Gare de Maputo © William Cushman - Shutterstock.com.jpg
Villa Algarve © michael nicolai - Shutterstock.com .jpg
Habitations traditionnelles © Pascal RATEAU - Shutterstock.com.jpg

L’île de Mozambique, l'héritage colonial portugais

Les plus anciens témoins architecturaux du Mozambique se trouvent sur l’île du même nom, classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1991 pour la qualité de son unité architecturale coloniale liée à l’utilisation permanente pendant cinq siècles des mêmes techniques et matériaux de construction. L’île abrite notamment une étonnante cité fortifiée, ancien comptoir de commerce que les Portugais instaurèrent au début du XVIe siècle et qui fut le siège du gouvernement colonial jusqu’en 1898. Là, vous pourrez admirer la forteresse Saint-Sébastien qui sut résister aux attaques des pirates et autres ennemis de la couronne. Remarquez ses puissants bastions, notamment São Gabriel et Santa Barbara. Joyau de l’architecture militaire, la forteresse présente deux faces distinctes, celle donnant sur la mer, puissante et imprenable, et celle donnant sur la terre à laquelle mène un très beau chemin de pierre. À l’intérieur, ne manquez pas la chapelle Notre-Dame-du-Bastion, chef-d’œuvre de l’art manuélin, style caractérisé par l’abondance décorative mêlant motifs maures, médiévaux et chrétiens, et évocations de la mer et de la nature. Une fois la forteresse visitée, lancez-vous à la découverte de la ville de pierre dans la partie nord de l’île. Ses habitations de pierre et de chaux sont un superbe mélange d’influences swahili, arabe et indo-portugaise, avec des portes sculptées magnifiques.

Triomphe du modernisme et de l'Art déco

La plupart des édifices qu’il est possible d’admirer aujourd’hui dans les grandes villes du Mozambique ont été essentiellement construits aux XIXe et XXe siècles. En 1892, Maputo, la capitale, se voit dotée d’un étrange édifice : la Casa de Ferro, la maison de Fer. La bâtisse tire son nom du fait qu’elle est entièrement composée de plaques d’acier. Imaginez donc la température qu’il peut y régner lors des fortes chaleurs de l’été… et tous les moustiques qu'elle attirait ! Voilà pourquoi cette dernière ne fut jamais habitée. Pensé par Gustave Eiffel, qui tentait de développer des techniques d’habitations préfabriquées, celui-ci ne connaissait pas le climat de chaleur humide extrême du Mozambique non adapté à sa spécialité de construction : le fer. C'est aussi à Gustave Eiffel que l’on doit les plans de la gare de Maputo, considérée comme l’une des plus belles du monde. Construite entre 1895 et 1910, elle est un chef-d’œuvre de modernité et un superbe mélange de styles, mêlant les apports des courants historicistes et de l’Art nouveau. Admirez donc son plafond orné de superbes décorations en fer forgé et soutenu de colonnes savamment taillées et décorées, sans oublier ses portes en bois sculpté et ses superbes azulejos. À Maputo toujours, un bâtiment fait aujourd’hui débat : la Villa Algarve, très bel exemple d’architecture historiciste avec ses azulejos aux motifs naturalistes. Longtemps siège de la police secrète et donc symbole d’oppression pour les Mozambicains, elle est aujourd’hui laissée à l’abandon, alors que certains souhaiteraient la transformer en musée sur l’histoire coloniale. À Inhambane, vous pourrez loger dans de superbes édifices Art déco aux belles couleurs pastel.
Mais le courant qui a le plus marqué le Mozambique, et Maputo surtout, c'est le modernisme. Le grand représentant de ce courant fut l’architecte et artiste portugais Pancho Guedes qui construisit près de cinq cents édifices au Mozambique. S’il développa les thèmes phares du modernisme, à commencer par l’individualité de la fonction et le brutalisme dans l’usage des matériaux, il n’oublia jamais d’intégrer à toutes ses réalisations les traditions et cultures qui font l’identité africaine. De même, loin des formes géométriques austères de certains édifices modernistes, il incorpora à ses édifices des courbes et autres formes fluides qu’il utilisa également dans ses peintures. Pour Guedes, l’architecture devait être vivante, presque animale, et créer ainsi une émotion immédiate. De même, pour lui, l’architecture devait se penser comme une œuvre artistique totale. Il travailla ainsi avec de nombreux artisans locaux qu’il forma lui-même. En cela, il se rapprochait finalement plus des conceptions architecturales de l’Art nouveau que du courant moderniste. Parmi ses plus belles réalisations, notons l’étonnant hôtel de Bilene dont les jeux de gonflement de formes rappellent les œuvres de Gaudí, la Casa das Três Girafas avec ses trois cheminées aux allures de girafes, ou bien encore Saipal, la coopérative des boulangers de Maputo, en forme de pains portugais géants, et le Dragon Building. L’autre chef-d’œuvre du modernisme à ne surtout pas manquer est l’incroyable église Santo António da Paloma à Maputo, imaginée par Nuno Craveiro, et qui revêt la forme d’un… presse-citron ! Cette église est considérée comme l’un des sanctuaires du brutalisme. On ne peut qu'admirer sur la place de l'Indépendance de la capitale la magnifique cathédrale de Maputo, bijou d'Art déco tardif imaginé par un ingénieur civil, Marcial de Freitas e Costa, qui érige ses flèches pointues vers le ciel, dans son habit blanc immaculé. Ne manquez pas aussi les lignes Art déco des deux cinémas d'époque Ciné Africa et Scala Cinema.
Enfin, les plus curieux pourront se rendre au Grande Hotel de la ville de Beira, aujourd’hui en ruines et transformé en un étonnant bidonville. Conçu par l’architecte Francisco Castro, l’hôtel disposait d’une piscine olympique, d’un cinéma, d’une salle de bal fastueuse qui en faisait un monumental phare du modernisme des années 1960. Aujourd’hui, son abandon permet ironiquement de rendre le bâtiment à sa pure expression, soulignant la radicalité de sa structure en béton. Cette ville dans la ville possède une église, une mosquée, une école et des jardins potagers, les fameux machambas, qui ont élu domicile dans les fissures de béton.

De la maison traditionnelle aux écolodges

À côté des vestiges coloniaux et des témoins modernistes, l’architecture mozambicaine fait également la part belle à la maison traditionnelle. Les plus beaux témoins de cette architecture vernaculaire se trouvent sur l’île de Mozambique, au sud plus exactement, dans ce que l’on appelle le quartier Macuti, du nom de la technique utilisée pour construire ces habitations reconnaissables à leur toit en feuilles de palmier. Les feuilles sont liées autour d’un bâton, formant ainsi une tuile qui sera ensuite attachée au squelette de la charpente réalisé en bois de bambou et de mangrove. Si aujourd’hui on voit fleurir des maisons aux murs de béton, la plupart des habitations possèdent des murs de pierres et de chaux. Certaines maisons sont peintes et possèdent des fenêtres décorées et sculptées. Dans les villages, les habitations prennent la forme de huttes circulaires, ou plus rarement rectangulaires. La forme conique s’explique par la présence d’une colonne centrale soutenant l’ensemble de l’édifice qui ne dispose sinon d’aucune cloison intérieure. En revanche, un léger espace est laissé libre entre le mur et le toit pour faciliter la ventilation. Originellement, les murs étaient réalisés dans un mélange de boue, de roseau et d’argile, particulièrement résistant aux conditions climatiques. Les toits, eux, étaient là encore réalisés en feuilles de palmier. Aujourd’hui briques et tôles ondulées tendent à remplacer les matériaux naturels. Quant aux habitations, elles délaissent la conception rurale de la maison abritant la famille élargie, pour se transformer en maisons classiques. La hutte traditionnelle à la ventilation naturelle, intéressante à l'heure d'un retour aux énergies vertes, a également très largement inspiré les écolodges qui se développent un peu partout dans le pays et qui se donnent pour mission de limiter leur impact sur l’environnement, préserver la faune et la flore et privilégier l’économie locale. C’est le cas notamment au Nuarro Ecolodge, non loin de la ville côtière d’Inharrime, dont les huttes s’intègrent si bien à la végétation de la dune qu’elles en deviennent presque invisibles.

Projets d’avenir

Comme partout dans le monde et spécialement en Afrique où les grandes villes connaissent un boom démographique, il existe un exode rural de classes pauvres qui espèrent trouver une vie meilleure à la ville, face à la dureré des travaux des champs. Une pression urbanistique qui traduit l’étonnante croissance économique que connaît le pays. Seulement la plupart de ses villes n’ont ni les moyens ni la force de s’adapter à une telle pression. Aujourd’hui, la plupart des habitants venu des campagnes résident dans des bidonvilles, où se multiplient les habitations précaires sans accès à l'eau courante et à l'électricité. Pour tenter de gérer stratégiquement cette urbanisation massive, l’État s’est associé à des ONG et à la population pour imaginer une ville plus facile à vivre. Le gouvernement a ainsi distribué des lots de terre pour que chaque habitant puisse y construire son logement. Une initiative applaudie par l'ONU. De même, de nombreux projets architecturaux se basent sur le modèle de la maison traditionnelle pour imaginer des logements à loyers modérés améliorant sensiblement les conditions de vie des habitants grâce à des constructions plus grandes, s’élevant sur deux étages, et surtout plus lumineuses et naturellement ventilées en cas de fortes chaleurs. Mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. En parallèle, au cœur de Maputo, se développent quelques gratte-ciel et résidences de luxe devant attirer les touristes et hommes d’affaires, notamment les deux plus hautes tours du pays, la Banque du Mozambique (130 m) et la Predio 33 Andares (119 m). À côté de cette architecture capitaliste formatée, certains font le choix de la sobriété. C’est le cas des architectes de l’agence néerlandaise Kaan, à qui l’on doit la très belle ambassade des Pays-Bas à Maputo. L’édifice a été conçu comme un monolithe de béton dont une partie a été ôtée pour laisser la place à un jardin ouvert entouré de colonnes lumineuses et dont les arbres foisonnants génèrent un toit naturel dans un souci de développement durable. En dehors des villes, un défi d’un autre genre apparaît : celui de protéger l’habitat face aux contraintes climatiques (cyclones récurrents et inondations notamment) et aux pressions économiques (multiplication de carrières d’extraction de sable menaçant de nombreux villages côtiers…). Entre respect de la tradition et ouverture sur la modernité, le Mozambique doit trouver le juste équilibre pour se réinventer.