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Le pays essaie de relancer le secter du tourisme © Maridav - Shutterstock.Com.jpg

Les enjeux actuels

Tout le monde en conviendra, Porto Rico est un territoire au statut ambigu. Il est peu commun de voir un pays posséder sa propre équipe aux Jeux olympiques, et, dans le même temps, endosser la nationalité d’un « autre pays ». La définition donnée par la Cour suprême des USA sème la confusion : « Porto Rico est un territoire, Etat libre et associé des Etats-Unis (...). C’est un territoire rattaché et appartenant aux Etats-Unis, mais non une partie des Etats-Unis ». Autrement dit, l'archipel applique la Constitution des États-Unis, mais possède son propre gouvernement et son propre Parlement local. Les Portoricains ont la nationalité américaine, mais ils ne détiennent pas le droit de vote leur permettant d’élire le président qui siège à la Maison Blanche.

Futur 51e État américain ?

En tant qu’État libre associé des États-Unis, Porto Rico jouit de certaines libertés. San Juan possède le contrôle de ses affaires intérieures. Mais Washington contrôle toujours la constitutionnalité des lois, une éventuelle déclaration de guerre, les relations extérieures, l’administration des douanes, l’air, l’armée, l’immigration, les traités, les radios et télévisions, les routes, la poste... A vrai dire, partout où le droit américain est absent, Porto Rico peut intervenir librement. Le pays n’est pas représenté au Sénat américain, et ne l’est qu’à la Chambre des représentants, par une personne sans droit de vote législatif.Les Portoricains ne sont pas soumis aux impôts fédéraux, mais à des taxes locales votées par le Congrès portoricain. Ce statut ne permet pas non plus à l’archipel des Caraïbes d’établir des relations commerciales avec d’autres pays que les États-Unis.

Depuis des décennies, le statut administratif de l’île reste au cœur des débats politiques. Six référendums ont déjà été organisés sur ce sujet. En 2017, 97% des voix s’expriment pour un État fédéré, mais le scrutin n’enregistre qu’un très faible taux de participation (23%). Le dernier référendum, organisé en 2020, remporte en revanche une majorité absolue de suffrages (52%) en faveur de l'accession au statut d'État, avec un taux de participation de 54%. Toutefois, ces référendums demeurent purement consultatifs, seul le Congrès des États-Unis détient le pouvoir de faire du territoire un État à part entière.

Pedro Pierluisi, membre du Nouveau Parti Progressiste (NPP) et gouverneur de Porto Rico depuis le 2 janvier 2021, milite pour l’intégration complète, et que l’archipel devienne le 51e des États-Unis. Avec ce statut d’État, les Portoricains pourraient avoir accès à tous les droits dont jouissent les citoyens américains, tout en préservant, selon lui, leur culture, leur langue, leur façon de vivre. Ils pourraient  voter aux élections présidentielles et auraient enfin une représentation au Congrès (soit 2 sénateurs et 4 représentants), pour défendre les intérêts de Porto Rico. Les États-Unis pourraient alors financer des infrastructures et des programmes fédéraux, dans le domaine de la santé, de l’éducation, de la sécurité.

Ceux qui souhaitent ce rapprochement ont vu l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche, en 2021, comme un espoir. Une délégation parlementaire a été nommée pour porter le débat sur le statut territorial de l’île à Washington. Mais la mauvaise santé économique de Porto Rico freine le processus. Et si, à l’image de l’Alaska ou de Hawaï, Pedro Pierluisi reste convaincu de l’intérêt d’une annexion, certains continuent au contraire de se battre pour plus d’autonomie. Le mépris total de Donald Trump, lors de sa visite en 2017, après le passage de Maria, n’a fait qu’exacerber les tensions et les volontés d’indépendance. Le débat reste donc ouvert et la question pour Porto Rico de devenir le 51e État américain toujours ambivalente et très contestée. Mais aussi toujours d’actualité.

Développer le secteur agricole

En dehors de ses plages pittoresques et de son climat tropical, Porto Rico possède peu de ressources naturelles exploitables.Les terres arables constituent sa ressource naturelle principale, pourtant elles ne représentent que 6% de la superficie de l’île. L’agriculture portoricaine produit du café, de la canne à sucre, des ananas, des bananes plantains, des produits animaliers (volailles notamment). Mais son potentiel reste sous-exploité, en raison notamment du nombre de travailleurs insuffisant, dans un secteur encore trop peu attractif.  En conséquence, même si la plupart de ses terres sont fertiles, l'île importe environ 85% de ses besoins alimentaires. L'agriculture n’emploie que 1% de la population active et ne représente que 0,6% du PIB. Le sol riche et fertile de Porto Rico pourrait produire bien plus qu’il ne le fait. La pandémie de COVID-19 a permis d’encourager la réflexion pour réduire cette trop forte dépendance aux importations. Afin de développer la production locale, le gouvernement a donc pris les choses en main et planifié une expansion du secteur agricole pour les années à venir.

La production de canne à sucre a longtemps dominé l’économie portoricaine, jusqu’à la fin des années 1940, avant que les Etats-Unis ne décident d’y développer fortement le secteur industriel. Entre 1942 et 1977, 42 centrales de production ont ainsi fermé leurs portes. Les autres mettent la clé sous la porte les années suivantes. Aujourd’hui, l’industrie du sucre ne représente qu’une part insignifiante de l’économie portoricaine. En revanche, la canne à sucre étant aussi utilisée pour la production de rhum, il y a eu un regain d’intérêt pour les plantations de la part de producteurs locaux, qui se sont lancés dans la distillerie de rhum agricole (San Juan Artisan Distillers, par exemple), et se démarquent des géants du rhum en activité depuis des décennies (Bacardi, Don Q, Ron del Barrilito,…). L'industrie du rhum de Porto Rico génère plus de 300 millions de dollars chaque année, elle crée plus de 700 emplois directs et 4500 emplois indirects, selon le ministère du Développement économique et du Commerce.

Le cas de l’industrie pharmaceutique

L’économie de Porto Rico repose principalement sur les industries pharmaceutiques, chimiques, textiles, pétrochimiques et électroniques. Ce secteur reste stable, malgré une réduction de la demande en 2020 et 2021. Il représente 51,1% du PIB et emploie 15,2% de la population active. Le territoire abrite 12 des 20 sociétés pharmaceutiques les plus rentables au monde et 13 des médicaments les plus vendus dans le monde sont produits à Porto Rico. La crise des années 2000 a provoqué un effondrement de l’activité. Mais l’industrie pharmaceutique représente encore aujourd’hui 2 % du produit intérieur brut. De fait, près de 20% de la production pharmaceutique des Etats-Unis est réalisée à Porto Rico. Si le passage de l’ouragan Maria a fragilisé le secteur (la restauration des réseaux d’électricité et d’eau courante a pris quasiment un an), avec la pandémie, les grandes entreprises pharmaceutiques ont bénéficié d’un net regain. Porto Rico mise sur une croissance supplémentaire rapide dans ce secteur pour les années à venir, se portant comme une alternative viable à l'Asie pour les fabricants de médicaments desservant les Amériques.

« Live Borricua » : relancer le secteur touristique

Quant à l’industrie des services (tourisme, finance, assurance, commerce, immobilier, transports), le secteur arrive en seconde position, avec 48,8% du PIB et 83,7% de la population active. Bien qu’affectée par le passage de l’ouragan Maria en 2017, l’industrie du tourisme s’est très vite relancée avec 1,9 million de croisiéristes pour la saison 2018/2019, un record pour le port de San Juan. Mais la pandémie du Covid-19 a rebattu les cartes, celle-ci ayant eu trois fois plus d'impact sur le tourisme que Maria. Sans compter le séisme de magnitude 6,4 qui a frappé Porto Rico en janvier 2020. Le secteur a néanmoins réussi à s’adapter et à se redresser de nouveau en 2021, de façon exemplaire. En faveur de cette reprise, le gouvernement poursuit ses efforts et mise de nouveau sur un tourisme international, souhaitant attirer les visiteurs européens notamment. Un accord a été conclu dans ce sens avec la compagnie Iberia, qui depuis avril 2022, opère cinq vols directs hebdomadaires entre Madrid et San Juan. L’Office de tourisme de Porto Rico (www.discoverpuertorico.com) fait également un travail de communication renforcé, avec une nouvelle campagne 2022 intitulée « Live Boricua » qui met l’accent sur les expériences et la culture portoricaines. Les voyageurs sont d’ailleurs invités à partager leurs propres expériences avec le hashtag #LiveBoricua.

Sortir enfin de l’état de faillite ?

Il est bien là le nerf de la guerre. Sortir de l’état de faillite. Depuis la fin des années 2000, le gouvernement portoricain a creusé une dette publique colossale de 73 milliards de dollars, l'équivalent de 90 % de son PIB pour 3,5 millions d'habitants. En 2006, la fin des privilèges fiscaux provoque la fuite massive des investisseurs, l’île s’enfonce dans la crise et déclare sa faillite en mai 2016. S’en suivent des mesures d’austérité drastiques.La population en paie les conséquences par une série d’amputations sur les budgets des services publics, la hausse de diverses taxes, la réduction des pensions, du salaire minimum et des retraites. L’éducation est impactée par la fermeture de 180 écoles et une baisse de budget. 42% des habitants vivent alors en dessous du seuil de pauvreté. La pandémie n’a fait qu’aggraver la crise économique et sociale du pays, déjà bien fragilisée par le passage de l’ouragan Maria en 2017, et dont les dommages sont évalués à 90 milliards USD.

Malgré un tableau peu réjouissant, et une croissance négative attendue pour 2022 et 2023, l’économie devrait toutefois poursuivre sa reprise progressive. La bonne nouvelle étant intervenue le 18 janvier 2022 : une juge fédérale a en effet approuvé un plan de restructuration de la dette publique de Porto Rico. Cette décision devrait permettre à l’île de sortir enfin de l’état de faillite. Le trésor oublié des Etats-Unis pourrait alors bénéficier d’un nouveau souffle.