545 av. J.-C.

La domination perse

À partir de 545 av. J.-C., le roi de Perse Cyrus le Grand part en campagne contre les archers scythes qu’il soumet au terme de cinq années de campagne. La Sogdiane, la Bactriane et le Khorezm deviennent trois des satrapies de l’Empire achéménide, et sont englobées sous le nom de Touran. Sous la dynastie des Achéménides, l’Empire perse était déjà parcouru d’un réseau de voies royales et disposait d’un système de courriers très élaboré, composé de relais et de postes de garde, et des échanges commerciaux existaient déjà en Eurasie. On y faisait le commerce du lapis-lazuli, du cuivre, de l’encens.

330 av. J.-C.

Les conquêtes d’Alexandre le Grand

En 330 av. J.-C. l’armée grecque s’empara des glorieuses Suse, Persépolis et Babylone, et Alexandre se décréta héritier de l’illustre Cyrus. L’Empire perse, qui venait de tomber sous les coups du jeune conquérant, avait unifié tout l’Orient connu. En Asie centrale,  Alexandre passa le légendaire Oxus, l’Amou Daria en crue, si large que les Grecs prirent le fleuve pour une mer, puis il s’empara de Maracanda (Samarkand) où il rencontra la plus acharnée des résistances. Alexandre s’empara ensuite de Tribactra (Boukhara), conclut un accord de paix avec les voisins sakas du côté de Tachkent et fonda une nouvelle Alexandrie à l’extrême nord de son périple, à l’emplacement de l’actuelle Khodjent, au Tadjikistan.

632

La conquête arabe

Dès 655, l’Empire sassanide disparut, ouvrant la voie aux Arabes vers l’actuelle Asie centrale. Samarkand tomba une première fois en 712. Son prince capitula, se convertit à l’islam et se déclara vassal du calife. Lors de cette première campagne arabe en Sogdiane, les troupes musulmanes atteignirent le Syr Daria et s’emparèrent de Kesh (Tachkent) et du Ferghana. Pour accélérer les conversions, les Arabes décidèrent que les convertis à l’islam seraient dispensés d’impôts. Le résultat s’avéra catastrophique pour les finances du gouverneur qui, après une vague de conversions, ne trouva soudain plus aucun contribuable. En Sogdiane, la situation devint anarchique. Abu Salim, le nouveau gouverneur du Khorassan, régla le problème à coups de cimeterre et, à Talas en 751, anéantit l’armée chinoise qui, profitant du désordre général, tentait une percée par le nord.

IXe-Xe s.

La dynastie samanide

La capitale des Samanides, Boukhara, devint un important foyer de culture islamique, et la ville fut surnommée « la perle de l’islam ». Mais les Samanides ne restèrent que peu de temps au pouvoir, renversés par un de leurs vassaux originaire d’une famille turque d’Afghanistan, Mahmoud de Ghazni, à la fin du Xe siècle. Au milieu du XIe siècle, l’empire contrôlé par Mahmoud de Gahzni subit une nouvelle invasion, celle des Seldjoukides, qui à leur tour allaient se faire balayer par l’invasion mongole.

La déferlante mongole

En 1206, Gengis Khan devient le khan suprême de toutes les tribus mongoles réunies. Ce fut le début d’une aventure qui allait mener un peuple nomade, cavaliers et archers hors pair mais ignorant tout de l’écriture, des villes ou de l’agriculture, à la création du plus grand empire de tous les temps. La Mongolie devint la base des conquêtes de Gengis Khan, qui mena ses premières expéditions contre la Chine. Au terme de cette conquête, Gengis Khan se retourna vers l’État du Khorezm, à l’époque la principale puissance de l’Orient musulman, s’étendant de la mer d’Aral aux marges de l’Inde. Une armée de plusieurs centaines de milliers d’hommes pénétra au Khorezm en 1221. Ce premier pas dans le monde musulman fut suivi de beaucoup d’autres. Les armées de Gengis Khan s’emparèrent de Khodjent, de Nourata, de Boukhara, de Samarkand, de Merv, de Hérat…

XIIIe s.

La pax mongolica

La paix puis la torpeur qui suivirent ces destructions furent propices au commerce et à l’évangélisation, et plusieurs Occidentaux partirent à la découverte d’un monde inconnu. De multiples ambassades se dirigèrent vers l’Orient. L’empire de Gengis Khan était si sûr qu’on disait qu’une jeune fille portant sur sa tête un plateau d’or pouvait le traverser sans crainte… En 1272, deux marchands vénitiens, Nicolo et Matteo Polo, accompagnés de leur fils et neveu Marco Polo, partirent vers la Chine, le « pays des Sères ». Ils traversèrent l’Asie centrale en passant par Balkh, le Pamir et Kashgar. « Le Devisement du monde » est le récit par Marco Polo de ces vingt-cinq années de voyage : un conte foisonnant de personnages fantastiques et un roman d’aventures. Il rencontra un énorme succès et fit de Marco Polo un personnage presque mythique.

XIVe s.

Les Timourides

Gengis Khan était mort depuis longtemps quand, au XIVe siècle, apparut un nouveau conquérant : Timour, surnommé Tīmūr Lang (Timour le Boiteux), surnom que les Européens transcriront en « Tamerlan ». Revendiquant une lointaine parenté avec Gengis Khan, Timour se fit proclamer émir de Transoxiane en 1370, et passa le reste de sa vie à annexer les États voisins. Entre deux conquêtes, Tamerlan retournait dans sa ville chérie, son joyau, Samarkand, la nouvelle capitale de son empire. Il para cette capitale de tous les attraits : palais, mosquées, mausolées, mais aussi et surtout il y fit construire un grand bazar, des coupoles marchandes et des caravansérails. Ce fut un âge d’or pour la Route de la soie : on trouvait de tout sur les marchés de Samarkand. Les tissus et les étoffes étaient d’une extraordinaire variété : soieries multicolores, damas, taffetas, draps de satin, soieries brodées d’or provenant de Chine, velours, précieuses toiles de laine d’Europe, cotonnades unies ou imprimées provenant d’Inde. On y trouvait aussi des fourrures de Sibérie, des cuirs tatars, des porcelaines de Chine, des couteaux de Damas, des rubis et des lapis-lazuli du Badakhchan, des épices, des fruits, des légumes. Samarkand, avec ses jardins et ses éblouissantes coupoles bleues, devint une ville de légende.

XVe-XVIe s.

Les Khanats ouzbek

Les Chaybanides, qui se nommaient eux-mêmes les Ouzbeks, chassèrent les derniers Timourides pour  installer leur capitale à Boukhara, et les commerçants suivirent le mouvement. Mais la conquête de Chaybani Khan, accompagnée de la migration de tout un peuple, n’empêcha pas l’Asie centrale d’entrer dans l’ombre. À l’effondrement militaire de l’Empire timouride s’ajouta effectivement l’effondrement commercial des grandes routes caravanières, subissant la concurrence des voies maritimes. Ce fut désormais dans les ports de Perse que transitèrent les marchandises pour la Chine. L’Asie centrale n’étant plus le passage obligé entre l’Orient et l’Occident, on observa une réduction progressive des revenus des taxes commerciales. Les recettes s’affaiblissaient, les systèmes d’irrigation se dégradaient faute de moyens pour les entretenir.

XVII-XIXe s.

Un lent déclin

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les villes d’Asie centrale avaient perdu tout leur éclat. La propagande russe, cherchant à justifier sa future conquête, ferait état d’une région arriérée et féodale. Les khanats ouzbek étaient au nombre de trois : celui de Khiva, et ceux de Boukhara et de Kokand, éternels et mortels rivaux. Ils se disputaient toute la zone située à mi-chemin entre les deux capitales, autour de Khodjent et au sud-est de cette ville. Le khanat de Boukhara disputait aussi régulièrement la portion de territoire au sud de l’Amou Daria au khanat de Khiva, alors que celui-ci tentait de se défendre contre les raids turkmènes, à l’ouest, en envahissant régulièrement leurs territoires. À la fin du XIXe siècle, les Russes n’ont aucun mal à soumettre toute l’Asie centrale.

Les débuts de la soviétisation

L’Empire russe pose les bases d’une politique qui fut poursuivie et même amplifiée par les Soviétiques, tendant à faire de l’Asie centrale une zone à haut rendement agricole, privilégiant la culture du coton. La révolution bolchevique de 1917 fut ressentie par les musulmans réformistes comme la possibilité de se débarrasser du joug colonial des Russes. À Kokand, un gouvernement indépendant fut constitué, mais qui ne dura que quelques mois. Les nationalistes furent massacrés sans état d’âme par l’Armée rouge. Le général Frounze s’empara de Khiva et de Boukhara en 1920. Il lui fut plus difficile de venir à bout des basmatchi (« brigands » en ouzbek), la rébellion dont Enver Pasha avait pris la tête en 1921, et dont le foyer se trouvait dans la vallée de Ferghana. Cinq républiques socialistes soviétiques avaient vu le jour, mais le pouvoir véritable était détenu par les Russes.

1924-1936

Staline, diviser pour mieux régner

Avec Staline, de nouveaux tracés frontaliers virent le jour, privilégiant les pays turcophones en général et l’Ouzbékistan en particulier, au détriment des Tadjiks, iranophones. Les Tadjiks perdirent effectivement Boukhara et Samarkand, et un tiers de leur population fut rattachée à l’Ouzbékistan, alors que les Ouzbeks pesèrent pour le quart de la population du Tadjikistan. L’Ouzbékistan fut formé dans un premier temps par la réunion des deux républiques de Boukhara et de Khiva, auxquelles fut ajoutée en 1936 la république autonome de Karakalpakie. Staline, ancien Commissaire aux nationalités, sut comment soumettre ces nouveaux États : élimination des élites locales, en particulier religieuses, sédentarisation de force et imposition du russe comme langue officielle. La division problématique des territoires imposa systématiquement Moscou en tant qu’arbitre.

1953-1979

La déstalinisation

Au regard des autres franges de l’Empire soviétique, l’Asie centrale durant la période brejnévienne apparut comme particulièrement calme. Mais les formidables ressources en or, en gaz et en uranium, conjuguées aux revenus sans cesse croissants de l’exportation du coton, encouragèrent sur place l’émergence de mafias locales, et la corruption s’installa à tous les échelons du pouvoir et de l’administration, à travers l’organisation clanique typique de l’Asie centrale, que Moscou n’avait jamais réussi à faire disparaître. Cette situation se révéla au grand jour avec le « scandale du coton », en 1983, dans lequel tout l’entourage de Brejnev fut impliqué. Derrière ce scandale, on percevait déjà une Asie centrale où chaque État était en proie aux guerres de clans et aux ambitions des bandes mafieuses.

30 ans d'indépendance

L’indépendance en Asie centrale s'imposa d’elle-même lorsque l’Empire soviétique s'effondra. L’Ouzbékistan fêta son indépendance le 1er septembre 1991. Le président Islam Karimov, ancien premier secrétaire du Parti communiste ouzbek en fut le premier président et s’est maintenu au pouvoir pendant 25 ans. Les nouvelles républiques souveraines d’Asie centrale ont très vite souhaité privilégier la voie nationale. La Russie est restée un partenaire incontournable dans le mécanisme de prise de décision et, pour certaines, dans le domaine militaire. L’arrivée des Américains lors des opérations contre l’Afghanistan en 2002 a été perçue par les uns comme un élément perturbateur, par d’autres comme un moyen de contrebalancer l’influence toujours importante de Moscou, non sans mécontenter la capitale russe, qui n’a eu de cesse de récupérer ses prérogatives dans la région.

2016 à nos jours

Une nouvelle ère

Avec le décès brutal du président Islam Karimov après les Jeux, une nouvelle ère commence pour l’Ouzbékistan, qui sort enfin, après 29 années d’indépendance, du modèle économique dicté par les Soviétiques et prolongé par le premier président ouzbek pendant trois décennies. Fin de la monoculture du coton, amorce de libéralisation de l’économie, modernisation contrôlée de la vie politique. Le nouveau président Shavkat Mirziyoyev se base désormais plus sur le modèle kazakh ou azerbaïdjanais pour doper le développement économique du pays, notamment en ouvrant les richesses nationales à leur exploitation par de grandes firmes internationales et non plus en les conservant pour le seul usage de l’enrichissement d’un clan. Reste à voir si sa politique parviendra à endiguer une situation économique difficile où l’inflation rend la vie quotidienne compliquée pour nombre d’Ouzbeks.