Education City à Doha regroupe des universités internationales de prestige © ben bryant - Shutterstock.com.jpg

Un système éducatif à deux vitesses

Entièrement gratuite, comme les manuels scolaires et le transport, l’école des petits qataris occupe douze années de vie, en trois cycles successifs : six années de primaire, trois ans de secondaire et trois ans de tertiaire. La première école fut ouverte en 1952, dans le sillage du pétrole jaillissant. En 1973, sera lancé le College of Education, préfiguration de l’université de 1977. Plus de 500 écoles accueillent aujourd’hui les enfants dans des écoles publiques gratuites. Mais avec la richesse accrue du pays, vint la mode des institutions privées étrangères qui attirent aujourd’hui la jeunesse la plus aisée issue des foyers les plus libéraux. Education City est pionnière dans le développement des Universités de prestige. Mais l’ONU a rappelé en 2019 que les coûts trop élevés des écoles au Qatar empêchaient les enfants des travailleurs immigrés d’étudier. Sur 2,75 millions de résidents, 90% sont étrangers. Le rapporteur de l’ONU sur le droit à l’éducation Koumbou Boly Barry a déclaré dans une conférence que « les charges dans ces écoles peuvent atteindre des niveaux impossibles à tenir pour ces familles ». L’ONU estime que 4 000 enfants de migrants ne pourraient pas payer les coûts de l’Université en conséquence. 

La femme, rare dans le monde du travail

Bien que les femmes parviennent à des niveaux d’instruction élevés, la parité dans le monde du travail est loin d’être effective au Qatar. Les femmes ne représentent que 20 % des actifs et restent, la plupart du temps, cantonnées aux emplois du secteur public, la banque ou les télécommunications. On peut souligner le rôle emblématique joué par Cheikha Mozah, la mère de l’actuel émir Tamim ben Hamad, figure du pouvoir, de la beauté et d’une certaine indépendance d’esprit. Les modèles de réussite féminine sont de plus en plus fréquents, et l’on peut penser que l’exemple des femmes expatriées qui travaillent favorisera une évolution des mentalités, dans un pays où le patriarcat prévaut encore largement.

Dans la vie quotidienne, madame porte le foulard noir appelé shielah, khemaar ou hijab, visage dégagé ou non. Sa tunique noire, l’abaya, est parfois ornée aux manches de fils d’argent et de perles de couleur. Des lunettes en serre-tête au sac à main, en passant par les talons hauts, portent la griffe des grandes maisons françaises ou italiennes. Une amie de madame, d’éducation très conservatrice, a adopté le style saoudien : elle porte donc le niqab ne laissant apparaître que la bande des yeux. Madame et sa copine, au pas cadencé de leurs stilettos Louboutin, baignées de Guerlain, la place Vendôme en sautoir et généreusement fardée, dégagent une élégance sous leur apparente rigueur. Les étrangères portent leurs habits habituels, toujours « gentle », pas de mini-jupe, de décolleté et de nombril à l’air, bien évidemment. Seuls les clubs accueillent les expat’ et touristes en robe sexy à paillettes.

La polygamie largement répandue

La polygamie est autorisée au Qatar selon les critères musulmans, c’est-à-dire sous réserve que le mari dispose de suffisamment de ressources pour assurer le confort matériel de toutes ses épouses. Ce qui n’est pas très difficile pour des Qataris couverts de riyals. Le Coran permet à tout musulman de prendre jusqu’à quatre épouses légitimes. Le mariage mixte est également autorisé par la loi islamique : un musulman peut ainsi épouser une femme d’une autre confession, à condition que leurs enfants soient élevés dans la religion du père. En revanche, un non-musulman devra impérativement se convertir pour pouvoir épouser une femme musulmane. La loi sanctionne lourdement ceux qui ne respectent pas ces principes. Traditionnellement, c’est la famille du jeune homme qui lui choisit une épouse, parmi les jeunes filles de sa connaissance qu’elle juge digne d’alliance. Toutefois, les mœurs évoluent et de plus en plus souvent les jeunes ont leur mot à dire dans ces unions arrangées. 

L’héritage africain lié à l’esclavage

La situation des Africains du Qatar soulève un certain nombre de questions. Dans un recensement effectué au début du XXe siècle, le géographe Lorimer comptabilisait 4 000 esclaves noirs et 2 000 Noirs affranchis sur 12 545 habitants. Ils venaient des comptoirs de Zanzibar et de la côte swahilie en majorité ; pour peupler les cités de Doha et Al Wakra. Les Noirs auraient donc représenté la moitié de la population totale des deux principales cités du Qatar ! L’abolition de l’esclavage fut instituée en 1952. L’opposition des maîtres fut si forte que le dirigeant de l’époque, le cheikh Ali bin Abdalla Al Thânî, dut leur offrir une compensation financière. Aujourd’hui les anciens esclaves bénéficient du statut de « Qatari », contrairement aux descendants d’immigrés égyptiens ou turcs depuis trois générations au Qatar. Cette histoire intrinsèque du pays est désormais racontée en détail au Musée de Msheireb, avec une exposition fort documentée sur l’esclavage. 

Le Qatar a réalisé une vaste réforme du marché du travail pour améliorer les conditions des travailleurs immigrés, sous le flot des critiques pendant de nombreuses années tout comme ses voisins des pays du Golfe, et sous les projecteurs depuis le lancement des projets pharaoniques dédiés à la Coupe du Monde FIFA 2022. Tout d’abord, l’abolition de la kafala : un système qui était en vigueur dans tous les pays du golfe Persique, à l’exception du Bahreïn. Passeport confisqué, salaire et horaires imposés, renvoi sans préavis, autorisation du patron pour avoir un visa de sortie... Le Qatar a été spécialement critiqué car des milliers de travailleurs, notamment en provenance du Bangladesh, de l’Inde et du Nepal auraient trouvé la mort sur les chantiers des stades. Le pays qui ne veut pas ternir sa réputation décide en 2017 d’imposer une loi réglementant les heures de travail des employés de maison, décide aussi de créer des tribunaux spéciaux et de mettre en place un fonds pour soutenir le paiement des salaires impayés.… Mais tout ceci reste théorique. En août 2020, le Qatar a adopté deux lois qui doivent permettre à n’importe quel travailleur de pouvoir quitter le pays et changer d'emploi sans l'autorisation de son employeur. Mais selon un rapport de l’ONG Amnesty International paru en 2021, ces lois ne sont pas suffisamment appliquées.