Les musiques et danses traditionnelles

Le chant accompagné au gusle est une des pratiques traditionnelles les plus importantes du pays. Épaulé par cet instrument monocorde à corde frottée au son plaintif, des chanteurs, souvent charismatiques, interprètent de grandes épopées historiques depuis des siècles en Serbie. Mode d’expression de l’identité culturelle, très prisé du public, l’art des guslar s’appuie sur leur aptitude à dramatiser des événements légendaires et l’histoire ancienne ou récente tout en transmettant également le système de valeurs de la communauté. Ce chant accompagné au gusle est si important qu’il a été inscrit en 2018 sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
L’autre grande pratique folklorique serbe inscrite à l’Unesco, c’est le kolo. Alliant rythme ottoman et pas d'ascendance slave, le kolo est à l'origine une ronde villageoise, où garçons et filles dansaient en se tenant la main. Si le kolo a évolué pour devenir un véritable spectacle aux chorégraphies multiples, son socle n'a pas changé et ses danseurs évoluent toujours un moment ou l'autre autour d’un cercle, main dans la main, les bras tendus vers le sol, avec aucun mouvement ou presque au-dessus de la tailleL'aspect spectaculaire du kolo réside dans son rythme tout en accélération. Lent au début, il augmente progressivement pour atteindre un point culminant vers la fin, touchant à la frénésie. C'est sans doute ce qui explique pourquoi certains de ses interprètes sont devenus des vedettes dans le pays, Mirko Kodić en tête, grand accordéoniste qui a composé quelques beaux kolo. Ses enregistrements constituent une excellente porte d'entrée pour découvrir le genre. Autrement, on le voit toujours beaucoup dansé dans toutes les grandes célébrations, en se tenant par l'épaule, dans un entrain virevoltant.   
Autre danse remarquable en Serbie, le čoček fait danser, sur un rythme plus lent, de petits groupes de gens se faisant face. Bien que partiellement improvisée, elle consiste essentiellement en une combinaison de déhanchements prodigieux et mouvements de mains et d'épaules. Encore apanage de la communauté rom – même si elle est pratiquée en dehors –, cette danse est une part de la culture tzigane très importante en Serbie. Chose que vous savez forcément si vous êtes un minimum cinéphile et que connaissez les films de Kusturica, l'enfant du pays.
Tous ses films – particulièrement Underground ou Le Temps des Gitans – contiennent leur lot de trubači (en serbe les « trompettistes »), ces fanfares de cuivres particulièrement populaires notamment en Serbie centrale et méridionale, à la musique fiévreuse parfois proche du délire. Il suffit d'écouter un pilier du répertoire tzigane classique comme Mesečina pour s'en rendre compte. Si le pays possède un orchestre amateur à chaque coin de rue (c'est le sentiment qui se dégage dans certaines villes), le genre possède ses stars comme Fejat Sejdić, le « roi de la trompette », virtuose qui n'a jamais appris à lire une partition et ne joue qu'à l'oreille, ou encore Boban Marković, qui a énormément tourné dans le monde. Citons aussi le groupe Odjila qui, bien que moins traditionaliste, a beaucoup contribué à faire connaître les airs et esthétiques et tziganes de Serbie et naturellement le grand, très grand Goran Bregović, qui a composé les bandes originales des films de Kusturica et est devenu l'ambassadeur de cette musique dans le monde. Un endroit parfait où écouter cette musique est le festival de Guča, l'un des événements majeurs du domaine et l'un des festivals les plus fréquentés du pays.
La musique folklorique serbe a connu de très grandes voix qu'il est impératif d'avoir écoutées si l'on veut vraiment embrasser le sujet, à commencer par Lepa Lukić et Bilja Krstić, les deux stars, Predrag Živković Tozovac, qui animait aussi des émissions télévisées, ou encore Šaban Bajramović, le « Frank Sinatra des Roms », que l'on aperçoit d'ailleurs dans Chat noir, chat blanc de Kusturica. Une nouvelle star de la musique traditionnelle serbe est Danijela Veselinović, surnommée la « princesse de la trompette » et qui redonne un petit coup de fun au folklore local. Elle a été adoubée par Boban Marković himself
Les occasions de croiser le folklore musical et chorégraphique ne manquent pas. Par exemple, à Belgrade, depuis 2003, le Belgrade Beer Fest est un des événements incontournables de l'année. Si, traditionnellement, les grands noms de la scène rock balkanique s’y produisent, on retrouve aussi de nombreux groupes folkloriques.
En province, le festival de Musiques traditionnelles de Zlatibor, une des plus anciennes manifestations de la région, convie de nombreux chanteurs et groupes de musique traditionnelle dont les fameuses trompettes ; la régate de la Drina (Drinska Regata) est de plus en plus populaire et comporte son lot de concerts de musique folklorique tandis que le festival de Srbobran convie quant à lui danses et chants folkloriques de Voïvodine : les tamburaši, équivalents locaux moins bruyants mais tout aussi festifs des trubači de la Serbie occidentale.

Turbo-folk

La Bulgarie a son chalga, la Roumanie son manele, l'Albanie son tallava, mais la Serbie a le plus connu d'entre tous : le turbo-folk.
Depuis les années 1980 et 1990, cette musique envoûtante installée entre modernité et tradition se taille la part du lion en Serbie. Mélange détonant de musique traditionnelle serbe et d'éléments de musique électronique, d'eurodance, de hip-hop voire de musiques folkloriques turques et grecques, cette esthétique saccadée, synthétique et orientalisante a envahi le paysage culturel du pays au début de l'ère Milošević, qui l'a encouragée. Des radios et des chaînes privées, comme Pink, ont même bâti leur empire sur cette musique. Fédératrice comme aucune autre, cette musique est écoutée par toutes les couches de la société sans barrière d'âge ou de classe sociale, du chauffeur de taxi au politicien. S’il perd un peu de vitesse ces temps-ci, le turbo-folk reste une valeur sûre. Sa légende est la grande Ceca (de son vrai nom Svetlana Ražnatović), icône à la voix puissante, dominant une constellation de stars, le plus souvent féminines comme Jelena Karleuša, sorte de Lady Gaga locale, idole de la communauté LGBT dont elle prend fait et cause régulièrement, ou encore Lepa Brena, une des artistes les plus aimées des Balkans. Cette dernière est notamment célèbre pour être arrivée au stade de Bucarest en hélicoptère, dans une mise en scène qui ferait rougir Hollywood. Outil politique et économique qui a permis de bâtir d'immenses fortunes, le turbo-folk demeure honni par les nouvelles élites urbaines du fait de son image kitsch vulgaire, glorifiant le crime, la corruption morale et le nationalisme.

La musique classique

On peut considérer que la musique classique serbe prend forme entre les mains du premier grand compositeur national : Stevan Stojanović Mokranjac (1856-1914). Souvent qualifié de « père de la musique serbe », il est la figure la plus importante du romantisme musical national et a participé à définir une musique savante serbe en collectant les chansons traditionnelles à la manière d'un Bartók. Toujours vénéré en Serbie, la grande école de musique serbe porte son nom, il figure sur la monnaie du pays (le billet de 50 dinars) et un grand événement lui est dédié : le Mokranjčevi Dani. 

Après lui, les compositeurs serbes Petar Konjović, Stevan Hristić et Miloje Milojević, tous nés dans les années 1880, ont marqué la musique serbe de leur génération en introduisant des styles modernes et un haut niveau technique dans leur composition tandis que Stanislav Binički demeure célèbre pour avoir composé le premier opéra serbe Na uranku en 1903. Ljubica Marić (1909-2003), compositrice qui synthétisait musique d'église orthodoxe byzantine et postmodernisme ou minimalisme, est largement considérée comme la compositrice serbe la plus originale et influente du XXe siècle.

Figure plus récente à connaître, Ivan Tasovac (1966-2021) est un pianiste (yougoslave puis) serbe qui fut ministre de la Culture et des Médias ainsi que directeur de l'Orchestre philharmonique de Belgrade. Ce dernier se produit à la Fondation Ilija Kolarac de Belgrade. À Novi Sad, la salle de concert municipale est à surveiller de près puisque Stefan Milenković, l'un des violonistes virtuoses du pays, vient d'en récupérer la direction. Enfin, violoniste virtuose encore, Nemanja Radulović est bien connu en France puisqu'il apparaît régulièrement sur nos scènes et plateaux télé.

Le jazz

Le jazz en Serbie apparaît à la fin des années 1920, lorsque se forme l'orchestre Micky Jazz. Très vite populaire, le jazz a même un orchestre dédié qui joue quotidiennement sur Radio Belgrade. Fin des années 1950, Louis Armstrong joue en Serbie, ce qui va contribuer à populariser le genre. Apparaissent à cette époque les premiers grands jazzmen serbes comme le pianiste Bora Roković, le clarinettiste Mihailo Živanović (une légende), le batteur Branislav Kovačev ou le saxophoniste Jovan Miković.
Aujourd'hui, le pays compte quelques stars du genre comme Bojan Zulfikarpašić, dit « Bojan Z »,  l'une des valeurs sûres du jazz mondial. S'il vit en France depuis vingt ans, ce natif de Belgrade aime venir y jouer, notamment au Belgrade Jazz Jazz Festival qui convie le meilleur de la scène internationale, dans une sélection pointue et ouverte à toutes les tendances.