Une terre plus blanche que verte : l'inlandsis

Le Groenland, littéralement « terre verte », est recouvert à 81 % par une calotte glaciaire (le terme exact est inlandsis). Elle couvre 1 755 637 km² du territoire et s'étend du nord au sud sur 2 670 km, entre le cap Morris Jesup (latitude 83° 39' N) et le cap Farvel (latitude 59° 46' N soit la hauteur d’Oslo), et jusqu'à 1 060 km de l'est à l'ouest. En son milieu, la glace atteint 3 km d'épaisseur. Le volume total de l'inlandsis représente un volume atteint 2 millions de km cubes de glace, cela représente 10 % de l'eau douce à la surface du globe (le reste est presque totalement occupé par la calotte de l'Antarctique excepté 2 % pour les lacs et les fleuves), ou l'équivalent d'une couche d'eau de 6,5 m répartie sur toutes les mers du globe. Le point culminant est le mont Gunnbjørn à l'est, haut de 3 733 mètres, alors que le centre de la calotte domine à 3 300 m. Le plus connu est le mont Forel (3 360 mètres). Il est nommé après le professeur suisse François-Alphonse Forel qui, en 1912, organisa une souscription pour financer une expédition au Groenland. Un autre mont proche porte le nom de Paul-Émile Victor, explorateur et ethnologue français. C'est le long des côtes et sur les îles que se trouvent les régions que la glace ne recouvre pas, soit 341 700 km², cela sur une largeur maximale de 200 km, mais les fjords, qui les pénètrent profondément, font communiquer l'inlandsis avec la mer.

La partie sud de l'inlandsis aurait entre 2 et 3 millions d'années et comprend un dôme de 400 km de large et 600 km de long qui culmine à 2 760 m tandis que sa partie nord, plus ancienne de 4 à 5 millions d'années, détient un dôme de 1 000 km de large et 1 700 km de long. Du fait d'une avancée lente et sans obstacle de la glace, des séracs (des irrégularités à la surface du glacier séparées par des crevasses) ne sont pas observables sur les bords septentrionaux où se dresse un mur de plusieurs dizaines de mètres de hauteur qui repose sur des couches de moraines. Bien que la calotte présente des signes de glacier froid en raison d'une température négative, d'une absence de fusion à la base et pratiquement aucun écoulement sous-glaciaire, une fonte importante est visible en surface avec un dense réseau de rivières d'un bleu turquoise intense appelées bédières. Elles provoquent l'apparition de véritables bassins sous-glaciaires dont le plus grand canyon au monde situé sous l'inlandsis. En 2013, grâce à des observations satellitaires, une équipe de scientifiques a découvert l'existence d'un canyon d'au moins 750 kilomètres de long et 800 mètres de profondeur par endroits, traversant toute la partie nord-ouest de l'île. En moyenne, l'altitude de ces bassins oscille entre -250 m et +250 m, entourés de bordures montagneuses qui ont favorisé et retenu l'accumulation des glaces dès la fin de l'ère tertiaire. À cause du poids de la glace, la croûte terrestre s'est enfoncée de 800 mètres ; ce phénomène appelé isostasie s'inverserait, tel un bouchon maintenu dans l'eau puis relâché, lorsque la calotte fond.

Les glaces : icebergs et banquise

Le Groenlandais, comme les autres langues inuites, permet de décrire les différents états de la glace avec une grande précision. L'iceberg est une eau douce formée par l'accumulation de la neige au cours des millénaires sur la calotte glaciaire qui se décharge peu à peu en se disloquant dans la mer. L'eau de l'iceberg est si pure qu'elle est proche de l'eau distillée. Ses couleurs du blanc au vert en passant par le bleu, et son apparence translucide, offrent un spectacle grandiose, bien qu'un dixième seulement de son volume soit émergé. Les icebergs de l'Arctique ont souvent des formes biscornues, tandis que les icebergs de l'Antarctique, plus volumineux, sont de formes tabulaires.

Le glacier d'Ilulissat est le plus actif de l'hémisphère Nord : il progresse à la vitesse de 25 à 30 mètres par jour et rejette 8 milliards de tonnes de glace par an. Un spectacle saisissant à admirer depuis sa chambre à l’hôtel Arctic ou l’hôtel Icefjord. Celui d’Eqi, à plusieurs heures de bateau, est aussi impressionnant avec son vêlage visible depuis les chalets du Glacier Lodge Eqi. Un autre exemple est le glacier Humboldt au nord-ouest dont le front mesure une centaine de kilomètres de large. Les icebergs qui en résultent dépassent rarement 70 mètres de hauteur, mais le plus grand jamais aperçu atteignait 170 mètres ! En 1912, c'est l'un d'eux que le Titanic heurta. Les plus petits sont appelés bourguignons, par référence à la taille d'une barrique de Bourgogne. Sans être aussi gigantesques, beaucoup d'icebergs sont engendrés également dans la région de Tasiilaq à l'est, dans le sud et enfin dans la région nord-ouest vers Uummannaq.

Les plus gros icebergs peuvent dériver plusieurs années avant d'atteindre le large du Labrador et de Terre-Neuve où, au contact d'eau plus chaude, ils se mettent à fondre. La Patrouille Internationale des Glaces surveille de près les rares résistants, environ 400 répertoriés chaque année vers 48° de latitude Nord, afin d'éviter tout accident proche de celui survenu sur le Titanic. Depuis sa création en 1914, la patrouille enregistre en moyenne deux collisions par an avec un iceberg, mais aucun accident tragique depuis le naufrage du bateau danois Hans Hedtoft en 1959 avec 95 personnes à bord. Entre 1831 et 1972, des icebergs ont été observés presque partout dans l'Atlantique Nord : près des Bermudes, aux Açores jusqu'au large de l'Irlande !

Formée, au contraire de l'iceberg, d'eau de mer salée qui gèle et couvre les fjords en hiver et au début du printemps (généralement entre décembre et mai), isolant ainsi de nombreux villages, la banquise côtière se forme dans l'océan glacial Arctique (à ne pas confondre avec la banquise permanente), dérive en plaques après s'être disloquée et glisse le long de la côte est du Groenland. Puis elle remonte la côte ouest. La banquise peut mesurer jusqu’à plusieurs mètres d'épaisseur et la surface, plutôt lisse, représente le terrain idéal pour de longues excursions en chien de traîneaux. À noter toutefois la fonte d'une partie de la banquise qui entraîne parmi d'autres conséquences dramatiques la mise en danger de la faune de l'Arctique, notamment l'ours blanc.

Géologie

Le paysage groenlandais est le résultat de l’érosion de l'époque glaciaire, mais plusieurs endroits portent les traces de processus géologiques tels que tremblements de terre, formations de chaînes montagneuses, activité volcanique… L’île repose sur un des plus vieux socles rocheux du monde (Précambrien) et certaines des roches qui le composent sont parmi les plus anciennes de la planète. Il n'est donc pas étonnant que le Groenland soit un eldorado pour ceux qui s'intéressent à la géologie. Le relief du Groenland se présente comme une cuvette dans laquelle reposent des masses de glace qui atteignent par endroits 3 500 mètres d’épaisseur et enfoncent parfois le soubassement rocheux d’une profondeur de 350 mètres sous l’océan. Cette formidable pression empêche la fonte des glaces.

L’étonnante particularité du Groenland vient du fait que son histoire géologique est visible à l’œil nu. Quelques-unes des plus vieilles roches de la planète ont été découvertes sur sa côte occidentale. Le gneiss amitsoq, à Nuuk, date de 3,75 milliards d’années : ce serait la plus ancienne roche découverte à ce jour. À Narsaq, on trouve plus de deux cents minerais dans un périmètre très restreint. Le minerai de fer à Isua, sur la côte ouest, est l’un des plus vieux au monde. Sur la côte orientale, on voit les pierres telles qu’elles étaient en fusion il y a des centaines de millions d’années.

En dehors d'étonnantes curiosités et formations rocheuses, telles les intrusions de minerai qu'on peut observer sur la côte est, en partant en excursion en bateau avec le tour-opérateur Red House, ou encore ces remparts de basalte qui strient géométriquement certaines îles dans la région d'Uummannaq, son sous-sol est le paradis des géologues. On peut en extraire du plomb, du zinc, du graphite, de la cryolite et du molybdène. De nombreux autres prélèvements ont attesté de la fabuleuse richesse du pays, dont des réserves de charbon de plus de 100 millions de tonnes, d'uranium estimées à 10 000 tonnes, des dépôts de fer en quantité et de qualité, des terres rares comme le zirconium, le niobium, le platine, ainsi que des grenats, des pierres de lune, des rubis… Des pierres précieuses inhabituelles sont employées en bijouterie, comme le tuttupit, de couleur rose, et un type très rare de grès que la reine Margrethe du Danemark porte en bijou. Sagalands à Qaqortoq propose des excursions pour trouver des pierres précieuses ! Le Groenland dispose aussi de pétrole sous la mer au large des côtes occidentales. Autant de fabuleuses ressources soigneusement répertoriées et cartographiées par les autorités qui agrandissent d’année en année leurs exploitations minières. Une grande polémique est en cours en ce moment (et scinde la population) concernant l'ouverture prochaine de mines d'uranium dans le sud du pays.

Le découpage administratif

Après la proclamation d’autonomie renforcée du Groenland, la carte administrative du pays a été modifiée. Auparavant, le territoire était divisé en 3 régions elles-mêmes subdivisées en 18 municipalités. On compte désormais 4 municipalités auxquelles il faut ajouter deux zones non incorporées (la base militaire de Thulé au nord-ouest et le Parc national du Groenland au nord-est). Ces 4 municipalités se nomment de la sorte selon leur position géographique : Kujalleq pour le Sud, Qaasuitsup pour le Nord (ouest), Qeqqata pour le Centre-Ouest et Sermersooq pour la capitale Nuuk (en plus de Paamiut et des quelques villages autour de Nuuk) et l’Est (mais ne compte pas le Parc national). Le découpage au sens touristique est différent et simplifié : la côte sud, la côte ouest, la côte nord-ouest et la côte est.