Peintres mauriciens

Ce panorama de plasticiens éclaire sur l’art mauricien actuel.

Parmi les artistes ayant laissé leurs traces, Malcolm de Chazal (1902-1981) est l'un des plus célèbres peintres mauriciens, dont les toiles (des reproductions pour la plupart) ornent les murs de plusieurs grands hôtels. Reconnu par les surréalistes des années 1930, celui-ci rédigea divers ouvrages dont Petrusmik, Sens plastique, Sens magique… C’était un être excentrique, qui se vouait tout entier à l’art, et passait, dit-on, des journées entières enfermé dans un hôtel de Port-Louis. Ses gouaches, de style naïf, sont très colorées et visent à traduire la féerie du monde. Leurs principaux motifs sont mauriciens : fleurs, oiseaux, poissons, villages de pêcheurs, cocotiers...

Autre figure emblématique : Vaco Baissac (1940-2023). Son œuvre picturale fortement représentative, chaleureuse et colorée, fait la part belle aux fruits, aux espèces de la faune et la flore, à la végétation, mais aussi aux femmes d’origine indienne et africaine, à la mer… Décédé récemment, ce peintre de la vie créole exposait dans les grands salons internationaux et se trouvait fréquemment invité par des musées européens. Les reproductions de ses œuvres ornent régulièrement les murs des hôtels mauriciens.

Parmi les peintres contemporains, plusieurs noms font le bonheur des galeristes et obtiennent les faveurs du public. C’est le cas de Murthy Nagalingum, artiste réservé et introspectif qui est considéré comme l’une des figures de proue d’une époque charnière de l’art à Maurice. Originellement influencé par l’impressionnisme, il se tourne assez tôt vers une peinture plus figurative qu’abstraite, où le blanc et les couleurs pâles se révèlent dominants. Ses toiles ont pour sujet de prédilection les formes féminines.

Amrita Auckloo Dyalah est, elle aussi, considérée comme l’un des chefs de file de la nouvelle peinture mauricienne. Connue dans l’île dès les années 1970, sa réputation s’accroît dans les années 1990, grâce à sa rencontre avec Yves Henri (peintre et galeriste parisien). Souvent exposée en France, elle possède des galeries à Maurice et œuvre activement à la promotion d’autres peintres mauriciens. Son œuvre picturale accorde une place essentielle aux figures féminines, qu’elle peint, au couteau, dans des couleurs ensoleillées.

Plus récemment, la jeune peintre Céline Levieux s'est fait connaître par ses toiles vibrantes qui expriment avec sensibilité son attachement à la nature de Maurice. De grand format, ses œuvres poétiques tendent parfois vers l’abstraction et le pointillisme.

Passion images

Pierre Argo, né à Maurice en 1941, s’est formé aux ateliers des Beaux-arts de Port-Louis. En plus d’acquérir la technique des arts plastiques, il s’initie à la photographie qu’il n’a jamais cessé de pratiquer. Sa peinture qualifiée d’abstraction lyrique prend sa source dans les éléments du monde environnant. Il aiguise son regard de photographe au cours de ses voyages. Ses images sont publiées dans des revues renommées. Il expose régulièrement à la galerie Adamah Fine Arts qui représente des artistes internationaux et mauriciens.

L’île possède aussi un exceptionnel fonds photographique dont on pouvait voir une partie au Musée de la Photographie, actuellement en pleine refonte dans un nouvel endroit de la capitale. La collection retrace l’histoire de la photographie locale et à travers elle, celle de l’île Maurice via des photos de portraits, paysages, scènes de ville et de campagne, événements marquants, usines, scènes de pêche, premières automobiles, premiers autobus, chemin de fer mauricien, maisons coloniales, édifices historiques, flore et faune. La collection présente en parallèle l’aspect technique de l’art photographique à travers un millier d’appareils anciens, une bibliothèque spécialisée, 400 000 négatifs, des daguerréotypes, des autochromes des frères Lumière. A travers plus de 200 000 tirages, et vingt-cinq heures de films, l’histoire de l’île et de ses habitants de 1939 à nos jours se déploie en images. A quoi s’ajoute une collection de journaux de la fin du XIXe siècle à 1945 sur la photographie locale.

Côté rue

La tradition de la street food invite à sillonner les rues de la capitale. C’est l’occasion de découvrir la création contemporaine sous l’éclairage du street art. Si cette forme artistique est restée confidentielle jusqu’en 2015, elle s’est répandue sous l’impulsion du festival Porlwi. De nombreux artistes mauriciens et étrangers ont été conviés à s’exprimer sur les murs de la capitale. Les trois éditions ont rassemblé à chaque fois pas moins du tiers de la population mauricienne ! Fresques et peintures murales composent depuis une intéressante vitrine du paysage culturel de l’île.

C’est donc dans la capitale que l’on peut découvrir les fresques exécutées par des artistes confirmés comme Gaël Froget (à l’angle de Remy Ollier et de Jummah Mosque), Evan Sohun (qui a composé une longue fresque de style naïf à l’angle d’Edith Cavell et Mère Barthelemy), ainsi que les graffitis de Resko. Parmi les signatures internationales : les monstres de Bault, les femmes de Frau Isa, l’enfant de Seth ou les compositions géométriques de Quintessenz.

Envie de retrouver la note humoristique qui fait le sel du street art ? Traquez le bestiaire du Réunionnais Mehdi MLC ou les gouzous de Jace, ces petits personnages orange si craquants qui signalent le passage du street artiste français établi à la Réunion. Après cela, amusez-vous à repérer les jeunes talents qui montent dans le milieu de l’art urbain. Chloé Ip a ici eu recours à sa technique de collage, Brian Lamoureux a dispersé ses dessins blancs sur fond noir, et Dévid a partagé son art symbolique avec tous les passants.

Désormais, le street art se déploie hors des villes pour rejoindre la côte, à mesure que s’affirme un style plus représentatif de Maurice. L’ouvrage Mauritius Street Art de la photographe mauricienne d’origine suisse Gada propose de sillonner l’île à travers son regard. Sa fascination pour la diversité sociale éclaire cette plongée au cœur d’un art qui fait corps avec son environnement. Avec elle, on découvre à quel point l’art des rues enrichit l’espace public. Ses messages visant à sensibiliser aux questions environnementales ou politiques se diffusent de la ville vers les villages et la plage. Tout cela à travers des fresques, des mosaïques et des pochoirs qui donnent le sourire. Raison de plus pour conjuguer les charmes de l’île.