Aleksandar Vučić © ToskanaINC - Shutterstock.com .jpg
Assemblée nationale à Belgrade ©klug-photo - iStockphoto.com.jpg

L’état de l’économie

La Serbie est toujours un pays pauvre, bien que le PIB ait doublé entre 2005 et 2010 avant que la crise des subprimes ne frappe l’Europe. Depuis, l’économie serbe est en dents de scie et elle vient à peine d’arriver en 2020 à sa situation précrise. Le gouvernement s'était lourdement endetté dans la période 2012-2016 et a dû prendre des mesures drastiques avec l’aide du FMI pour redresser la barre. La crise du Covid qui a succédé à la crise de 2008 a finalement plutôt épargné le pays jusqu’à présent et la récession a été très faible.

L’économie serbe est une économie de services, qui représentent 65,20 % du PIB. Malgré tout, l’industrie à 25,20 % du PIB reste très importante et compte surtout beaucoup d’emplois. Le potentiel industriel du territoire est considérable au vu des importantes réserves de matières premières dans ses sous-sols, mais il est nécessaire de moderniser la production et d’obtenir des investissements. À 9,6 % du PIB, l’agriculture est le troisième secteur économique du pays, concentré sur la riche Voïvodine, mais c’est aussi un de ceux qui se portent le mieux. La Serbie est autosuffisante et est le premier exportateur de framboises d'Europe.

Sur le terrain, la vie n’est pas toujours plus facile. Si le niveau de vie s’améliore petit à petit (l’indice de Gini d'inégalités se porte bien), grâce à la hausse des salaires et une explosion de la consommation interne, elle est le pendant d'une dette privée exponentielle auprès des banques et d’une dégradation marquée de la protection sociale. Les mesures de libéralisation du gouvernement SNS ont fait des coupes drastiques dans le système de santé robuste de l’ère soviétique. Les Dom Zdravlje, les maisons de santé, sont maintenues en place, mais le système hospitalier et le maillage des médecins se délite. Les Serbes en difficulté renouent avec la débrouille et l’économie parallèle (dans des proportions qui n’ont rien à voir avec l’époque yougoslave) et multiplient souvent les petits boulots.

Le système politique et les institutions

La présidence de Serbie. Premier ministre du pays depuis 2014 et chef du Parti progressiste serbe (SNS), Aleksandar Vučić est devenu le dimanche 2 avril 2017, président de la Serbie. Il est réélu pour un mandat le 3 avril 2022, avec 60 % des voix. Ancien collaborateur de Slobodan Milošević, reconverti en pro-européen, il est désormais l’homme fort de la Serbie.

La République de Serbie dispose d’un gouvernement dirigé par Ana Brnabić et une Assemblée nationale qui contrôle également les institutions de la province autonome de Voïvodine. Le gouvernement dirige la politique économique et les affaires intérieures.

L’Assemblée nationale compte 250 députés, mais a eu du mal à se faire élire dans un passé récent. Après trois élections avortées parce que le quorum des électeurs – devant atteindre 50 % des inscrits – n’avait pas été atteint, le scrutin de décembre 2003 a enfin permis le renouvellement tant attendu de l’Assemblée, grâce justement à une loi abrogeant ce seuil de participation.

Les partis politiques

La vie politique est dynamique dans ce jeune pays. Les partis politiques changent constamment, fusionnent, se fragmentent et aujourd’hui la plupart ne dépassent pas les dix sièges à l’assemblée. Le seul parti qui se démarque est l'écrasant parti progressiste, le SNS. Il domine complètement la vie politique, en partie grâce à ses stratégies autoritaires. Il a été fondé en octobre 2008 par Tomislav Nikolić et dirigé par le président de la République actuel, Aleksandar Vučić. C’est un parti nationaliste, populiste, europhile, à la façon d’un PiS polonais.

Après les élections de 2019, il dirige une coalition parlementaire qui occupe 188 des 250 sièges au parlement, mais à lui seul il possède déjà 157 députés.

L'opposition est fragmentée depuis la scission du Parti démocratique qui était au pouvoir en 2008. Elle n’a plus d’influence à l’assemblée (elle compte sept sièges au total !) et peine à se faire entendre dans un milieu politique de plus en plus verrouillé par la coalition au pouvoir.

Politique internationale

La Serbie retrouve doucement sa place sur l’échiquier mondial, après en avoir été écartée du temps de Milošević. Deux dossiers sont intensément suivis. La question du Kosovo reste une épine dans le pied de la diplomatie serbe, elle doit jouer l’apaisement pour s'intégrer tout en faisant le maximum en annuler l’indépendance. Assise entre la Russie et l’Europe, la Serbie joue sur les deux tableaux. Ainsi, elle est restée neutre au moment des sanctions exigées par la Communauté européenne et est prudente dans ses relations avec l’Otan (de toute façon peu appréciée en interne depuis les bombardements). De l’autre côté, la Serbie participe activement aux programmes de l’UE et collabore avec ses objectifs de politique extérieure, par exemple concernant la prise en charge des réfugiés sur son territoire. Récemment, dans le même esprit de neutralité, la Serbie a annoncé vouloir remplacer ses anciens Mig russes par des Rafale français, dans un lucratif contrat… peut-être pour mieux faire accepter l’ouverture du gazoduc Turkstream sur son territoire, au cœur d’une nouvelle volée de tensions en Ukraine.

Défis et enjeux

Les difficiles réformes politiques. Les deux principaux enjeux de la politique serbe sont de pérenniser sa jeune démocratie et d'adhérer à l’Union européenne.

Ces deux enjeux étaient sur la table pendant les élections de 2008, postindépendance du Kosovo, qui avaient affirmé la mainmise du Parti démocratique (DS) pro-européen sur le pays face au Parti radical serbe (SRS), nationaliste. L’arrivée au pouvoir d’un ancien du parti radical en 2012 faisait craindre un renversement de vapeur, mais il s'est trouvé que le nouveau gouvernement a finalement décidé de suivre la voie tracée par son prédécesseur. Malgré le soulagement des partenaires européens face à ce revirement, ces dernières années, la coalition au pouvoir prend une tournure antidémocratique et écrase toute opposition aux élections de 2016 et 2019. L’homme fort de ce système est Aleksandar Vučić, aux méthodes de plus en plus controversées. Par exemple, trois jours avant le scrutin électoral de 2017, sept quotidiens nationaux avaient accepté d’imprimer à leur une les initiales d’Aleksandar Vučić, en format géant. L’association des journalistes observait alors une « tendance continue vers une détérioration de la liberté d’expression en Serbie ». Les élections législatives anticipées de 2019 se sont tenues dans des conditions dénoncées par l’opposition (qui a choisi le boycott) et ont provoqué l’inquiétude de la Commission européenne. Aujourd’hui, les observateurs s'accordent à dire que le système politique serbe n’est pas une démocratie mais plutôt un régime hybride : il y a bien une compétition politique, mais elle est complètement inégale et le parti au pouvoir mobilise les ressources de l'État pour se maintenir.

Le dossier de l’adhésion à l’UE de la Serbie est plus que jamais soutenu par la communauté internationale suite à ses efforts marqués dans sa coopération avec le Tribunal pénal international dans la poursuite des criminels de guerre en Yougoslavie et la normalisation de ses relations avec le Kosovo. Finalement, la Serbie obtiendra un bon marché : le statut de candidat à l’UE au 1er mars 2012, sans avoir à reconnaître officiellement l’indépendance de sa province du Kosovo et sans voter des sanctions contre la Russie, un de ses partenaires internationaux les plus importants. La route cependant est encore longue et difficile, l’élargissement de l’Europe n’est plus vraiment d’actualité et la Serbie se heurte aux blocages de certains pays membres. Par ailleurs, elle est encore loin d’avoir accompli ses objectifs de réformes économiques et sociales nécessaires à l’adhésion, notamment dans le domaine de l’écologie.

Les enjeux économiques. Les principaux enjeux économiques sont d’achever la transition économique héritée de la Yougoslavie et de renouveler l’infrastructure du pays, en complète désuétude.

Pour moderniser son économie, le gouvernement a besoin de liquidités ainsi que d’attirer des capitaux et des technologies de l’étranger. Le grand chantier du décollage économique serbe s'est donc fait à coup de généreuses privatisations, ce qui a dégradé le climat social et fragilisé la population. Le pays est encore bien industrialisé mais est très peu compétitif, que ce soit dans les secteurs de l’industrie lourde (la sidérurgie, exploitation énergétique, mines) que les secteurs à faible valeur ajoutée comme le textile. Ces industries sont toujours en danger de fermeture, menaçant de rajouter des contingents à la courbe du chômage déjà bien haute, à 9 %. La bonne nouvelle, c’est que les investissements étrangers s’accélèrent, aidés par le maintien des aides structurelles du FMI et de l'Union européenne. Un massif plan de 500 millions d’euros par Gazprom pour la construction du gazoduc South Stream qui devait traverser le pays du sud au nord était le symbole d'un avenir prospère… avant qu’il ne soit annulé au profit du moins grandiose (et moins publicisé) Turkstream dont un tronçon de 400 km vient d’être inauguré en Serbie. La crise de l’Ukraine et les pressions subies pour se couper des investissements russes font multiplier les accords bilatéraux serbes avec d’autres États émergents comme les Émirats arabes unis ou l’Azerbaïdjan. Ces projets ne font pas l’unanimité. Le gouvernement est accusé de vendre sa souveraineté à des États étrangers (Russie, EAU et Chine en tête) en échange de mégaprojets flous et peu démocratiques. Cette critique est justifiée mais il est difficile de refuser les sommes en jeu (les Émirats arabes unis promettent par exemple 3,5 milliards de dollars d'investissements pour leur mégaprojet immobilier à Belgrade). Sur le front des investissements, il reste à espérer qu’un nouveau conflit entre les Albanais et les Serbes autour du Kosovo et la « Grande Albanie » ne vienne assombrir le tableau.  

L’état des infrastructures est problématique. La Serbie produit seulement 25 % de ses besoins énergétiques et ses centrales thermiques (principales productrices d’électricité au charbon des mines de Kolubara et Kostolac) sont tellement désuètes qu’elles ne fonctionnent qu’à hauteur de 65 % de leur capacité pour minimiser les risques d’accident. Les coupures d’électricité intermittentes rappellent à tous le besoin d’un projet de renouvellement de l’infrastructure électrique, qui n’a pas connu de nouvelles constructions depuis quinze ans.