Réserve de Fakarava © Maridav - shutterstock.com.jpg
Lagon de l'île de Moorea © izanbar - iStockphoto.com.jpg

Espaces protégés

Avril 1768, à bord de la Boudeuse, Bougainville découvre Tahiti et c’est avec ces mots qu’il témoigne, dans son ouvrage Voyage autour du monde : « Je me croyais transporté dans le jardin d’Éden : nous parcourions une plaine de gazon, couverte de beaux arbres fruitiers et coupée de petites rivières qui entretiennent une fraîcheur délicieuse, sans aucun des inconvénients qu’entraîne l’humidité. ». Le botaniste Philibert Commerson et son assistante, qui n’est autre que Jeanne Barret, première femme embarquée – et travestie en homme pour échapper à l’interdiction des femmes de naviguer – collectent à cette occasion des spécimens botaniques. Des années plus tard, à la mort de Commerson, Jeanne ramènera les précieuses caisses au jardin du roi, l’actuel Muséum national d’Histoire naturelle à Paris. La situation biogéographique de la Polynésie française, son climat et son insularité permettent en effet d’expliquer le caractère exceptionnel et souvent endémique de sa flore et de sa faune, tant terrestre que marine. Elle abrite 20 % des atolls du monde et plus de 15 000 km² d’écosystèmes coralliens. Différents types d’aires protégées ont été créées pour préserver cette biodiversité unique et fragile, avec des gouvernances et des exigences différentes.

Le concept des aires marines éducatives (AME), est né en 2012 dans les Marquises. Il s’agit d’un espace dont la gestion est assurée de manière participative par des élèves d’une école primaire. À cette gouvernance est associée l’expertise des associations de protection de l’environnement et des usagers, avec l’appui des collectivités locales, du gouvernement polynésien et de l’agence d’État en charge des aires marines protégées. Ainsi s’est mise en place la première AME sur l’île de Tahuata, pilotée par les enfants de l’école de Vaitahu. Aujourd’hui un réseau de plusieurs aires marines éducatives se déploie dans les Marquises, nommé Pukatai (nom marquisien qui signifie corail). Le concept a depuis fait florès et essaimé en France métropolitaine.

La Réserve de biosphère de la commune de Fakarava Taiaro comprend 7 atolls : Aratika, Fakarava, Kauehi, Niau, Raraka, Toau et Taiaro et fait partie du programme « Man and Biosphere » de l’UNESCO.

La grande aire marine protégée des Marquises, Te Tai Nui a Hau, d’une superficie de 700 000 km², concilie la préservation des écosystèmes avec une démarche de concertation avec la population. Elle s’inscrit également dans le projet d’inscription des Marquises au patrimoine mondial de l’UNESCO.

La zone dite « des 50 pas géométriques » est située elle aussi dans les Marquises. Elle résulte d’un règlement institué par Colbert au XVIIe siècle. Propriété de la Polynésie française, cette bande littorale est préservée de constructions et d’aménagements.

Moorea bénéficie depuis 2004 d’un plan de gestion de l’espace maritime (PGEM), dont la finalité est d’associer les parties prenantes pour assurer la préservation des écosystèmes et la gestion durable des ressources.

Le Parc naturel de Te Faʼaiti à Tahiti a été créé en 2000. Il est situé dans la vallée de la Papenoʼo, et a pour objectif de protéger le patrimoine naturel, mais aussi culturel et archéologique du site.

L’Aire marine gérée (AMG) de Tainui Atea constitue l’une des plus grandes aires marines gérées du monde, d’une superficie d’environ 5 000 000 km². Il ne s’agit pas d’un espace de sanctuarisation de vivant, mais d’une zone qui intègre des activités humaines (pêche) dans l’optique d’une gestion durable.

On trouve aussi des espaces naturels non réglementés, dont la gestion est laissée à l’initiative des populations locales, comme Rapa et la presqu’île de Tahiti.

Par ailleurs, dans le cadre de la Stratégie nationale pour la biodiversité 2011-2020, la Polynésie française a mis en place des brigades vertes, dont deux officient déjà sur le territoire. Celles-ci sensibilisent à la bonne gestion des déchets, mais verbalisent aussi les contrevenants. En 2022, l'association la Brigade Verte Tahiti a déployé davantage d'actions de proximité.

Un territoire fragile exposé aux risques naturels et à la pression anthropique

La Polynésie française, vaste territoire du Pacifique Sud de 5 millions de km², est exposée aux risques d’inondations, mouvement de terrain, tempêtes, séismes et tsunamis. Le risque cyclonique est faible à l’exception des Australes. La pression anthropique a pour conséquence l’augmentation de la fréquence et de la gravité de certains risques. Ainsi, l’agriculture intensive, l’artificialisation des terres par les constructions, l’exploitation et le prélèvement du sable ont pour effet d’accentuer l’érosion. Des programmes d’actions ont été mis en œuvre pour préserver les milieux et les écosystèmes. Le maire de Bora Bora a d’ailleurs décidé d’interdire à partir de 2022 l’entrée des méga-paquebots dans le lagon. Le programme RESCCUE (Restauration des services écosystémiques et adaptation au changement climatique) vise à soutenir une agriculture durable, avec le développement de l’agroforesterie, technique qui favorise à la fois le maintien des sols, le développement du vivant et des cultures écologiques productives. Rappelons que les eaux et les sols sont pollués par les pesticides, dont on retrouve des taux parfois importants dans les productions agricoles. Le second axe du programme repose sur des actions douces de lutte contre l’érosion littorale, et le troisième s’attache au contrôle des espèces envahissantes. Ces actions systémiques s’inscrivent aussi dans le contexte du changement climatique, lui aussi accéléré par l’action humaine et qui pourrait avoir des impacts importants en Polynésie française. La hausse du niveau des océans pourrait en effet altérer des plages. D’autre part les événements extrêmes y seraient plus fréquents. Un rapport publié en 2017 par la Chambre territoriale des Comptes de Polynésie française pointe l’insuffisance des politiques actuelles face aux enjeux environnementaux, la non-gestion globale de la problématique, ainsi que des plans d’action pas toujours suivis d’effet. De plus en plus de Polynésiens sont conscients de l’urgence de la situation environnementale, les associations et de plus en plus de jeunes œuvrent sur le terrain. Ici comme dans d’autres territoires la transition écologique reste encore à amorcer.