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Aux origines

Premier site du pays à avoir été inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco, le site archéologique d’Hegra (Al-Hijr) est le plus important témoin de la civilisation nabatéenne après le site de Pétra en Jordanie. Les Nabatéens sont célèbres pour leurs tombes monumentales directement taillées dans le grès. Maîtres dans l’art de faire jouer les reflets du soleil sur la roche pour en révéler la variété infinie de tons, les Nabatéens ont également développé un étonnant sens du décor, mêlant créations propres et motifs et symboles empruntés à d’autres cultures. Voyez les portiques monumentaux d’inspiration hellénistique ; les motifs à merlons ou redans mésopotamiens ; ou bien encore les motifs aux structures pyramidales rappelant l’Égypte. Le tombeau de Lihyan, fils de Kuza, est l’un des plus célèbres tombeaux du site. Les Nabatéens ont également fait preuve d’un sens inné de l’ingénierie hydraulique creusant des centaines de puits dans la vallée. Une maîtrise de l’eau que l’on retrouve dans les incroyables oasis du pays. Occupée depuis des millénaires, la zone archéologique de l’ancienne oasis Qaryat Al-Faw est d’une richesse incroyable. Comment ne pas être impressionnés par ses étonnantes structures de pierres effilées aux silhouettes triangulaires ou circulaires ornées de gravures rupestres et associées à des tombes et cairns ? L’oasis abrite également les vestiges d’un urbanisme parfaitement cohérent séparant zones résidentielle, commerciale (souks), et religieuse. Cette dernière comprend notamment une fascinante nécropole dont les tours-tombes traduisent la hiérarchie sociale de l’époque, les élites se faisant édifier d’imposantes sépultures… ainsi que de vastes demeures dont certaines ont conservé de belles fresques décoratives. Plus au nord, le pays abrite d’incroyables oasis fortifiées à l’histoire millénaire. Pour les chercheurs, ces fortifications illustrent le passage d’un climat tempéré à un climat aride et désertique nécessitant une protection accrue des sources et des cultures. Pensées pour protéger des raids ennemis, ces fortifications étaient également pensées pour se prémunir des assauts de ce climat hostile. Avec son château construit en pierre et entouré de près de 15 puits dont les plus profonds pouvaient atteindre 40 m (certains ont même des escaliers intégrés à leur maçonnerie), son « zonage » urbain clair composé de bâtiments de pierre et de maisons de terre bordant d’étroites allées ombragées, le site de Dumat Al-Jandal est particulièrement saisissant. Le plus souvent construites en hauteur, ces silhouettes fortifiées étaient immanquables depuis les routes commerciales… telles celles jalonnant l’aire culturelle de Hima. Ponctuées de cairns, sépultures, puits, mais aussi de postes de péage et d’établissements urbains d’où émergent d’imposants caravansérails aux allures de forteresse, de plan carré, entourés de hauts murs et ordonnés autour d’une cour centrale, ces routes caravanières conservent encore une aura légendaire.

Une architecture unique

Dans la région d’Aseer, l’Heritage Village de Rijal Almaa abrite des demeures très particulières s’étageant sur plusieurs niveaux et dont la silhouette n’est pas sans rappeler celle de forts. Faits de pierre naturelle locale, souvent soulignée d’un brillant quartz blanc, d’argile et de bois (notamment pour les balcons), ces « palais » donnent au village des allures de cité fortifiée. Dans la région d’Al Baha, l’Heritage Village de Zee Ain, lui, abrite des habitations de 2 à 4 étages, réalisées en pierre polie, avec des murs porteurs à l’impressionnante épaisseur, un système de charpente en bois recouverte de pierres, elles-mêmes protégées de boue afin de renforcer l’isolation, et de vastes salles jalonnées de colonnes de pierre. Les vieilles villes de Riyad, Dariya, et Khobar, ou bien encore le village d’Ushaiqer témoignent, eux, de la richesse structurelle et stylistique de l’architecture Nadji. Il s'agit d’une architecture de terre entièrement basée sur les principes d’harmonie et de cohérence. Zones et quartiers sont divisés selon leurs fonctions et l’équilibre privé/public est partout respecté. Pour saisir toute la richesse de cette architecture, il faut déambuler dans les entrelacs de ruelles bordées d’étonnantes demeures. Le premier élément phare est la porte d’entrée (al-bab) dont le degré de raffinement décoratif témoigne de l’importance du propriétaire. Travail du bois et du métal, motifs floraux, géométriques ou calligraphiques, ces portes peuvent être de véritables œuvres d’art. Maintenant, regardez les murs extérieurs, vous y verrez sans doute de petits éléments de bois ou d’adobe légèrement en saillie et percés, dans leur partie la plus basse, de petits trous. En forme de demi-cercle, carré ou triangle, ces éléments permettent de voir sans être vu. On les appelle des tarma, l’équivalent de nos œilletons ou judas. En levant les yeux, vous découvrirez les alfuraj, de petites ouvertures en forme de triangle, placées en haut des murs, qui assurent éclairage et ventilation tout en respectant l’intimité du foyer. Les motifs créés par leurs alignements permettent de rompre la massivité et la monotonie des murs extérieurs. Les shuraf, eux, couronnent ces harmonieux édifices de terre. Réalisés en briques d’adobe, couverts de gypse locale et peints en plâtre blanc (autant pour décorer que pour protéger de la pluie), ces pignons peuvent être de formes variées mais leurs sommets doivent toujours être pointés vers le ciel. Élégantes prolongations du toit, ils offrent ombre et fraîcheur aux vastes toits-terrasses des maisons. Dans la plaine côtière désertique de la Tihama, il n’est pas rare de croiser des maisons rondes faites d’une structure en roseaux et plâtre de boue et couverte d’un toit en chaume. Une architecture qui témoigne du passage de pèlerins et commerçants africains dans la région.  Dans le reste des zones côtières, les murs des maisons étaient réalisés à base de corail fossilisé. La sublime et inclassable ville historique de Jeddah, la Porte de La Mecque, a su mêler à ces traditions côtières des emprunts à d’autres techniques et savoir-faire. Les plus belles représentantes de ce mélange sont les maisons-tours de la ville que l’on reconnaît à leurs silhouettes en pierre de corail et à leurs façades ornées de somptueuses pièces de bois sculptées légèrement en saillie rappelant d’élégants moucharabiehs. Jeddah abrite également quelques beaux exemples de maisons ottomanes plus récentes que l’on reconnaît à leurs grandes baies vitrées, leurs bow-windows, leurs bases surélevées et le découpage de leurs façades.

Architecture de l’islam

De nombreux chercheurs et théologiens pensent que la toute première mosquée de Médine fut en réalité la maison même du prophète Mahomet. Si rien n’a survécu de l’édifice, de nombreuses sources anciennes l’ont décrit. En briques séchées, l’édifice était de plan carré, chaque côté mesurant environ 56 m. 9 pièces étaient aménagées le long du mur est et ouvraient vers l’intérieur ; tandis que furent ajoutées, au nord et au sud, de courtes colonnades en troncs de palmiers dont les branches étendues prodiguaient ombre et fraîcheur. Enfin, élément le plus important : l’orientation de la prière passa de Jérusalem à La Mecque. Cette simplicité et cette sobriété dessinèrent les contours de la première architecture islamique qui se répéta à travers le monde musulman. Une sobriété que l’on retrouve dans la Mosquée Jawatha à Al-Ahsa, construite au VIIe siècle, et sans doute la plus ancienne de la péninsule. Voyez ses murs en brique de terre, simples et sans ornementation, ses tours basses aux créneaux arrondis, son imposante porte en bois et son toit de chaume. Mais les siècles défilant, cette sobriété fut abandonnée au profit de structures plus imposantes et décoratives, notamment à la période ottomane. La Mosquée du Prophète de Médine en est l’exemple parfait. L’enceinte de la mosquée actuelle est 100 fois plus grande que celle de la maison originelle du Prophète ! L’imbrication des structures est étonnante. La mosquée contemporaine tout en marbre blanc enserre la mosquée ottomane qui a conservé ses décors de marbres et pierres polychromes, ses colonnes en marbre blanc aux bases percées de grilles de ventilation, ses arcades à l’alternance de pierres blanches et noires surmontant les fenêtres, et surtout son dôme vert-de-gris et ses minarets fins et élancés. Une juxtaposition des époques que l’on retrouve dans la Mosquée Al-Haram, plus grande mosquée de La Mecque et écrin de la Kaaba. Il est d’ailleurs fascinant de constater que la Kaaba, édifice du VIIe siècle, a conservé une certaine sobriété avec sa structure en granit de plan carré, ses murs épais et nus qui font d’autant plus ressortir son imposante porte en bois plaquée de 280 kg d’or pur, tandis que tout autour la Mosquée déploie un étonnant gigantisme. A l’époque ottomane, c’est le grand architecte Sinan qui fait ajouter des dômes dorés aux voûtes ornées de calligraphie, des colonnes, des minarets élancés et de superbes pavements de marbre. A partir des années 1950, la mosquée entre dans de nouvelles phases de transformation avec des extensions en béton armé, l’ajout de minarets, coupoles décorées et plafonds à caisson, la création de nouveaux décors tout en pierre artificielle, plâtre et contre-plaqué de marbre, et la mise en place d’un système moderne de climatisation destiné à rafraîchir les deux millions de pèlerins que la nouvelle structure doit pouvoir accueillir. Un souci d’impressionner que l’on retrouve dans deux mosquées plus récentes : la Mosquée de la Miséricorde à Jeddah (1985), également baptisée « mosquée flottante » car sa structure d’un blanc éclatant surmontée d’élégants dômes turquoise semble s’avancer sur l’eau ; et la Mosquée Al-Rahji de Haïl (2010) avec ses 4 minarets de 80 m de haut et ses 50 dômes vermillon s’étageant en cascade. Mais les mosquées ne sont pas les seules représentantes de cette architecture de l’islam. L’Arabie saoudite est également sillonnée par les nombreuses routes du Hadj, le pèlerinage menant les fidèles à La Mecque. Ces chemins sont jalonnés de forts assurant non seulement la protection des pèlerins, mais aussi et surtout celles des sources, bassins, citernes et réservoirs d’eau. De plan carré, organisés autour de vastes cours, ces forteresses impressionnent par leur massivité, renforcée par la présence de remparts de protection. A cela s’ajoutent de plus modestes gîtes d’étapes, tandis que les « stations » phares du pèlerinage sont d’authentiques petites villes avec mosquées et souks. Sur la route reliant la ville irakienne de Kufa à La Mecque, des tronçons de routes pavées et des parties de routes protégées par de petits murs composés de larges pierres empilées ont également été retrouvés, prouvant l’importance de ce chemin de pèlerinage et les trésors d’ingénierie développés pour lutter contre un environnement hostile. Un sens de l’ingénierie que l’on retrouve chez les Ottomans qui, au début du XXe siècle, ont imaginé la Hejaz Railway, le chemin de fer du Hadj. Près de 2 000 ponts en pierre locale brute ont été érigés, tandis que tous les 20 km étaient construites des stations à l’organisation calquée sur les stations de pèlerinage originelles avec fortifications, puits, citernes et caravansérails. Le Hadj inspire encore les architectes contemporains, tel Mahmoud Bodo Rasch, architecte allemand converti à l’islam, qui imagina l’étonnante structure composée de 250 parasols couvrant chacun une surface de 625 m2 protégeant les pèlerins de Médine.

Arabie saoudite contemporaine

La découverte des gisements de pétrole a engendré un essor sans précédent de la construction dans le pays. Dans les années 1970, le désert voit partout émerger des villes nouvelles et d’imposants complexes pétrochimiques. A l’époque, les citoyens saoudiens reçoivent même gratuitement des terrains à bâtir. Les gratte-ciel sortent également de terre. Le plus célèbre de cette période est sans doute la Banque Nationale du Commerce de Jeddah imaginée par l’agence américaine SOM. Sa silhouette en V flanquée de parkings hélicoïdaux ne passe pas inaperçue. Une urbanisation à marche forcée qui a également contraint de nombreux bédouins à se sédentariser. Au début des années 1990, un projet est mis en place pour construire maisons, écoles, mosquées. Faites en roche volcanique locale, ces constructions étaient pensées pour être réalisables à moindre coût par les populations locales… mais le projet fut malheureusement rapidement abandonné. Face à l’afflux constant de pèlerins, La Mecque, elle, a fait l’objet de toutes les attentions, connaissant d’intenses transformations, commencées dès les années 1970 avec la création de la Porte de La Mecque, arche monumentale représentant un lutrin. Percement d’un boulevard de 80 m de large et 4 km de long, créations de nouveaux quartiers, réalisation du complexe Abraj Al Bait comprenant la désormais célèbre Tour de l’Horloge surplombant la ville de ses 601 m… : ces transformations ont entraîné la destruction des deux tiers de la ville historique. En 2016, le prince héritier MBS lance son plan Vision 2030. Objectif ? Ouvrir le pays au tourisme notamment. Les structures les plus folles sortent alors de terre, à commencer par d’étonnants centres culturels et scientifique, tels : le King Abdulaziz Center for World Culture à Dhahran, avec sa tour de la connaissance de 18 m et sa structure couverte de 350 km de tubes en acier inoxydables dessinées par l’agence Snøhetta; le centre culturel Maraya à Al-Ula dont le nom signifiant miroir renvoie aux 9740 m2 de miroirs recouvrant sa silhouette ; ou bien encore le King Abdullah Petroleum Studies and Research Center à Riyad, pour lequel l’agence Zaha Hadid s’est inspirée de la structure des ruches. Les gratte-ciel, eux, continuent à tutoyer les sommets telle la Kingdom Tower ou Tour Djeddah de 1 000 m de haut qui devrait être prochainement inaugurée. Autre inauguration prévue : celle du métro de Riyad, dont les principales stations auront une architecture signée Zaha Hadid, Snøhetta et Gerber Architeckten. Et le pays ne compte pas s’arrêter là : The Line / Neom, ville verticale de 500 m de haut et de 170 km de long aux allures de vaisseau spatial ; The Red Sea Development, avec ses marinas, plages artificielles et complexes hôteliers dont certains seront signés Norman Foster (qui a également dessiné les plans de la Tour Al Faisaliah à Riyad) ou Kengo Kuma ; le vaste projet de la zone archéologique d’Al-Ula avec création de nouveaux pôles urbains et de complexes hôteliers… dont un projet de villas taillées dans la roche signé Jean Nouvel.