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L’histoire de la fauconnerie dans le monde

C’est l’une des plus anciennes relations entre l’homme et l’oiseau, un art et une pratique culturelle traditionnelle qui consiste à faire voler des faucons pour attraper du gibier dans son environnement naturel. La fauconnerie existe dans plus de 60 pays. Elle s’est probablement développée dès l'Antiquité – et peut-être même avant – dans les steppes d’Asie centrale, et s’est répandue dans les autres pays par le biais de liens culturels et commerciaux. Les Kirghizes, guerriers nomades et chasseurs, auraient été parmi les premiers à dresser ces oiseaux de proie dans les vastes steppes plates propices à cette chasse. Les endroits où se pratique la fauconnerie sont liés aux routes de migration suivies par les rapaces depuis des milliers d’années. Elles suivent les voies et couloirs migratoires de l’Asie du Nord et de l’Est, au Moyen-Orient, en Europe, en Afrique du Nord au Sud. Sa pratique durant l’Antiquité et le Moyen Age est documentée dans de nombreux endroits du monde.
Ainsi, en 1530 en Europe, l'empereur Charles Quint donne l’île de Malte aux chevaliers de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem contre la remise symbolique, chaque année, d’un faucon dressé pour la chasse ! Les citoyens de Gand (Belgique) perpétuent leur tradition de célébrer, chaque octobre, le saint patron des fauconniers, Saint-Bavon, dans la cathédrale éponyme. Un folklore qui descend directement de cette pratique. Des fauconniers portent des faucons au poing et sont revêtus de leur habit traditionnel. Cette célébration est également considérée comme le début de la saison de chasse. De multiples groupes de souffleurs de cors de chasse ainsi que le chœur de la cathédrale produisent des intermèdes musicaux. C’est un évènement très populaire et la cathédrale est pleine.

Le faucon, l’oiseau national du Qatar

Cet oiseau est l'emblème du Qatar, mais aussi des Émirats arabes unis d’Arabie saoudite, d’Oman et d’autres pays qui ont en commun cette importance de la fauconnerie dans leur tradition. Elle a commencé il y a plus de 5 000 ans en Iran, puis s’est répandue dans les pays voisins au fil du temps. Au VIIe siècle, la fauconnerie est importée au Moyen-Orient d’Asie centrale. Les aptitudes exceptionnelles de cet oiseau sauvage pour la chasse permettent d’améliorer les apports en viande fraîche dans l’alimentation des tribus nomades, spécialement dans le désert. Les Bédouins qui voyagent dans toute la Péninsule arabique introduisent cette tradition au Qatar, pour chasser les oiseaux migrateurs de passage au-dessus du désert. Mais aux XVIIe et XVIIIe siècles, la fauconnerie va tomber en désuétude face à l’arrivée des armes à feu et devenir seulement un refuge de passionnés. La fauconnerie, comme les courses de chameaux et l'équitation, fait encore partie de la culture moderne du pays aujourd’hui.

Le fauconnier, aiguilleur du ciel

Le faucon et sa proie ont évolué ensemble pendant des millions d’années, et leur interaction forme la trame d’une pièce de théâtre qui remonte à la nuit des temps. La chasse dépend des conformations d’un terrain découvert, pour que le fauconnier puisse suivre l’oiseau. L’environnement exerce donc une influence et façonne les variantes locales de cette pratique traditionnelle. Par exemple, dans les déserts d’Arabie, le terrain découvert permet de faire voler des faucons qui parcourent de longues distances, les steppes d’Asie permettent de faire voler à la fois des faucons et des grands aigles. En revanche, dans les régions boisées et les terres cultivées semi-découvertes, comme celles d’Europe, du Japon ou la Chine, l’usage des oiseaux de bas vol, à l’instar des autours et des éperviers, est préféré. 

La fauconnerie arabe, une vraie passion locale

Alors, oui, nous avons aussi en France un parc animalier à Rocamadour en Dordogne avec des aigles et rapaces dressés pour faire un show devant les touristes qui rappelle cette pratique ancestrale médiévale. Elle est certes à rapprocher de la fauconnerie arabe par son origine qui s’est popularisée dans le monde pendant des siècles. Mais au Qatar, elle ne fait pas seulement partie du folklore historique, elle est pratiquée par de nombreux passionnés qui bichonnent leurs oiseaux comme de vrais champions, elle fait partie de la culture intrinsèque de la péninsule arabique. Ces rapaces sont associés à la richesse et à la noblesse, car posséder un faucon en bonne santé est une question de fortune et de temps. La saison de la fauconnerie et de la chasse débute en octobre et les démonstrations sont nombreuses en hiver. Le Festival international de fauconnerie devenu le MARMI Festival (Festival de la fauconnerie et de la chasse) s’est tenu pour sa 13e édition en janvier 2022 avec une compétition de haut vol à Katara, durant à peu près un mois. Quatre fauconniers ont reçu un prix de 100 000 riyals et le finaliste une nouvelle voiture !

Le marché aux faucons et la clinique

Dans la partie la plus à l’est et au nord du Souq Waqif, que borde Grand Hamad Street, vous débusquerez le marché au faucons. Prenez comme repère de départ l’hôtel Mirqab et empruntez la rue sur sa gauche. Les éleveurs présentent leurs trésors à plume, sans chercher à épater le touriste car il s’agit d’un souk « professionnel » et ils savent bien que vous n’allez pas vous porter acquéreur. Il faut compter au moins 30 000 riyals et les prix peuvent grimper jusqu’à plus d’un million pour acheter l’oiseau rare ! Les Qataris dépensent des fortunes – quand on aime on ne compte pas – pour acheter tout l’attirail du fauconnier, évidemment dernier cri. Certains n’hésitent pas à investir dans des moniteurs radio, camions 4x4, sans compter l’attirail des gants, bonnets, la nourriture, les soins, etc. En restant dans le souk, avec distance et discrétion, vous observerez le jeu des affaires. Les faucons encore sauvages (puisque l’objectif d’un acquéreur est d’en faire son faucon) ont les yeux couverts par un capuchon sur la tête qui les maintient au calme, une chaîne à la patte et attendent patiemment le chaland.
Une clinique pour faucons équipés des dernières technologies high tech peut recevoir les rapaces à toute heure aux urgences et dispose même de salles pour que les maîtres puissent veiller sur leur protégé blessé. Un petit musée dédié aux faucons, avec des cartes sur l’origine des différentes espèces et un cabinet de curiosité intéressant se visite ici. A la question : aurais-je l’occasion d’approcher un faucon ? La réponse est oui ! De nombreux propriétaires, rapace au bras, se baladent dans le Souq pour discuter de leur dernière partie de chasse et échangent volontiers avec les touristes. Venez plutôt le matin néanmoins, quand les fauconniers des boutiques sortent leur protégé. Vous pouvez vous retrouver avec un faucon sur le bras (avec protection) avec un professionnel. Rassurez-vous si le fauconnier le laisse tête découverte, c’est que le faucon est calme et habitué à la manoeuvre. Et lorsqu’il n’a pas son bonnet sur la tête, c’est toujours assez impressionnant d’avoir ses yeux si près de son bec crochu !

Des parties de chasse fraternelles

Almkhuwa signifie le lien de compagnonnage et de partage égalitaire des tâches, du coût et des responsabilités pendant une partie de chasse.  Et effectivement une partie de chasse se déroule suivant des codes bien précis. Il s’agit habituellement de groupes de six à douze fauconniers partant en excursion pour une période de une à trois semaines. Après un jour de chasse, ils se rassemblent autour d’un feu de camp et racontent des histoires ou des anecdotes sur le jour qui vient de s’écouler, en composant souvent des poèmes. Pour le groupe de l’almkhuwa, la fauconnerie est un moyen de savourer une tradition culturelle qui célèbre l’esprit de camaraderie dans le désert. Dans la fauconnerie arabe, le fauconnier prononce le nom de Dieu devant l’oiseau ou l’animal pris par son faucon. Les fauconniers emmènent leurs enfants dans le désert et leur enseignent la manière de maîtriser le faucon et d’élaborer une relation de confiance avec un oiseau qui fait souvent partie de la famille. C’est un long processus qui amène le faucon à reconnaître la voix du fauconnier. Ce processus comporte également l’approfondissement de savoir-faire comme l’art de nourrir et porter son faucon sur le poing, ou d’appeler le faucon en faisant tourner un leurre.

Faucon, qui es-tu ?

Les faucons sauvages font face aujourd’hui à de nouveaux périls tels les pesticides, la dégradation et la perte de leur habitat, ce qui réduit leur population. Les faucons sont piégés traditionnellement lors de leur migration d'automne, apprivoisés et entraînés à la chasse avant d’être vendus sur le marché. Les fauconniers s’efforcent d’assurer le maintien de ces populations au niveau national et international. L’espèce n’est plus classée comme menacée depuis 1999, malgré le scandale du DDT qui en Occident a décimé ce noble oiseau pendant des années avant d’être interdit. Il existe 6 espèces : le faucon de l'Amour, le faucon concolore, le faucon lanier, le faucon sacre, le faucon pèlerin et le faucon de Barbarie. Les faucons pèlerins et sacres sont les plus populaires pour le dressage à la chasse. Le faucon sacre (Falco cherrug) parce que c’est le 2e plus grand faucon, costaud et magnifique. L’envergure des femelles, plus imposantes que les mâles, peut atteindre 125 cm et peut peser jusqu’à 1,3 kg, une belle bête. Il est présent en Afrique du Nord, à l’Est de la Méditerranée, au Moyen-Orient et en Asie centrale. Le faucon pèlerin (Falco peregrinus) n’est rien de moins que l’animal le plus rapide du monde avec une vitesse de vol de chasse en piqué qui peut aller jusqu’à 200 mètres et atteindre près de 300 km/h ! Ces oiseaux de compétition à la vision huit fois supérieure à celle de l’homme plongent et fondent sur leur proie qui n’a aucune chance de s’échapper. Les faucons ont une très grande acuité visuelle même à l’aube et au crépuscule, la plus grande partie des activités de chasse ayant lieu à ces moments-là. Il ne capture que presque exclusivement d’autres oiseaux en vol, le spectacle est donc d’autant plus saisissant. Ces chasseurs peuvent vivre entre 12 et 15 ans. A l’état sauvage, il ne fait pas de nid mais vit dans des falaises principalement. Il existe sur tous les continents, de l’Arctique à la Nouvelle-Zélande. Son envergure peut atteindre 85 cm chez le mâle et même plus d’un mètre chez la femelle. Il ne pèse que 900 grammes mais son poids-plume d’empêche pas sa robustesse. On estime que cet oiseau migrateur parcourt entre 22 000 et 25 000 km par an, un grand voyageur !