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La tumultueuse histoire du protestantisme en Slovaquie, ex-Haute-Hongrie

La Réforme. Le déclin moral de la société aux XVe et XVIe siècles n’a pas épargné l’Église et ses représentants. Les troubles dans l’Empire d’Occident et dans l’Église atteignent leur point culminant avec le grand schisme d’Occident qui divise la chrétienté européenne. On est en pleine guerre de Cent Ans et ces troubles touchent tous les niveaux de la société, des nobles aux paysans qui se soulèvent avec, en fil rouge, la dénonciation de la corruption dans le système religieux. Ces événements ont été parmi les causes du mouvement réformiste. La réforme protestante communément appelée « Réforme » marque le désir d’un changement religieux et social. Né principalement en Allemagne, ce mouvement a rapidement traversé les frontières pour se propager vers ses partenaires commerciaux, dont la Slovaquie. Les nouvelles sont soutenues par la noblesse contre le pouvoir en place. Alors que la période du plus grand développement de la Réforme en Slovaquie ait été en 1521-1523, les Habsbourg catholiques régnaient toujours en Hongrie.

La contre-Réforme. Le concile de Trente (1545-1563) condamne la Réforme perçue comme une agression, la contre-Réforme commence. L’Inquisition stricte et l’interdiction de liberté de religion sont restaurées auprès d’un peuple où 90 % des Slovaques croyants se sont ralliés au mouvement de la Réforme. La contre-Réforme se concentre sur la suppression des temples, l’expulsion des prédicateurs et des enseignants favorables à la Réforme. Différentes méthodes sont utilisées pour ramener la population au catholicisme, notamment des peines et des exécutions des plus cruelles. Léopold Ier, élevé par des jésuites, accède au trône hongrois en 1655, s’ensuit une décennie d’absolutisme avec la confiscation de 888 églises. Mais face aux soulèvements du peuple opprimé et à la menace turque, il est contraint d’assouplir ses règles. Le 8 octobre 1681, l’empereur publie une résolution selon laquelle les protestants peuvent construire un temple à Bratislava. Premier pas avant la constitution de règles strictes et contraignantes qui régiront la construction des églises protestantes.

L’origine des églises articulaires

Pour faire face au mécontentement des catholiques, Léopold Ier ajoute des restrictions régies par les « articles » (d’où le nom des églises articulaires) quant à la construction d’églises non catholiques dans la Haute-Hongrie. Pour commencer, il ne pouvait y avoir que deux églises dans chaque unité administrative, et qu’une seule dans les villes royales, les villes minières ou les villes frontières. Ensuite, les règles, contraignantes, étaient les suivantes : le temple devait être construit en moins d’un an, entièrement en bois, sans clous ni éléments métalliques, à la périphérie du village ou en dehors des limites de la ville, sans clocher, avec une entrée principale ne donnant pas directement dans la rue et une fondation en pierre ne pouvant dépasser un pied du sol. Un second article stipulait que les protestants devaient rendre à l’État les églises qu’ils avaient construites avant la période de persécution, à condition qu’elles n’aient pas reçu d’ordination catholique entre-temps.

En lieu et place des 888 temples confisqués, ce changement administratif a permis la construction de seulement 38 nouveaux temples protestants dans les onze régions non occupées par les Turcs. Il faut aussi ajouter que les responsables des Habsbourg ont tout mis en œuvre pour réduire encore la durabilité de ces nouvelles églises évangéliques en modifiant arbitrairement les règles de construction et en renforçant les sanctions restrictives.

Il faudra attendre cent ans pour que le souverain Joseph II publie un « brevet de tolérance » permettant aux protestants de construire des églises en brique, mais toujours en dehors des places centrales et toujours sans tour ni clocher.

Les églises articulaires protestantes de Slovaquie sont des monuments historiques rares, car dans les pays voisins, où l’intolérance n’existait pas, il n’y avait aucune restriction similaire. Les protestants slovaques ont dû faire preuve d’une grande ingéniosité et faire appel à des architectes aux savoirs spécifiques pour parvenir à respecter les articles. À ce jour subsistent six de ces curiosités architecturales, dont l’église articulaire en bois de Svätý Kríž (Drevený artikulárny kostol Svätý Kríž), l’église articulaire en bois de Istebné (Drevený artikulárny kostol Istebné), et celles qui sont inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco : l’église articulaire en bois de Hronsek (Drevený artikulárny kostol Hronsek), l’église articulaire en bois de Leštiny (Drevený artikulárny kostol Leštiny) et l’église articulaire en bois de Kežmarok (Drevený artikulárny kostol Kežmarok).

Les principales églises en bois des autres confessions

La plus grande concentration d’églises en bois (il y en a 38) se trouve autour de Bardejov et Svidnik, villes du nord-est de la Slovaquie. Elles sont l’œuvre et la fierté des Ruthènes. Ce petit groupe ethnique à l’identité controversée vit traditionnellement dans les Carpates orientales, aux confins de la Slovaquie et de l’Ukraine. Ils parlent une langue très proche de l’ukrainien, écrivent en cyrillique, mais sont de religion gréco-catholique (ou uniate). Réunis avec les autres catholiques sous la direction spirituelle du pape, ils gardent néanmoins la liturgie en vieux-slave et beaucoup de rites de l’Église orthodoxe comme le mariage des prêtres et le baptême par immersion. Leurs églises sont de petites merveilles, en bois du sol au plafond, elles parsèment les routes bucoliques de l’est du pays. Les plus réputées sont : l’église Saint-Nicolas de Bodružal (Chrám svätého Mikuláša Bodružal), l’église Saint-Michel-Archange de Ladomirová (Chrám svätého Michala archanjela Ladomirová) et l’église Saint-Nicolas de Ruská Bystrá (Chrám Prenesenia ostatkov svätého Mikuláša Ruská Bystrá).

On dénombre également onze églises catholiques et parmi les plus remarquables, nous pouvons citer les deux inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco : l’église Saint-François-d’Assise de Hervartov (Kostol svätého Františka z Assisi Hervartov), construite en bois par les villageois à la fin du XVe siècle, elle renferme des peintures murales datant de la période 1655-1805, l’église de Tous-les-Saints de Tvrdošín (Kostol Všetkých svätých Tvrdošín), construite au XVe siècle, rénovée en style Renaissance au XVIIe siècle.

Pour finir, l’église de l’Archange-Michel de Rusky Potok (kostol svätého Michala archanjela Rusky Potok) est l’une des rares églises orthodoxes du pays.

C’est autour des villes de Svidník et Bardejov que l’on trouve la plus forte concentration de ces édifices uniques.