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Naissance de l’art maltais

C’est vers la fin du Néolithique (3 800 avant J.-C.) que l’on trouve les premières représentations sculpturales. Connue comme la plus ancienne statue au monde de cette dimension, la Déesse de la fertilité a été retrouvée sur le site de Tarxien. Bien qu’il reste principalement sa jupe et ses jambes, ses formes schématiques et arrondies la rapprochent d’une sculpture abstraite moderne. Les statuettes d’argile telles que la Vénus de Malte ou la Femme endormie sont en revanche finement façonnées. La plupart sont à admirer au musée d’archéologie de La Valette. Les temples mégalithiques sont également ornés de nombreuses spirales et fresques gravées dans la pierre, représentant souvent des animaux.

Les premières peintures locales parvenues jusqu’à nous sont les fresques des catacombes et des églises troglodytes (Sainte-Agathe et Tad-Dejr à Rabat). Datées du XIVe siècle, elles sont fortement marquées par le style siculo-byzantin. L’influence italienne et byzantine se retrouve également dans les panneaux peints du musée de Mdina. L’arrivée des Chevaliers de l’ordre enrichit considérablement la peinture maltaise. Consacrant d’importantes ressources à l’embellissement des bâtiments, ils rapatrient aussi les œuvres de Rhodes (icône de la Vierge Damascène), et ils commandent des toiles à des artistes tels que Bartolomeo Perugrino ou Giovanni Maria Abela. Quelques-unes sont conservées au musée de Mdina : Lamentation du Christ, Sainte Agathe en majesté, à Naxxar, la Vierge de Rosaire.

La Renaissance

A la fin du Grand Siège, l’ordre victorieux attire les dons de toute l’Europe chrétienne, notamment pour la construction de La Valette. De nombreux peintres, influencés par la Renaissance et le maniérisme, sont invités à Malte. Certains y trouvent refuge, comme Matteo Perez d’Aleccio qui s’installe définitivement sur l’île, et qui a peint pour le palais du Grand Maître, la cathédrale Saint-Jean et l’église de Saint-Paul-le-Naufragé. Francesco Potenzano a réalisé l’oratoire et la sacristie de Saint-Jean.

L’exil du Caravage

L’illustre peintre italien Michelangelo Merisi da Caravaggio, dit « Le Caravage » (v. 1571-1610) embarque pour Malte en 1607 pour fuir Rome où il est condamné à mort. Il accoste sur l’archipel, à bord d’une galère de l’ordre de Malte, à l’invitation du grand maître Alof de Wignacourt. Il ne faut guère plus d’une année pour que son tempérament de feu ne lui attire de nouveaux ennuis. Emprisonné au fort San Angelo, il s’en échappe pour regagner l’Italie où il décèdera peu après. Durant les quinze mois que dure son exil, Le Caravage marque le patrimoine culturel maltais de son empreinte indélébile. Malte lui offre l’asile ainsi qu’un atelier, en échange de quoi l’artiste fournit cinq toiles. La plus célèbre, La Décollation de saint Jean-Baptiste, est conservée dans l’Oratoire de la co-cathédrale Saint-Jean à La Valette avec le Saint Jérôme écrivant. Réalisée in situ, l’œuvre monumentale (361 × 520 cm) est l’unique peinture signée par le maître.

Parmi les trois autres œuvres qu’il a réalisées à Malte, deux sont exposées au Palais Pitti à Florence (Amour endormi et Portrait d’un chevalier de Malte) et la dernière au Louvre à Paris (Portrait d’Alof de Wignacourt).

Sa palette basée sur le clair-obscur et ses compositions puissamment expressives au réalisme novateur font école à Malte comme ailleurs. Cependant il tombe rapidement dans l’oubli, jusqu’au XXe siècle qui reconnaît enfin son influence.

Mattia Preti

A la suite du Caravage, le peintre calabrais Mattia Preti est l’un des plus célèbres artistes ayant séjourné à Malte. Né en 1613, il décède à La Valette en 1699 où se déroula la plus grande partie de sa carrière, après quelques années d’exercice à Naples et à Rome. Ses talents sont multiples mais il excelle plus particulièrement dans le dessin et l’art des coloris. Il maîtrise lui aussi le clair-obscur et les compositions expressives, notamment en contreplongée. C’est à lui que revient en 1661 la lourde responsabilité de décorer la voûte de la co-cathédrale Saint-Jean. Il met cinq ans à transformer l’austère bâtiment en merveille de l’art baroque. La peinture à l’huile sur pierre représente les 18 épisodes de la vie de Jean-Baptiste, et brille d’une mystérieuse lumière. Mattia Preti a d’ailleurs fait procéder à des modifications architecturales afin de rendre la cathédrale plus lumineuse. Artiste prolifique, il est fait chevalier.

La fin du XVIIe et le XVIIIe siècle

Parmi les peintres qui marquent la période suivante, Giuseppe d’Arena (1633-1719), Stefano Erardi (1630-1716) et son fils Alessio (1671-1727). Gian Nicola Buhagiar (1698-1752) et Francesco Zahra (1710-1773) contribuent fortement à l’art maltais à travers l’influence du baroque napolitain, témoignant ainsi de l’âge d’or de Malte sous le règne de Pinto. A la fin du XVIIIe siècle, ce dernier commande le portrait de cour (exposé dans la sacristie Saint-Jean) à Antoine de Favray (1706-1798), artiste français de Bagnolet, mais maltais d’adoption. Ce dernier représente le religieux comme un monarque absolu, en hermine.

Le XIXe siècle

Le néoclassicisme est représenté par Michele Busuttil (cathédrale de Gozo) et son fils Salvatore (palais Verdala). Au XIXe siècle, la peinture maltaise est influencée par le mouvement nazaréen. Fondé à Vienne en 1809, il cherche à faire revivre l’art religieux en rejetant le baroque pour des sources d’inspiration plus réalistes. Giuseppe Hyzler (1793-1858) et son fils Vincent (1813-1849) en font partie. Vers la fin du XIXe siècle, les ecclésiastiques se tournent vers l’académisme de peintres italiens (Gallucci, Gagliardi, Grandi). Le style romantique du Napolitain Giuseppe Cali (1846-1930) perdure jusqu’au début du XXe siècle. Nombre d’églises de Malte en gardent une trace.

Vers l’époque contemporaine

Edward Caruana Dingli, né en 1876 à La Valette et décédé en 1950, est avant tout reconnu comme un pionnier de la représentation du folklore maltais. Il a étudié auprès d’artistes comme G. Calleja et G. Cali. Après une carrière militaire, il décide de devenir peintre professionnel. Pour se former, il accomplit un tour d’Europe de la peinture avant de revenir à Malte. Il réalise alors des œuvres à caractère folklorique comme le Joueur de guitare ou la Vendeuse d’oranges mais aussi des portraits de personnalités maltaises comme des gouverneurs, des Premiers ministres, des Chevaliers ou encore le roi George V. Enseignant la peinture à l’école des arts de Malte, il influence les artistes de la génération suivante comme E. Cremona, W. Apap, E. Barthet ou A. Inglott. Edwin John Victor Pasmore (1908-1988), considéré comme l’un des pionniers de l’art abstrait britannique, eut un véritable coup de cœur pour Malte alors qu’il cherchait une résidence secondaire avec son épouse. Jusqu'à la fin de sa vie, il resta très attaché à Malte et noua des relations fortes avec des artistes de l’île comme le céramiste Gabriel Caruana et l’architecte Richard England. L'archipel le lui a bien rendu en fondant la Galerie Victor Pasmore qui regroupe les peintures et les sculptures qu’il a exécutées sur l’archipel.

Hors les murs

L'année 2005 voit éclore la première œuvre d’art urbain maltaise. Les fresques les plus spectaculaires se succèdent pour raviver des lieux délaissés. Il faut dire qu’à Malte, le street art fait partie des matières du programme scolaire ! C’est donc tout naturellement que les graffitis et les fresques parsèment l’archipel. Bon à savoir : une forte concentration d’œuvres murales glorifient Marsaskala et Sliema. La baie Qui-Si-Sana Beach, sur la pointe de Tigné, offre un support propice aux œuvres monumentales, tel ce baigneur barbotant au bord d’une falaise. Autre activité sportive, la glisse nous emmène dans l’un des spots de prédilection de l’art urbain : le skatepark de l-Msida, non loin de l’entrée de l’université de Malte. Difficile de décrire ce que vous y verrez car les œuvres se renouvellent régulièrement. Twitch a représenté sur un mur des vautours s’affrontant dans un combat de boxe ou encore un portrait de Trump planté sur le corps d’un coq. Justin Bonicci a peint une tête de squelette emportée par une vague. Les explorateurs du monde visuel poursuivront leur périple jusqu’à Pembroke, où les attend le complexe de White Rock. Ces anciens logements de fonction de l’armée britannique, transformés en cité étudiante, ont été abandonnés en 1995. Depuis, ils constituent des toiles gigantesques sans cesse renouvelées. On retrouve ici Twitch dans une réflexion sur la valeur de l’argent versus la justice. Également délaissé, le prestigieux Jerma Palace Hotel de Marsaskala, ravagé par un incendie en 2007. En attendant les promoteurs, les graffeurs s’en donnent à cœur joie dans ce cadre pour le moins idyllique. Dans une œuvre aux accents de monument au souvenir, Lewis Zammit évoque la guerre dans une mise en scène montrant deux enfants qui tentent de s’échapper, avec le fort qui brûle au loin. Retour dans la capitale, sur la promenade de La Valette où des oursons géants en gélatine, en 3D multicolore, se baladeront à vos côtés.

Galeries à suivre

La galerie Christine X à Tas Sliema déniche de jeunes artistes dont quelques photographes qui proposent un regard captivant sur l’archipel. Citons Sarka Kadlecova, qui aime associer dessin, sculpture et photographie. Depuis peu, elle a entamé une démarche qu’elle qualifie d’anthropologie visuelle en se concentrant sur la photographie de rue. Née en 1975, Katek Delia, artiste française d’origine maltaise, imagine des installations qui combinent photographie, sculpture et écriture, dans un style qui met en valeur sa double culture. La Pop-Up Gallery est devenue en 2017 Iniala 5 Valletta, une branche née de la fusion de deux lieux culturels tenus par Maria Galea et Mark Weingard. Leur objectif est d’élargir le spectre des artistes nationaux et internationaux sur la scène contemporaine. Située au cœur de la capitale, la galerie promet de faire connaître au monde entier les talents maltais de demain.