Epaves de bateau dans l'ancien lit de la mer Aral, Moynaq © Daniel Prudek - Shutterstock.com.jpg
Dromadaire dans le désert de Kyzyl Kum © Matyas Rehak - Shutterstock.com.jpg

La difficile question environnementale

L’environnement est la page noire de l’Ouzbékistan. 70 ans de présence soviétique et près d’un siècle de monoculture du coton ont laissé des traces indélébiles et catastrophiques sur les paysages d’Ouzbékistan. Pendant les années qui ont suivi l'indépendance, l’économie de l'Ouzbékistan était bien trop sinistrée pour que le gouvernement et la population ne se soucient de l’environnement. Et depuis que la croissance économique a pointé le bout de son nez, l'heure est plus à la reconstruction massive du bâti. Résultat : on construit, de tout, partout, souvent en dépit du bon sens et sans chercher à préserver la nature et les panoramas. La situation aurait donc plutôt tendance à s’aggraver.

La disparition de la mer d'Aral

Au premier rang, la plus visible de toutes les catastrophes environnementales est bien évidemment la disparition de la mer d’Aral, qui a commencé à reculer dès les années 1960. Une irrigation menée à outrance en amont du Syr Daria et de l’Amou Daria, les deux fleuves qui alimentaient la mer d’Aral, les a littéralement asséchés. Le Syr Daria n’atteint plus la mer, et les eaux du légendaire Oxus et de son fertile delta se perdent dans le désert. En 2010, il restait encore un peu d'eau côté ouzbek, mais en 2017 le bassin était totalement asséché. Si le lac côté kazakh semble maintenir son niveau, le côté ouzbek de la mer d'Aral a bel et bien disparu sous nos yeux en un demi-siècle ! Pour le moment, le gouvernement kazakh tente d'alimenter ce qu'il en reste, de son côté de la frontière, mais la situation semble désespérée côté ouzbek. La disparition de la mer se traduit par une élévation du degré de salinité dans ce qui reste d’eau, côté kazakh, avec des conséquences dramatiques pour la faune et la flore aquatiques, aujourd’hui disparues en Ouzbékistan. Désormais, la mer d'Aral a été remplacée par le désert d'Aral, l'Aral Koum. Il s'étend à perte de vue et les vents emportent son sable jusqu'à des continents lointains.

Deuxième conséquence, la bulle d’évaporation créée par la mer d’Aral, et qui protégeait la région contre les vents de Sibérie, disparaît avec la mer, et tout le Karakalpakstan se trouve exposé au froid et au vent chargé de sel. Ce dernier ruine les moissons, rend le sol impropre aux cultures et a accéléré la disparition de la flore et de la faune, en particulier des oiseaux.

Le problème de l'irrigation

En Ouzbékistan, l'irrigation remonte aux premières habitations humaines et a toujours assuré le développement des villes-oasis du désert comme Boukhara ou Samarkand. Mais l'irrigation ayant été pratiquée à outrance par les Soviétiques, le système fluvial s'en est trouvé déséquilibré. À l'inverse de la disparition de la mer d'Aral, le lac Aydar Kul, au nord des monts Nourata, voit son niveau monter d'année en année. Il en va de même pour la nappe phréatique, qui atteint des niveaux inquiétants à Khiva. Il suffit de creuser deux ou trois mètres pour atteindre l'eau, ce qui menace gravement les fondations des bâtiments de la ville historique. Enfin, le manque de moyens pour l'entretien des canaux d'irrigation conduit à un gâchis colossal. Les canaux étant à ciel ouvert, on estime que près d'un tiers de l'eau est perdu par évaporation pendant les mois les plus chauds.

Les déchets bactériologiques et nucléaires

Derniers souvenirs laissés par les Soviétiques : les armes nucléaires et bactériologiques et leurs déchets. En Ouzbékistan, sur l'île de Vozrojdénié, dans la mer d'Aral, des dizaines de tonnes de virus, anthrax ou peste de Sibérie, ont été laissés à moitié enfouis par les Soviétiques au moment de l'indépendance. La disparition de la mer d'Aral a mis cette île en contact avec la terre ferme, donnant aux oiseaux ou aux lézards tout loisir de transporter et de propager les virus. L'île laissée sans surveillance a fini par inquiéter et pousser les Américains à nettoyer le site, après les alertes à l'anthrax à New York, à l'automne 2001. Sans doute plus que la transition démocratique, l'environnement est devenu, pour toutes les républiques d'Asie centrale, un des défis majeurs à relever.

Une faune et une flore menacées

Pour faire de la place aux champs de coton, aux raffineries et aux complexes industriels, la surface des forêts d’Asie centrale a été réduite de près de 80 %, et on ne compte plus les espèces animales disparues de la région. La reconstruction en cours est en grande partie responsable du changement des paysages ouzbeks. Ainsi, les platanes d'Orient que l'on trouvait partout dans les villes et villages d'Ouzbékistan sont de plus en plus victimes de l'énorme chantier à ciel ouvert qu'est devenu le pays ces dernières années. Des arbres centenaires, vénérables et vénérés, qui avaient l'avantage de donner une ombre bienvenue durant les chauds mois d'été, sont coupés et remplacés par de maigres sapins importés d'Europe ou de Russie. Le paysage ouzbek en est considérablement affecté, les places et allées ne sont plus protégées du soleil et la consommation d'eau, déjà problématique, ne fait qu'empirer. Une catastrophe écologique à tout point de vue !

Un pays désertique mais pas désert

La végétation habituelle des zones désertiques est composée d’herbes grasses, de buissons épineux et du ravissant Calligonum setosum aux fleurs fragiles semblables à des petites boules de duvet. Les tamaris et les saxauls, dont les racines plongent à plus de 10 m sous le sol, sont les seuls arbustes et arbres à résister aux chaleurs torrides et à la sècheresse de ces régions. Mais, chaque année, durant les quelques jours qui suivent les pluies de printemps, la végétation se réveille et les dunes de sable se couvrent de fleurs : tulipes, renoncules, rhubarbe…

Du côté de la faune, le désert est loin d’être inhabité : chameaux, gerboises, loups, varans, lézards, tortues, hérissons, serpents, scorpions sont autant d’espèces donnant vie aux sables rouges ouzbeks. Les lézards sont nombreux dans le désert, et mesurent jusqu’à 1,50 m. Leur morsure n’est pas venimeuse, mais très douloureuse, et mieux vaut être attentif à ne pas leur marcher sur la queue lorsqu’ils sont à l’affût dans les buissons. Certains habitants n’hésitent pas à les manipuler tôt le matin, alors que la température de leur corps tient les lézards encore endormis, mais ce genre d’expérience est fortement déconseillé, le réveil pouvant être brutal.