser avec la faune ornithologique jordanienne. Vous pourrez également apercevoir quelques espèces intéressantes en vous promenant à Pétra, au Wadi Rum ou dans la réserve de Mujib. Parmi les espèces locales ou résidentes, on peut citer le moineau de la mer Morte, l’oiseau du soleil palestinien, le cul-blanc, le martin-chasseur de Smyrne, le martin-pêcheur pie, le martinet, le troglodyte des forêts... Les rapaces sont faciles à repérer notamment dans la réserve de Mujib ou le Wadi Rum. Parmi les espèces résidentes en Jordanie, on peut citer l’aigle de Bonelli, le faucon crécerelle, le circaète Jean-le-Blanc ou encore la buse féroce. Parmi les espèces migratrices, la Jordanie accueille de rares spécimens de grue de Sibérie, de pétrel, d’érismature à tête blanche, de traquet de Finsch, de grive musicienne, différentes sous-espèces de grèbes ou encore l’oie cendrée.

Le désert héberge quelques espèces peu avenantes telles que la vipère à corne ou la vipère des sables. Leur morsure n’est pas mortelle et heureusement les chances de tomber dessus sont rares, tout comme pour le scorpion. Quelques espèces migratrices sont aussi typiques de la région d’Aqaba comme le flamant rose, le pélican blanc ou le pélican gris.

La flore jordanienne

A l’exception de la verdoyante vallée du Jourdain, l’essentiel de la Jordanie est désertique ou semi-désertique. La végétation a du mal à l’emporter sur l’aridité de regs désolés. Il faut y venir au printemps pour voir les montagnes tapissées de bosquets fleuris. La fleur nationale est l’iris noir, qui est en réalité d’un violet sombre. Elle symbolise la croissance, le changement et le renouveau et pousse à travers tout le pays, mais plus particulièrement entre Madaba et Kerak. Seulement 1 % du territoire jordanien est couvert de forêts. Celles-ci se trouvent au nord-ouest du plateau transjordanien, entre Amman et la frontière syrienne. Elles sont essentiellement composées de pins d’Alep, de cyprès de la Méditerranée, de chênes à feuilles caduques ou persistantes, de genévrier de Phénicie. On trouve aussi des oliviers sauvages multicentenaires, même si la plupart font l’objet d’une culture. La récolte des olives s’effectue fin octobre, à la main. Elles sont pressées dans les villages, puis l’huile est collectée pour être packagée et vendue. Les arbres étant rares dans le pays, ils suscitent la convoitise des gens les plus aisés. Ils n’hésitent pas à dépenser des fortunes pour arracher des arbres multicentenaires à leur environnement naturel et les replanter dans leur propriété. En descendant vers le sud, la flore s’appauvrit. Quelques buissons rabougris et des lichens tentent une percée dans les sols rocailleux, qui seront vite broutés par les chèvres et les moutons. Les wadis sont en général plus verts, l’eau s’écoulant naturellement dans leurs profondeurs. C’est là que poussent les tamaris, les acacias ou l’armoise, que les locaux utilisent en infusion et que vous ne manquerez pas de goûter à Pétra ou dans le Wadi Rum sous le nom de « sage tea ». La vallée du Jourdain est devenue une vaste bande agricole qui prodigue l’essentiel des fruits et légumes du pays. Les vergers abritent bananiers, palmiers-dattiers, pistachiers, orangers et citronniers ou encore grenadiers en abondance. Les zones de maraîchage permettent de faire pousser tomates, concombres et aubergines toute l’année. Les surplus de récolte sont exportés vers l’Arabie saoudite voisine.

Les trésors de la mer Rouge

Le golfe d’Aqaba, à la pointe nord-est de la mer Rouge, est réputé pour ses fonds marins d’une extrême beauté, la diversité de sa ressource pélagique et la grande pureté de ses eaux. Il attire de nombreux plongeurs attirés par ses eaux bleu grenadine. Un recensement établi en 2018 a établi une liste de 1 207 espèces différentes dans la mer Rouge, dont 797 sont présentes dans le golfe d’Aqaba. Les poissons les plus recherchés sont les poissons-voiliers, les plus rapides au monde, et le requin-baleine, le plus grand au monde, mais parfaitement inoffensif. Le golfe est le refuge d’autres espèces de requins, qui restent en général dans les profondeurs. On peut notamment citer le requin-tigre, le requin-renard, le requin océanique, le requin mako et le requin de récif. La plupart de ces requins sont inoffensifs et les attaques sont rares. Elles résultent le plus souvent d’une mauvaise interprétation comportementale de la part de plongeurs manquant d’expérience. Le golfe regorge également de poissons plus petits et colorés tels que la murène à bouche jaune, l’imposant napoléon dont seuls les mâles sont bleus, le barracuda, le poisson-clown, le poisson-grenouille. Le golfe compte aussi des espèces venimeuses comme le poisson-lion, le poisson-pierre et plusieurs variétés de poissons-scorpions, particulièrement agiles à se camoufler dans leur environnement. Une grande variété de nudibranches aux couleurs vives fait la joie des amateurs de macro. On peut notamment citer le doris de Kunié, la rougissime danseuse espagnole, ou le nudibranche pyjama. Deux espèces de tortues fréquentent les récifs, la tortue imbriquée et la tortue verte. Des dauphins sont régulièrement aperçus au large, dont le dauphin à gros nez ou le dauphin de Risso. Enfin, de magnifiques raies se tapissent dans le sable, de préférence dans les eaux peu profondes. Attention où vous mettez les pieds afin de ne pas vous faire piquer par une raie pastenague à taches bleues ou à taches noires, une raie aigle ou encore une torpille panthère.

Contrairement à beaucoup d’autres endroits sur la planète, la barrière de corail du golfe d’Aqaba semble résister au réchauffement des eaux et à une forte diffusion de dioxyde de carbone. Les scientifiques se penchent sur la question afin de déterminer les raisons de cette résilience. Le Projet Azrac mené par une équipe de chercheurs suisses et israéliens collecte des espèces bien particulières afin d’étudier leur résistance dans le temps. L’hypothèse avancée pour expliquer ce petit miracle écologique est que le corail se serait formé au sud de la mer Rouge, avant de remonter vers le nord et de s’étaler sur 13 kilomètres autour d’Aqaba. Des coraux de toutes les formes et couleurs tapissent les tombants fournissant caches et nourriture aux poissons. Le golfe d’Aqaba est devenu un des hauts lieux de la plongée dans le monde et les villes d’Aqaba en Jordanie et Sharm-el-Sheikh en Egypte tirent l’essentiel de leurs revenus de cette manne touristique. L’intense fréquentation du récif, des plongeurs pas toujours délicats et la pollution engendrée par ce business (bateaux, plastiques…) sont de nature à menacer le fragile écosystème. Une campagne visant à inscrire le golfe d’Aqaba au Patrimoine mondial de l’UNESCO est en cours afin d’assurer la survie du récif sur le long terme.