Le rendez-vous manqué du renouveau politique

L’élection présidentielle de 2023 au Nigeria a suscité un véritable espoir de renouveau démocratique après les deux mandats de Muhammadu Buhari, marqués par une économie en berne, une insécurité persistante et une gouvernance critiquée pour son inefficacité. De nombreux Nigérians, notamment les jeunes et les classes urbaines, aspiraient à un changement profond du système politique. L’émergence de Peter Obi, candidat du Parti travailliste (Labour Party), a cristallisé ces attentes. Porté par une dynamique citoyenne inédite, notamment sur les réseaux sociaux, il a incarné un espoir d’alternance face aux partis traditionnels (APC et PDP) jugés corrompus et usés.

Cependant, les résultats officiels ont déçu : Bola Ahmed Tinubu, candidat du parti sortant (APC), a été déclaré vainqueur dans un climat de forte suspicion. Né en 1952, Tinubu est un ancien gouverneur de Lagos (1999-2007) et une figure influente de l’APC, le même parti que Muhammadu Buhari. Considéré comme un « faiseur de rois » de la politique nigériane, son parcours est marqué par des accusations controversées de blanchiment d’argent, sans condamnation définitive, ce qui alimente les critiques à son égard. De nombreuses irrégularités ont été dénoncées : problèmes de transmission électronique des résultats, soupçons de fraude, violences dans certains bureaux de vote. Ces dysfonctionnements ont encore décridibilisé le processus électoral aux yeux d’une large part de la population. La Cour suprême a validé les résultats, mais sans apaiser les tensions. Le sentiment dominant reste celui d’un rendez-vous manqué avec le changement, renforçant la défiance envers les élites politiques et les institutions démocratiques.

Parallèlement aux institutions modernes issues de la décolonisation, cohabitent des structures traditionnelles toujours très influentes. Ainsi, les émirats du Nord, avec des figures telles que l’émir de Kano, les rois Obas dans les régions yoruba, comme l’oba de Lagos ou d’Ifé, ainsi que les chefs Igwe dans le Sud-Est, continuent d’exercer un rôle central dans la vie sociale et politique locale. Ces autorités traditionnelles interviennent dans la gestion des conflits, la médiation communautaire et la préservation des coutumes. Elles disposent d’une capacité d’influence notable lors des élections, mobilisant les populations locales et jouant souvent un rôle décisif dans l’orientation des votes, renforçant ainsi leur poids au sein du système politique nigérian.

La corruption, un fléau systémique

La corruption reste l’un des maux structurels les plus enracinés au Nigeria, affectant tous les niveaux de gouvernance. En 2023, le pays se classait 145e sur 180 pays selon l’indice de perception de la corruption de Transparency International, avec un score de 24/100, bien en dessous de la moyenne mondiale. Malgré les discours officiels de lutte contre la corruption, les affaires de détournements de fonds publics restent fréquentes. Par exemple, un rapport de la Commission indépendante de lutte contre la corruption (ICPC) a révélé qu’en 2022, plus de 400 milliards de nairas (environ 900 millions d’euros) de fonds publics avaient été détournés ou mal alloués. La corruption prend diverses formes : pots-de-vin dans les marchés publics, emploi fictif dans la fonction publique, détournement de subventions, ou encore enrichissement illicite de responsables politiques. Elle sape non seulement la confiance des citoyens dans les institutions, mais freine également le développement du pays, en détournant des ressources cruciales pour l’éducation, la santé ou les infrastructures.

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Les défis d'une économie en quête de renouveau

Après les fortes croissances économiques des années 2000, avec des taux supérieurs à 6 % par an, le Nigeria a connu une période de stagnation sous la présidence Buhari (2015-2023), avec une croissance moyenne annuelle d’environ 2 % entre 2016 et 2022, marquée par une récession en 2020 liée à la pandémie et à la chute des prix du pétrole. Cette performance faible s’explique par la forte dépendance du pays aux importations, aggravée par la faiblesse de la production locale. En 2023, le gouvernement a supprimé les subventions sur le carburant, jusque-là maintenu artificiellement à 180 NGN (environ 0,35 EUR) le litre, ce qui coûtait à l’État près de 10 milliards USD par an. Cette mesure a provoqué une flambée des prix à la pompe, une inflation élevée (près de 22 % en 2023) et une forte baisse du pouvoir d’achat, alimentant tensions sociales et précarisation des ménages.

La monnaie nationale, le naira, a connu une instabilité importante : la mise en place d’un taux de change flottant en juin 2023 a conduit à une dépréciation spectaculaire, passant de 450 NGN pour 1 EUR à cette date à plus de 1800 NGN en juin 2025, avant une stabilisation récente. Cette réforme a permis de réduire l’écart entre le taux officiel et le taux parallèle, historiquement source de confusion et d’arbitrages coûteux.

Parallèlement, le chômage reste massif, notamment chez les jeunes diplômés, avec un taux national estimé à 33 % en 2024, tandis que la pauvreté touche désormais plus de 50 % de la population. L’économie nigériane souffre d’un manque criant de recettes publiques, qui freine les investissements dans les infrastructures et les services essentiels : le réseau électrique est très défaillant, poussant entreprises et ménages à utiliser près de 60 millions de générateurs individuels ou collectifs. En dehors des grands centres urbains, les infrastructures de transport sont elles aussi insuffisantes, faute d’investissement durable.

Face à ces défis, le président Bola Tinubu a lancé des réformes économiques visant à libéraliser l’économie et attirer les investisseurs étrangers. Si la politique est ambitieuse, ses effets restent incertains à court terme, dans un contexte mondial complexe et de fragilité interne persistante.

Partie sur un Etat défaillant qui ne réponds pas au besoin de la population (santé, éducation, sécurité) et donc population s'organise par elle-même (donner des exemple)

Toutefois, une dynamique prometteuse se dessine avec le développement rapide du secteur des industries culturelles et créatives (ICC) ainsi que du numérique, notamment dans les technologies financières (fintech), le divertissement (musique, cinéma, jeux vidéo) et les startups technologiques. Ces secteurs dynamiques contribuent déjà à diversifier l’économie nigériane, créer des emplois et attirer des investissements internationaux, offrant des perspectives positives pour une croissance plus inclusive et moins dépendante des ressources naturelles.

Une économie fortement dépendante du pétrole

Depuis la découverte de pétrole en 1956, le secteur pétrolier est central dans l’économie nigériane. Les réserves prouvées sont estimées à 37 milliards de barils ce qui en fait les … réserves mondiale. En comparaison de son poids dans l’économie, l’industrie pétrolière est faiblement intensive en main d’œuvre et emploierait directement moins de 100 000 personnes dans le pays.

En 2024, le Nigeria reste le premier producteur africain, avec une capacité maximale de 2,5 Mb/j, même si la production réelle est bien inférieure à ce potentiel. Le pétrole représente près de 6% du PIB et constitue le premier poste d'exportation (…. Md en 2024) et contribue à hauteur de 25% au recette de l'Etat. La production nationale, à 1,38 bpj en 2024 reste bien en-dessous du quota de OPEP en raison de insécurité dans le Delta du Niger et de la dégradation des infrastructure, le vol de brut (estimé à plus de 400 000 b/j.

Bien que producteur de brut, le Nigeria importait encore en 2023 plus de 90 % de ses carburants, en raison de l’arrêt quasi complet de ses raffineries publiques. Cela représentait près de 20 milliards USD d’importations, avec un lourd impact budgétaire avant la suppression des subventions en mai 2023. La situation a commencé à évoluer en 2024 avec la mise en service progressive de la raffinerie Dangote, la plus grande d’Afrique, d’une capacité théorique de 650 000 barils/jour. Elle fournit désormais la majorité du carburant consommé au Nigeria, bien qu’elle ne tourne pas encore à pleine capacité. En février 2025, elle fonctionnait à environ 85 % de son potentiel, avec un objectif d’atteindre 100 % courant 2025. Faute d’une production nationale suffisante, la raffinerie a néanmoins dû s’approvisionner en pétrole brut importé, notamment des États-Unis, pour assurer sa montée en charge. À terme, elle pourrait non seulement satisfaire la demande intérieure (33 millions de litres par jour), mais aussi faire du Nigeria un exportateur net de produits raffinés, avec un impact positif sur la croissance, la balance commerciale et les réserves de change.