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Aux origines

Classé au patrimoine mondial de l’Unesco, le site de Twyfelfontein abrite l’une des plus importantes concentrations de peintures et gravures rupestres au monde. Entre représentations d’animaux sauvages, empreintes de pas et figures humaines peintes à l’ocre rouge, le site témoigne de la richesse des pratiques rituelles des premiers peuples de Namibie, dont la présence est attestée dès l’âge de pierre. Ces chefs-d’œuvre d’art rupestre ont été réalisés par les San, également appelés « Bushmen » ou « hommes des buissons », les plus anciens habitants de ces terres d’Afrique australe. Nomades, les San ont développé un habitat singulier : la hutte d’herbe. De forme circulaire possédant le plus souvent un toit en dôme, ces huttes varient en taille, mais les plus élaborées se caractérisent par une toiture d’herbe et de roseau, descendant quasiment jusqu’en bas de la structure, et étant supportée par un cadre de fins branchages. Les San disposent souvent de plusieurs petites huttes dévolues à différentes fonctions (cuisine, couchage…). Une clôture en roseau protège ces petits campements de la faune sauvage. On retrouve cette idée de protection chez les Ovambo qui ceignent leurs villages de clôtures aux allures de palissades réalisées avec de grands poteaux de roseau. Là encore, chaque hutte possède une fonction précise. De forme circulaire, ces huttes sont réalisées en briques de terre recouvertes de torchis, tandis qu’une charpente en bois supporte un toit conique. Dans certains villages, ces huttes traditionnelles côtoient également de nouvelles constructions en ciment et en tôle ondulée. L’espace phare du village est le kraal ou enclos à bétail. C’est également le cas dans les villages himba où toutes les huttes sont disposées en rond autour du kraal, symbole de richesse et de prospérité. Chez les Himba, ce sont les femmes qui s’occupent de la construction des maisons que l’on reconnaît à leur toit conique. Le plus souvent de chaume, on lui ajoute souvent des éléments plus modernes, telles des bâches plastiques, afin d’en améliorer l’étanchéité. Le toit est supporté par une structure en bois, tandis que les murs sont réalisés dans un torchis mêlant sable, boue et fumier. Des exemples de cet habitat sont à voir dans le village de Kamanjab ou dans le nord-ouest du pays dans l’ancien Kaokoland. Les Nama, eux, ont développé un habitat aux allures de ruches, témoignant là encore des propriétés architectoniques des matériaux locaux. Le cadre de ces huttes est en bois courbé à la main, tandis que le revêtement est réalisé en nattes de roseaux tressés. Le roseau est réputé pour ses propriétés isolantes et absorbantes, ce qui en fait un allié de choix dans ces contrées au climat hostile. C’est cette architecture vernaculaire séculaire qui fait l’identité du pays. Certains l’ont bien compris et développent des initiatives permettant de la découvrir, à l’image du musée en plein air de Tsumeb qui offre un large panorama de l’habitat autochtone, ou bien encore de l’Ongula Village Homestead Lodge. Créé en 2011, ce dernier se donne pour mission d’initier les touristes au mode de vie ovambo. Vous apprécierez sans aucun doute ses huttes colorées au confort… très moderne !

Héritage colonial

L’impact de la présence allemande en Namibie est inversement proportionnel à sa durée. En trente ans à peine, les Allemands ont durablement marqué le pays, surtout en matière architecturale. D’abord protectorat, puis colonie, la Namibie était la figure de proue de la Deutsch-Südwestafrika, ce petit empire du bout du monde où colons et missionnaires affluèrent dès 1890. Les Allemands souhaitaient transposer leur art de vivre germanique en terre africaine… voilà qui explique pourquoi bon nombre de maisons et d’édifices avaient été préfabriqués en Allemagne et transportés ensuite en Namibie, à l’image de l’église luthérienne de Walvis Bay, construite à Hambourg. Ces églises sont les grands symboles de la présence coloniale et l’on comprend dès lors leur position au cœur des villes, ou au contraire leur position plus isolée, généralement sur des promontoires rocheux, surplombant les zones urbaines, tels des remparts de la foi. On remarquera la couleur claire de leurs murs, rehaussée par le blanc des cadres, portes et fenêtres, mais aussi leurs hauts pignons et leur très grande sobriété générale. La plus représentative de ce style est l’église Felsenkirche de Lüderitz. Portant le nom de son fondateur, Adolf Lüderitz, la ville est un condensé d’architecture germanique. Vous y découvrirez des villas cossues à plusieurs étages, souvent à colombages, aux murs à hauts pignons, teintés de blanc ou de couleurs claires rehaussées par une toiture rouge, et dont les façades s’ornent souvent de bow-windows et de balcons aux allures de loggias. En centre-ville, les rues ensablées (seule la rue principale est goudronnée !) sont bordées de maisons de plain-pied ou à un étage, souvent de couleurs vives, et dont l’alignement offre un étonnant de jeux de perspective entre pignons aigus et arrondis. Certains de ces édifices mêlent lignes baroques, classiques et même Jugendstil, l’Art nouveau allemand. Un charme désuet et tout à fait insolite que l’on retrouve à Swakopmund avec son Hohenzollern Building aux atours baroques, sa longue jetée en bois, ses maisons de bord de mer à colombages et ses alignements de maisons colorées. Le patrimoine minier est aussi un témoin de cette colonisation. Tsumeb est l’une des plus importantes villes minières du pays… mais c’est la ville fantôme de Kolmanskop qui en est la plus insolite représentante. Entièrement envahie par le sable, cette ville était en 1908 l’une des plus prospères et modernes : usines, commerces, hôpital, centrale électrique et même théâtre et casino… une petite Allemagne industrielle au cœur de l’Afrique ! La ville de Windhoek possède également d’étonnants témoins de cette colonisation, notamment deux exemples d’églises catholiques aux styles résolument européens. Toute en briques, Christ Church se fait néogothique, tandis que la cathédrale Sainte-Marie se tourne vers le néoroman. La ville abrite également le Tintenpalast, ancienne résidence du gouverneur, qui était autrefois entourée de superbes jardins. Ces derniers étaient clairement un symbole de richesse et de prospérité dans un pays en grande partie désertique. L’ancienne maison Liebig de Windhoek, rebaptisée « la maison fantôme », était à l’époque entourée de vastes jardins agrémentés de fontaines… mais aujourd’hui ces murs richement peints ont fait place aux graffitis. Il faut dire que la relation à ce patrimoine est des plus complexes. En 1948, une Commission des monuments du Sud-Est africain est créée, seulement la plupart de ses membres étaient d’anciens colons allemands… qui choisirent de classer principalement des édifices allemands, rendant ainsi difficile l’appropriation de son passé et de son histoire par le peuple namibien ; d’autant que la population germanophone est encore très présente et active. La polémique sur le déplacement de la statue équestre ou Reiterdenkmal de Windhoek glorifiant les premiers colons allemands l’illustre bien. Après les Allemands, ce fut au tour des Sud-Africains d’imposer leurs normes, en particulier celle de l’apartheid et de son urbanisme ségrégationniste. Les townships du pays sont les héritiers de cette politique de séparation entre les peuples. Décrit comme un quartier coloré et animé, le township de Katutura n’est pourtant que fort peu apprécié des habitants, son nom signifie d’ailleurs « lieu où l’on ne veut pas habiter ». C’est ainsi que les Herero le surnommèrent dans les années 1960. Jusque-là, les différentes ethnies vivaient en relative bonne entente dans la partie de la ville baptisée Old Location, puis on les obligea à bouger dans ce nouveau quartier où elles devaient louer des maisons dont elles ne pourraient jamais être propriétaires. Katutura était destiné aux populations noires, Khomasdal était réservé aux métis, tandis que le centre-ville de Windhoek était réservé aux blancs. Malgré la fin de l’apartheid, ces séparations subsistent encore largement.

Architecture contemporaine

Depuis la fin de l’apartheid, les villes namibiennes sont soumises à une pression démographique toujours plus forte. Ce phénomène a entraîné la multiplication de bidonvilles et zones d’habitat précaires, amas anarchiques de tôle, en périphérie des villes. En parallèle, les centres urbains continuent de se développer, à grand renfort d’immeubles de bureaux et d’habitations de verre et de béton. Cependant, à la différence des autres pays africains, la Namibie n’est pas (encore) entrée dans la course à la hauteur et ne possède pas de gratte-ciel redessinant la skyline de ses villes. En revanche, le pays possède des mémoriaux pour le moins insolites. Obélisques, statues monumentales, places pensées pour des défilés, édifices gouvernementaux ou militaires surmontés d’aigles ou de figures héroïques brandissant fièrement des kalachnikovs… cette imagerie très soviétique intrigue. C’est à la Corée du Nord qu’on la doit. Cette dernière a financé bon nombre de projets en Namibie, usant et abusant d’une architecture de propagande que l’on retrouve notamment dans le monument à la Gloire des héros de l’indépendance ou même dans le nouveau musée de l’Indépendance, construit en 2014. Une architecture dont la finalité serait de financer le programme d’armement de la Corée du Nord… L’ONU a multiplié les visites en Namibie pour clarifier la situation, mais cette relation continue d’embarrasser le pays. Fort heureusement, de nouveaux projets montrent l’autre visage de la Namibie, celui d’un pays fier de son héritage et de ses savoir-faire et qui se tourne vers une architecture pensée comme un trait d’union entre tradition et innovation. Le centre des visiteurs de Twyfelfontein a reçu le Global Award de l’Architecture durable en 2018 pour sa structure inspirée de l’architecture vernaculaire s’intégrant harmonieusement à l’environnement. Un souci que l’on retrouve dans les nombreux lodges du pays, à l’image du Game Lodge avec ses sols en ciment, ses murs en plâtre et sable rouge naturel et ses grandes baies vitrées s’ouvrant sur la nature environnante, ou comme le Kalahari Anib Lodge dont la décoration fait la part belle aux savoir-faire locaux, celui des tisserands notamment, que l’on retrouve dans des rideaux et tentures réalisés en laine de moutons karakul, par exemple. Mais le plus étonnant de ces lodges est sans conteste le Beyond Sossusvlei Desert Lodge. Les lignes géométriques de ses pavillons et de son bâtiment principal, tout de verre, roche et acier, contrastent harmonieusement avec les reliefs du désert environnant. L’objectif affiché est de minimiser l’impact de l’hôtel sur l’environnement, tout en développant des sources d’énergies durables. Une réussite écologique et esthétique… qui en inspirera sans doute d’autres !