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Pavol Orszargh Hviezdoslav© Karl Allen Lugmayer - Shutterstock.com.jpg

Comprendre son histoire

Comme dans nombre de pays, la littérature est d’abord affaire de tradition orale. Au Moyen Âge, elle est essentiellement marquée par l’influence biblique. Il faudra pourtant attendre le XVIIIe siècle pour que la Bible soit traduite en slovaque (1756). Cette époque est marquée par des écrivains comme Matthias Bel (1684-1789) et Adam František Kollár (1718-1753). Les décennies suivantes voient naître des auteurs comme Jan Kollar (1793-1852). Archéologue, scientifique, homme politique, il est aussi auteur et poète. Il est possible de découvrir certaines de ses œuvres dans l’Anthologie de la poésie tchèque et slovaque (Messidor/Unesco, 1987). La littérature slovaque n’a réellement commencé à éclore qu’au milieu du XIXe siècle, grâce à la codification de la langue en 1843. Pavel Jozef Šafárik (1795-1861) est par exemple l’un des fondateurs de la slavistique moderne (étude linguistique des langues slaves). C’est Ľudovít Štúr (1815-1856) qui permet la seconde codification. Le XIXe siècle est aussi marqué par l’écrivain Jozef Miloslav Hurban (1817-1886), également chef de file du soulèvement slovaque de 1848-1849.

Des auteurs engagés

Bien longtemps écrasée par le rayonnement de Prague et des mouvements culturels tchèques, la littérature slovaque a suivi deux axes : exprimer un sentiment nationaliste et dénoncer le pouvoir oppresseur à travers le genre du documentaire. Sous le communisme, des dissidents exilés ont créé des œuvres fortes contre le régime, tel le livre de Ladislav Mňačko (1919-1994) Reportage en retard (Oneskornené Reportažé) ayant pour sujet les procès sous Staline. Arrêtons-nous un instant sur deux poètes nationaux Pavol Országh (1849-1921) et Janko Jesensky (1874-1945). Le premier choisit le nom artistique de Hviezdoslav pour, littéralement, « glorifier les étoiles ». Hviezda, en slovaque, signifie « l’étoile », et slávit, « glorifier ». Ce poète lyrique, épique et dramatique rompt avec la rêverie romantique, fouette la volonté de ses compatriotes opprimés matériellement, politiquement et intellectuellement par les Hongrois. En l’absence d’écoles slovaques, Hviezdoslav est contraint de faire des études en hongrois. À l’université, il prône l’union des Slovaques avec les Tchèques. Il sympathise avec Mazaryk et, lors d’un voyage à Prague en mai 1918, il prononce un discours retentissant pour l’unité. Il agit dans le même sens comme député du Parlement, dans les premières années de la première République tchécoslovaque. Il a également ouvert une fenêtre sur le monde aux Slovaques, en traduisant les œuvres de Shakespeare, de Goethe, de Schiller, de Pouchkine… Dans son œuvre, on trouve une influence de ces auteurs et des poètes tchèques contemporains, mais son vrai maître est Sládkovič, un poète slovaque du groupe de Štúr qui a jeté les bases de la poésie slovaque. Les premiers errements romantiques abandonnés, Hviezdoslav trouve une expression ferme et disciplinée de ses sentiments face à la nature, le cosmos et la vie dans Rameaux (1885-1895), Sonnets (1886) et Nostalgies (1903), de son sentiment religieux dans Psaumes et hymnes (1885) et de ses convictions morales, nationales et humanistes dans ses Sonnets sanglants (1919). Son chef-d’œuvre reste La Femme du forestier (1886), exaltation de la splendeur de la nature slovaque et des hommes du peuple, sans idéalisation, à l’exception de sa conviction en la bonté foncière du peuple. Parlons à présent de Janko Jesensky. Ce jeune avocat, cultivé, commence sa carrière de poète par des vers d’inspiration pouchkinienne, élégants, légèrement ironiques, puis se tourne vers des préoccupations plus sociales et nationales (après 1918). Pendant la Première Guerre mondiale, il passe par la prison hongroise puis mène les troupes tchécoslovaques en Russie, aux côtés des Alliés. Il publie dans l’entre-deux-guerres des poésies nostalgiques et révoltées avec Le Chemin de la liberté. Devenu haut fonctionnaire de la République tchécoslovaque, il garde toute sa lucidité et son sens critique. Les démocrates témoignent de son sens aigu de l’observation de la vie sociale et nationale. Adversaire de toujours des bureaucrates, des séparatistes slovaques, des fascistes, des communistes, ferme et courageux défenseur de la liberté, de la démocratie, de l’unité tchécoslovaque, il ne craint pas d’exprimer, souvent avec un mordant sarcasme, sa révolte à la vue de l’État slovaque « sous protection allemande ». Ses poèmes « Contre la nuit », « Journées noires », « À la méchanceté du jour » circulent clandestinement pendant la guerre. Il est promu artiste national en 1945.

La nouvelle scène

Depuis l’éclatement du bloc soviétique et la révolution de velours, la scène littéraire slovaque a dû se recréer et penser au nouveau rôle de l’écrivain. La tendance actuelle est marquée par un goût prononcé de création mêlant humour et légèreté, créant ainsi des situations absurdes, miroir d’une société paradoxale et en pleine mutation. Qui sont ces nouveaux auteurs ? Ils se nomment Peter Pišťanek (1960-1995), qui a notamment été remarqué pour son ouvrage Rivers of Babylon publié en 1991, premier tome d’une trilogie très appréciée. Mila Haugova également, qui dépeint dans ses poèmes les rapports homme-femme à travers le corps. L’amour érotique, la douleur et la souffrance font partie de ses thèmes favoris. En 2019 est sortie une anthologie de ses textes, Les Danubiennes, aux Éditions Pétra. Mentionnons également la romancière Jana Beňová, qui a écrit son premier recueil de poèmes en 1993 puis a continué diverses publications, dont son roman Parker en 1999, jusqu’à l’obtention du prix européen de Littérature pour la Slovaquie avec Plan odprevádzania. Pour finir, citons Uršuľa Kovalyk, romancière et nouvelliste, mais également auteure de théâtre et metteure en scène. Elle est d’ailleurs la fondatrice du Théâtre sans domicile fixe. Elle s’implique dans l’aide aux sans-abri et dans la défense des droits des femmes. Elle rencontre un succès à l’international. Son roman Femme de seconde main (2017), traduit en français, relate l’histoire d’une femme qui vend son amitié. En 2019, elle publie L’Écuyère qui met en scène de jeunes adolescentes à la fin des années 1980 en Tchécoslovaquie, à la fin du bloc de l’Est marquant l’arrivée d’un nouveau monde.