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La faune

On l’a vu, l’écosystème serbe est prolifique. Si l’on en fait un inventaire détaillé, le pays compte pas moins de 4 000 espèces différentes. Parmi elles, on trouve 96 espèces de mammifères, dont un grand nombre de petits rongeurs et plusieurs chauves-souris, mais aussi des spécimens plus imposants tels que l’ours brun, le lynx des Balkans (surnommé « le fantôme de la forêt », il se trouve surtout au Kosovo et est le symbole national de la Macédoine du Nord voisine), le loup gris lui se trouve en quantité, ainsi qu’un grand nombre de renards, sangliers, cerfs, chevreuils, daims, chamois et élans. Les ours se cachent surtout dans les massifs de Tara et de Zlatar. Strictement protégé dans le reste de l’Europe, le loup gris se porte bien en Serbie. L’animal est même le symbole national. Il incarne la force et l’unité du peuple serbe et est représenté sur de nombreux souvenirs ainsi que dans des poèmes nationalistes très populaires. Aujourd'hui, plus de 1 000 loups parsèment les forêts et les ruraux sont habitués à cette cohabitation de longue date. Malgré leur grand nombre, il reste très rare de les croiser, même lors d’excursions dans la nature sauvage. La chasse au loup, très encadrée dans la plupart des pays d'Europe occidentale, est donc libre en Serbie. Le loup n'y est pas une espèce menacée et sa chasse est en conséquence pratiquée de juillet à avril.

La Serbie compte aussi près de 300 espèces à plumes, dont de nombreuses espèces migratrices. Près des points d'eau, on trouve des colonies d’échassiers, de flamants roses et de hérons mais aussi, en nombre plus modeste, la grue cendrée, le merle d’eau ou l’outarde. En altitude, les rapaces survolent encore les montagnes. L’aigle noir à tête blanche se trouve sur les flancs du canyon de l’Uvac et le majestueux aigle fauve (ou aigle royal), éteint dans le reste de l’Europe, survole toujours les paysages de la frontière monténégrine. Plusieurs réserves naturelles font le bonheur des amateurs d’ornithologie. Par exemple, dans la plaine de Carska Bara en Voïvodine, on y rencontre pas moins de 300 espèces d’oiseaux sur quelques kilomètres carrés !

Enfin, les innombrables cours d'eau et rus de montagne font le bonheur des pêcheurs. De l’imposante Danube aux lacs de Sjeničko jezero frayent 125 espèces de poissons. La plupart sont des espèces d’eau douce : la carpe, le brochet, le sandre ou le silure sont légion. Le pays est aussi au cœur du parcours migratoire des esturgeons. Là où plusieurs espèces, dont le célèbre esturgeon béluga, remontaient le Danube depuis l’époque des dinosaures, elles sont aujourd’hui quasiment toutes éteintes. La construction en 1972 des deux grands barrages des Portes de Fer a porté un coup dur aux espèces migratoires qui ne peuvent plus remonter le Danube jusqu’à Vienne comme autrefois. Plus casanière et exclusivement une espèce d’eau douce, le sterlet (ou esturgeon de Sibérie) est encore présent mais sérieusement en danger. Sa pêche est autorisée, contrairement au reste de l'Europe, à l’exclusion de cinq mois par an pendant la ponte, mais en pratique le braconnage est monnaie courante. Il fait un plat très populaire dans les restaurants et vous pouvez le trouver facilement dans les étals des marchés, au prix fort. Une des plus grandes concentrations de poissons d’eau douce du pays se trouve dans le parc et les marécages d’Obedska Bara, en Voïvodine.

La flore

La majeure partie du territoire serbe est couvert de forêts, mais cette unité est trompeuse. Dans chacune d’elles, on retrouve une arboriculture liée au relief et au climat. La plus large, recouvrant presque l’ensemble du territoire, est le biome des forêts mixtes des Balkans. Cet écosystème couvre aussi bien les plaines du centre du pays que les vallées et montagnes du sud et de l’est. Il est caractérisé par la prépondérance du chêne, agrémenté ici et là de futaies de hêtres. À plus hautes altitudes, les feuillus laissent la place aux épines des pins et épicéas. Parmi ceux-ci, on retrouve le fameux pančićeva omorika, une espèce endémique que l’on rencontre sur les hauteurs du massif de la Tara. Tout au sud-est, au cœur des Alpes dinariques, c’est le royaume des forêts mixtes des montagnes dinariques. Très humide, cet écosystème est composé surtout de pinacées, donnant des paysages très marqués et reconnaissables. À l’est, le tout petit biome des forêts mixtes d'altitude des Rhodopes est partagé avec la Bulgarie. Il s’étend sur tout le massif dont il emprunte le nom et offre des paysages superbes. En plus des habituels hêtres, pins, etc., on y trouve une végétation plutôt basse, composée avant tout de trachéophytes (ou plantes vasculaires) – par exemple des fougères. C’est ici que vit la plus grande concentration d’oiseaux de proie d’Europe, offrant des scènes majestueuses et inoubliables. Enfin, au nord dans la région de la Voïvodine, ce sont les forêts mixtes pannoniennes qui priment. Elles sont composées d’une variété d’espèces de chênes, espacées par des étendues de végétation typique des plaines irriguées d'Europe centrale. Dans cette nature, gardez un œil ouvert pour les belles fleurs de montagne, les narcisses et les violettes, ainsi que quelques espèces rares locales comme le božur ou encore la jeremičak.

Réserves et tourisme vert

La Serbie est très riche en sites naturels diversifiés. Le pays peut s’enorgueillir de cinq parcs nationaux, dix réserves naturelles et douze grandes grottes naturelles. Les amateurs de chasse ne sont pas en reste, avec plus de 8 millions d’hectares dédiés, 24 grands domaines aménagés et près de 280 sites dans tout le pays. Leur création, ancienne, est due au maréchal Tito, qui était soucieux de favoriser cette activité qu’il pratiquait et aussi d’attirer les touristes étrangers et leurs devises.

En Serbie, les reliefs très divers et l’abondance de cours d’eau ont permis l’émergence de sites naturels chargés d’une forte identité. Petits, ces parcs sont généralement très bien aménagés pour le tourisme mais leur préservation laisse souvent à désirer si on les compare aux normes européennes. Leur exploitation reste toutefois sous le contrôle de lois et de structures spécifiques et les constructions sur place sont limitées et obéissent à des règles draconiennes. Assez courus par les locaux et les touristes, on y trouve souvent des hôtels de haute montagne très confortables et modernes, desquels il est possible de s’aventurer dans la nature sauvage.

Le parc national de Fruška Gora. À 30 minutes de voiture de Novi Sad ou une heure et demie de Belgrade, Fruška Gora est moins un parc de nature sauvage qu’un petit mont champêtre planté de vigne et parsemé de villages à l’histoire très ancienne, qui se dresse paresseusement entre le Danube et la Save. C’est aussi un des centres religieux de Serbie et il abrite pas moins de seize monastères, notamment ceux de Krušedol, Novo Hopovo, Jazak, Beočin ou Šišatovac. Surnommé « la colline fertile », c’est un site d’occupation humaine séculaire et on y trouve des reliques de tous les âges, de l’homme des cavernes aux philosophes des Lumières. En plus de son vin, la région est renommée pour son miel, enrichi par les centaines d’espèces de fleurs sauvages locales. En bref, c’est un parc idyllique en été, invitant les visiteurs à la détente, aux pique niques improvisés ou aux randonnées et trips à vélo sur ses dix-neuf chemins balisés.

Le parc national de Đerdap (Djerdap). À l’ouest, longeant la frontière roumaine, Đerdap est poétiquement appelé « la porte de fer du Danube ». À cet endroit, des gorges profondes encadrent le fleuve, avant de le relâcher dans les plaines fertiles de Pannonie. La vue est tout bonnement spectaculaire et ses paysages encaissés sont uniques. Le dénivelé est plutôt facile à conquérir, particulièrement à vélo, grâce à l’aménagement de la voie Eurovélo n° 6 qui longe le fleuve de la mer Noire jusqu'à l’Allemagne. Ces gorges sont le royaume des oiseaux de proie, qui peuplent par centaines le parc. On y trouve aussi les restes de la voie romaine et des forteresses de Trajan, contemporaines de sa conquête des Daces, ainsi que la majestueuse forteresse médiévale de Golubac. Enfin, Djerdap héberge le plus ancien site néolithique en Europe : la « ville » préhistorique de Lepenski Vir, visitable, est vieille de 6 000 ans.

Le parc national de Kopaonik. À la frontière kosovare, Kopaonik est une ancienne mine d’argent exploitée depuis l’Antiquité. Malgré la présence encore aujourd’hui de métaux précieux (argent, mais aussi or et nickel), le mont est protégé depuis 1981 et est devenu la station de ski la plus importante et populaire d'Europe du Sud-Est. C’est donc un curieux mélange de loisirs de montagne et d’excursions naturelles qui vous attend sur place. On vous recommande plutôt les lieux en hiver, pour profiter de l’ensemble des activités offertes. La nature endormie reste sublime lors des randonnées en raquette, les descentes de piste et lors des séances spa dans les sources minérales de Jošanička banja et Lukovska. Le mont est aussi très agréable hors saison, surnommé « la montagne ensoleillée », il y fait souvent très beau.

Le parc national de Tara. Le mont Tara se trouve au centre de ce parc de montagne, lui-même à la frontière bosnienne, à l’est. Il est composé de gorges et de vallées encaissées, couvertes d’une forêt de pins denses dont la beauté est à couper le souffle. Plusieurs chemins de randonnées et de cyclisme amènent à des points de vue uniques, il faut juste se préparer à un fort dénivelé ! C’est la maison de l'épicéa serbe et un spot rêvé pour les férus de kayak.

La Serbie et l'écologie

La biodiversité serbe est en grave danger. De son formidable réservoir de biodiversité, 600 espèces de plantes et un peu moins de 300 espèces d’animaux sont en danger de disparaître des écosystèmes locaux. Ces chiffres eux-mêmes sont très inexacts, faute d’une politique moderne de surveillance et de traitement des données. En effet, malgré l’important développement du tourisme vert, la protection des espaces naturels du pays n’est pas vraiment une priorité pour les gouvernements et la surface occupée par les parcs nationaux est bien loin de couvrir les 12 % du territoire recommandé. Le réveil des consciences à l’écologie n’a pas encore atteint la Serbie, ce qui limite fortement la possibilité de voir dans le futur une politique cohérente de protection et de gestion de son patrimoine exceptionnel. Les conséquences sont très visibles. Par exemple, alors que la surface boisée a augmenté de l’ordre d’entre 50 et 75 % depuis les années 1990 (sous le régime yougoslave et sous d’autres régimes communistes très pauvres, les coupes massives servaient au chauffage), la population de gibier a diminué de 10 %. La construction des barrages des Portes de fFer sur le Danube a provoqué un autre désastre écologique en poussant à l'extinction la plupart des espèces de poissons migrateurs, particulièrement les esturgeons, aussi pêchés pour leur caviar. Jusqu’ici le gouvernement n’a pas interdit la pêche des espèces restantes (contrairement au reste de ses voisins) et ne prend pas de vraies mesures contre le braconnage. 

Toutefois, il est un peu facile de pointer du doigt l’inaction des Serbes sur l’écologie quand les problèmes du pays sont aussi nombreux et que l’écologie s’oppose souvent directement aux besoins de développement. La gestion désastreuse de l’eau est la principale cause d’écocide dans le pays mais, il y a encore dix ans, la majorité des agglomérations n’avaient pas même pas d’usine de traitement des eaux et aujourd’hui encore 53 % des usines industrielles rejettent directement leurs déchets dans les cours d’eau… tout cela dans un réseau composé de rivières de surface très vulnérables aux contaminations. Devant l’augmentation des prix de l'énergie fossile, la tentation est forte de multiplier les barrages sur les rivières de montagne, malgré les conséquences désastreuses pour les habitats naturels. Les barrages sont peut-être la clé pour éveiller les consciences en Serbie. L’opposition à leur construction augmente et les photos choc des 5 000 m3 de déchets plastiques coincés dans le lac de rétention de Potpec cette année ont mis en avant un peu plus la cause écologique.