Sculpteur sur bois © BartCo - iStockphoto.com.jpg
Confection d'un batik malaisien © Ales-A - iStockphoto.com.jpg
Street art dans le quartier de Little India à Singapour © EQRoy - Shutterstock.com.jpg

Les arts graphiques traditionnels, une variété de pratiques

La plupart des artisans étant musulmans, les créations artisanales malaisiennes sont fortement influencées par l'islam. La religion interdit la représentation de toute forme humaine (ou animale) dans l'art. Par conséquent, la plupart des créations graphiques sont basées sur des motifs géométriques ou des éléments naturels comme les feuilles et les fleurs.

Le batik est un art textile ancestral très important dans la tradition malaisienne, fabriqué à l'aide d'une teinture à la cire pour créer des motifs originaux. La méthode de fabrication du batik malaisien est assez différente de celle du batik javanais indonésien, lui aussi renommé. Les motifs sont plus amples et plus simples, et requièrent que la peinture soit appliquée avec un pinceau. Les couleurs ont aussi tendance à être plus claires et plus vives.

Le kolam est un type de dessin composé à l'aide de farine de riz, de craie, de poudre de craie ou de roche colorée, naturelle ou synthétique. On le croise souvent lors de la fête hindoue de Deepavali et d’autres célébrations. Dans le passé, le kolam était toujours fabriqué avec de la farine dans le but d’attirer de petits animaux comme les fourmis et les oiseaux, qui les grignotaient au fil du temps. Traditionnellement créé par les femmes, il est censé attirer la prospérité et l'harmonie dans le foyer.

La calligraphie, principalement pratiquée par les communautés chinoises et musulmanes à l’occasion de festivités, ou comme pratique quotidienne à vocation religieuse ou spirituelle, est un art assez présent en Malaisie. De nos jours, des styles plus modernes se popularisent parmi les amateurs d’art.

La sculpture sur bois, au cœur de la spiritualité malaisienne

Dotée d’une abondance de bois grâce à ses forêts tropicales, la Malaisie est réputée pour son art de la sculpture sur bois. Panneaux gravés, poignées de keris, sculptures spirituelles Orang Asli, sculptures religieuses chinoises, masques traditionnels… le pays propose une vaste gamme d'objets décoratifs utilisant ce matériau. Pour les peuples aborigènes, les masques occupent une place majeure, ils constituent le symbole des forces surnaturelles et signe de respect pour les divinités ancestrales. Pour les Mah Meri, un des peuples Orang Asli, ils sont aussi une manière de donner vie aux contes et légendes populaires. Lors des célébrations, les danseurs portent ces masques pour honorer les esprits. Par ailleurs, dans la tradition chinoise, les divinités se présentent sous la forme d'idoles en bois sculpté. Ces dernières sont toujours très demandées aujourd’hui afin de décorer les autels des temples et des maisons, ce qui fait que les techniques de sculpture sur bois ont été bien conservées.

L’art moderne, entre expressions locales et influences occidentales

Les migrations et le système éducatif occidental jouent un rôle important dans la naissance de l'art moderne en Malaisie, dont on place la naissance aux alentours des années 1920, avec des artistes pionniers comme Yong Mun Sen, Abdullah Ariff, Lee Kah Yeow, Khaw Sia, Tai Hooi Keat et Kuo Ju Ping, pour n'en nommer que quelques-uns. Les œuvres d'art moderne se forment en rupture avec les formes d’expression artistique traditionnelles. Dans le cadre de ce processus de développement de la Malaisie moderne, l'art continue néanmoins à mettre en valeur le style de chaque groupe et le contexte social et historique dans lequel il prend place. Comme nous allons le voir, il existe en Malaisie une forte tradition du groupe, les artistes se rassemblant en associations pour promouvoir leur travail.

L’aquarelle se développe tout particulièrement, notamment dans la région de Penang, avec un groupe d’artiste d’inspiration impressionniste. Le coup de pinceau est libre et spontané, le trait humide, les couleurs fraîches et les paysages locaux sont le thème principal. L'arrivée d'artistes chinois réfugiés en Malaisie a joué un rôle important dans le développement de la peinture à partir des années 1930. En 1938 est inaugurée l'Académie de Nanyang, dont les peintres fondateurs promeuvent un style combinant des caractéristiques européennes et asiatiques. Yong Mun Seng (1896-1962), l’un des fondateurs de cette école, est sans doute l’artiste le plus important et le plus représentatif du mouvement. Initialement formé à la calligraphie et marqué par la tradition du paysage chinois, l’artiste mêle ces influences à l'aquarelle et à la peinture à l'huile, donnant lieu à des œuvres singulières, à mi-chemin entre Orient et Occident. On peut admirer ses travaux au Penang State Museum. D’autres noms importants de cette période sont Cheng Soo Pieng, Chen Wen His et Georgette Chen. Les thèmes récurrents de leurs travaux sont des scènes de la vie quotidienne comme la baignade, le séchage de vêtements, la pêche, les jeux folkloriques, les mythes et les paysages locaux.

Après-guerre, deux autres groupes importants marquent l’histoire de la peinture malaisienne. Tout d’abord, le Wednesday Group, fondé en 1954 à Kuala Lumpur, avec comme chef de file le Britannique Peter Harris (1923-2009). L’art est vu par ses membres comme un moyen d’expression du soi intime. Ces derniers, comme Patrick Ng, Ismail Mustam, Syed Ahmad Jamal et Dzulkifli Buyong, pour ne citer que les plus importants, utilisent des techniques et des styles divers, bien que la peinture à l’huile prédomine et que les corps soient souvent au centre de l’image. L’autre groupe important des années 1950 est le Angkatan Pelukis Semenanjung (APS), qui appréhende l'art comme un moyen d'expression culturelle. Fondé à Kuala Lumpur en 1956 par Hoessein Enas (1924-1995), ce groupe se concentre tout particulièrement sur le portrait, utilisé pour refléter l'identité nationale à travers les vêtements et les activités traditionnelles. Une place secondaire est accordée au paysage.

L’art contemporain au défi des barrières ethniques

Le père de l’art contemporain malaisien, Ibrahim Hussein, né en 1936 et décédé en 2009 a longtemps occupé le devant de la scène avant-gardiste, s'affichant même aux côtés d'Andy Warhol à la grande époque du pop art. Son style, fait de collage et d'impression, épouse à merveille ses sujets de prédilection, souvent très engagés politiquement.

Les deux principaux groupes d’artistes qui marquent le début de l’art contemporain malaisien sont les groupes Anak Alam et Persatuan Pelukis Malaysia. Anak Alam (Abdul Latiff Mohidin, Zulkifli Dahalan, Ali Rahamad ou Abdul Ghafar Ibrahim…), formé en 1974, est basé sur l’idée de liberté et d’expérimentation et mêle les arts visuels à d’autres genres comme la poésie et à la performance. Le groupe Persatuan Pelukis Malaysia est lancé en 1980 à la National Art Gallery. Son père fondateur est Syed Ahmad Jamal, qui prône le développement de l’art en conformité aux aspirations culturelles du pays, cherche à améliorer la situation sociale et matérielle des artistes et encourage la promotion de l’art dans le pays en coopérant avec le gouvernement.

Parmi les autres artistes contemporains actuellement reconnus sur la scène internationale, on retient Chuah Thean Teng et Khalil Ibrahim pour leurs peintures batik, Chang Feeming pour ses superbes aquarelles, Ahmad Zakii Anwar pour ses portraits, ou encore Chong Siew Ying pour ses toiles oniriques.

L’art contemporain malaisien ne cesse de se réinventer et s’attache de plus en plus à dépasser les frontières culturelles, ethniques et religieuses du pays pour promouvoir l’harmonie entre les différentes populations. Pour l’admirer, on recommande le Musée national des Arts visuels (Balai Seni Visual Negara) de Kuala Lumpur. On y retrouve toute la variété artistique qui traverse le pays depuis l'indépendance : calligraphie, pop art, peinture sur textile, etc.

La photographie, une pratique en développement

La photographie est introduite en Malaisie en 1864 par deux Occidentaux, K. Feiberg et E. Ferman Sachtler. Les premiers studios photographiques sont alors créés à Penang, les portraits de famille connaissant notamment un fort succès. Ces images donnent aujourd’hui un aperçu de la vie à l’époque coloniale. La fusion entre des codes occidentaux et la tradition du portrait chinois, très importante dans les familles confucianistes, ont donné naissance à un style pictural singulier. À partir des années 1980, de nombreux changements surviennent, vers une valorisation de la subjectivité et de la liberté du photographe. Aujourd’hui, le genre est considéré comme une discipline artistique à part entière, comme en témoignent les travaux d’artistes renommés internationalement, comme Sanjit Das, qui documente avec habileté la vie des peuples d’Asie du Sud-est, ou encore Yee I-Lann qui explore les récits historiques et les mythes locaux.

Le street art, un art de mieux en mieux accepté

D’abord vu comme un « art délinquant » le street art se développe depuis quelques années en Malaisie et sa popularité ne cesse de croître. Les fresques colorées sont même perçues comme un moyen de revitaliser les quartiers délaissés, qui attirent de nombreux talents locaux ou étrangers. Aujourd’hui, nombreux sont les lieux où l’on peut admirer ces peintures murales, de Kuala Lumpur à Kuching. Ce sont les rues du district de l’État de Penang qui sont les plus réputées en la matière, arborant des images gigantesques : trompe-l’œil, effets 3D, illusions d’optique… l’interactivité est de mise. Une des fresques les plus populaires est celle de Uncle Roti, peinte en l’honneur d’un boulanger local très apprécié, sur commande de la National Art Gallery et du Département de la culture et des arts. Elle se trouve dans le quartier de Georgetown, comme la grande majorité de ces pépites murales. Pour les plus intéressés, ce site internet répertorie la plupart des fresques de la région : www.penang-traveltips.com/penang-street-art.htm

Singapour se défend elle aussi très bien en termes de street art. On recommande tout particulièrement la Aliwal Street, tout près du Aliwal Art Center. Les murs ont été peints avec talent par l'artiste singapourien Slacsatu à l’occasion du Aliwal Urban Art Festival de 2019. C’est aussi l’occasion de se promener dans un quartier malais musulman à l’histoire passionnante. En plus de ses peintures murales, Singapour est aussi dotée de nombreuses sculptures et installations en plein air, de quoi passer des journées entières à apprécier l’art contemporain tout en profitant de l’extérieur ! Par exemple, en bas de la Tekka Lane, on trouve à côté d’une immense fresque réalisée par Psyfool la maison kaléidoscopique de Tan Teng Niah. Restez attentif en descendant vers le Indian Heritage Center, vous trouverez encore d’autres merveilles sur votre chemin ! QG des étudiants en art de Singapour, le quartier Bugis-Bras Basah regorge lui aussi de peintures murales, et présente également, entre la station MRT Bencoolen et l’Académie des beaux-arts de Nanyang, des bancs originaux en forme de petites maisons conçus par d’anciens élèves.