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Émergence de la peinture

La peinture d’icônes religieuses compte parmi les arts les plus anciens de la Bosnie-Herzégovine. Peintes sur des panneaux de bois, elles sont destinées aux églises orthodoxes, nombreuses dans ces régions.

La création d’images sacrées apparaît dans la culture gréco-byzantine. Les canons stylistiques de l’icône perdurent de longs siècles dans le monde chrétien. L’icône est largement diffusée dans les Balkans. Héritière de l’art de la mosaïque, ces peintures en reprennent les caractéristiques : les figures de face, représentées par à-plat, les drapés raides, le naturalisme et la palette riche.

Lieu de culte depuis le VIe siècle, l'église des archanges-Michel-et-Gabriel à Sarajevo abrite une iconostase (vaste mur d’icônes) en excellent état de conservation.

Temps modernes

La Bosnie, pourtant enclavée, reçoit tous les courants européens. Pour suivre l’apparition de l’identité culturelle nationale, la Galerie nationale de Bosnie-Herzégovine à Sarajevo présente, en exposition permanente, trois siècles de peinture en Bosnie. Le Musée d’art contemporain de la République serbe à Banja Luka se concentre sur les premiers maîtres contemporains.

Gabriel Jurkić (1886-1974) est le plus important représentant du courant Art moderne. Né à Livno, Gabriel Jurkić étudie la peinture à Zagreb puis à Vienne. Il peint très tôt selon un procédé pointilliste, inspiré de la doctrine de Georges Seurat. Au cours de sa carrière, il s’essaie à tous les genres, du portrait au paysage monumental, et tend de plus en plus vers l'impressionnisme, en particulier l'impressionnisme allemand. A voir, ses toiles des années 1920 : Sous un parasol (1919), Le Retour du troupeau (1920), et une série de motifs sur la Neretva et le littoral adriatique (certaines sont visibles à Sarajevo). On peut admirer son travail au Musée Franciscain et Galerie Gorica situé dans le monastère de Gorica où l’artiste vécut les dix-huit dernières années de sa vie. Différentes facettes de son travail y sont présentées, dont ses paysages hivernaux.

Les moines ont ici réuni une formidable collection d’art contemporain, nettement plus intéressante que la galerie des tableaux du XIXe siècle.

L’influence de Cézanne

Précurseur du cubisme et de l’art postimpressionniste, le Français Paul Cézanne exerce une forte influence sur l’avant-garde bosnienne.

Petar Tiješić (1888-1978), contemporain de Gabriel Jurkić, est un des fondateurs de la peinture contemporaine bosnienne, influencé par Cézanne. Le travail sur la couleur est une marque importante de cet artiste impressionniste par ailleurs très prolifique. Chercheur insatiable, il s'oriente ensuite vers le cubisme selon les motifs et l'on trouve dans la plupart de ses toiles des influences diverses mais souvent françaises et parisiennes. Ce qui ne l'empêche pas d'être considéré, pour ses paysages, comme LE peintre de la Bosnie, dont il restitue la lumière comme nul autre.

De même, Roman Petrović (1896-1947) est un admirateur de Cézanne. Peintre de l'avant-garde, il marque la vie artistique de l’entre-deux guerres. L’Association des Artistes de Bosnie-Herzégovine donne son nom à sa galerie, ouverte en 1980. La Galerija Roman Petrović à Sarajevo reste un haut-lieu d’exposition d’art contemporain et de photographie.

Le solitaire Behaudin Selmanović (1915-1971) connaît lui aussi une période inspirée par Cézanne. Par la suite, il s’oriente vers un art réaliste aux couleurs expressives.

L'une des rares femmes peintres de cette période, Mica Todorović (1900-1981) s’inspire aussi de Cézanne. Dans les années 1930, sa peinture est engagée socialement. Lui succède une période intimiste puis réaliste. Puis, influencée par le parti communiste yougoslave, elle fonde le Collegium Artisticum, lieu d'exposition toujours actif à Sarajevo. Son parcours est plus militant que la plupart des autres peintres, et ses toiles, souvent plus urbaines.

L’expressionnisme de Lazar Drljaca

Comme beaucoup de ses contemporains, Lazar Drljaca (1882-1970) s’inscrit à l’école des Beaux-Arts de Vienne. Dès 1911, il est convié à exposer à l’Exposition internationale de Rome. La même année, il s’installe à Paris et recopie les œuvres des grands maîtres au Louvre.

A son retour, en 1914, il abandonne temporairement la peinture pour voyager. Dans les années 1930, il participe à plusieurs expositions à Mostar ; l’inspiration est revenue. Mais un drame survient en 1943 : un incendie détruit un grand nombre de ses dessins et tableaux. Accablé, sa santé déjà fragile se détériore. Il demeure une vingtaine d’années dans la montagne qu’il ne quitte que pour raisons de santé, en 1959. Ce faisant, il exerce une variété de métiers manuels. L’année 1962 marque sa consécration avec l’exposition individuelle organisée à Mostar pour fêter ses 80 ans. Connu pour son tempérament acariâtre, il tente de s’opposer à l’événement. Il estime ne rien avoir à montrer. Pourtant, son œuvre puissante et variée l’impose comme une figure de l’art bosnien.

Peintres engagés

Vojo Dimitrijević (1910-1980) est l’inclassable de la peinture bosnienne, car influencé par aucune école. Né à Sarajevo, cet avant-gardiste se démarque par un engagement social et antifasciste très fort. C'est naturellement qu'il se rapproche de l'expressionnisme allemand. Après-guerre, il peint les réalités objectives de manière expressionniste puis, après être passé par le style monumental et héroïque (le communisme sans doute), il s’oriente vers le fauvisme que tout le monde a délaissé. Ses toiles sont alors très complexes et symboliques.

Les thèmes sociaux sont également au cœur de la démarche de Daniel Ozmo (1912-1942), peintre de confession juive né à Olovo. A Belgrade, où il poursuit ses études, Ozmo rejoint le parti de la jeunesse communiste. Ozmo s’attache à représenter la vie rurale et le quotidien de la classe ouvrière. Déporté dans le camp de concentration de Jasenovac, l’artiste y dirige un atelier « céramique » qui produit des œuvres de propagande. Il sera exécuté en 1942.

Parmi les peintres politiquement engagés, Mario Mikulić (1924-1991) est aussi caricaturiste. Spécialiste du portrait, il devient quasiment un peintre officiel communiste puisqu'il peint Tito.

Sculpture

La sculpture contemporaine de Bosnie-Herzégovine est représentée par 3 grands noms.

Arfan Hozić (1928-1991). Tour à tour professeur d'arts appliqués et directeur de la Galerie d'art nationale de Bosnie-Herzégovine, il se distingue par des œuvres davantage inspirées par la peinture. Du réalisme social à l'avant-garde, il devint un artiste du " milieu " en revenant au pays après ses études à Belgrade. Il commence par travailler le bois, façonnant des nus polis avant d’adopter la pierre. Ses références sont alors Rodin et Maillol. Il réalise ensuite des portraits imaginaires et des œuvres monumentales. Prolifique, il est comparé à Giacometti pour ses bronzes puis à Brancusi pour ses pierres artificielles. On lui doit notamment le monument de Smetovi, près de Zenica (Bosnie Centrale).

Son contemporain Boško Kućanski (1931-2016), originaire de Krbavica en Croatie, poursuit une longue carrière. Il produit plus de 3 000 sculptures, dessins et peintures au cours de sa vie. Ce touche-à-tout étudie la médecine, les beaux-arts et la philosophie avant de visiter l'Europe et les Etats-Unis. Son parcours inhabituel, à l'époque du réalisme socialiste, lui permet dès le début de trouver son propre chemin en détruisant et transformant les formes pour aboutir à une sculpture moderne unique. Il combine le bois, la pierre, la terre cuite pour aboutir à des instruments métaphoriques qui s’adressent au subconscient et à l'énergie spirituelle. Son art reste avant tout ancré dans les Balkans et son histoire. Les restes de son Monument to the Battle of the Wounded (The Fist of the Poet) se dressent depuis 1978 à Makljen, l'œuvre ayant été partiellement détruite en 2000.

Drago Handanović est né en 1939 à Ostrožac, près de Bihać. Il s’installe à Doboj (Bosnie Centrale) où il ouvre son atelier et construit plusieurs monuments. De 1989 à 1992, il enseigne la céramique et la technologie au département céramique à l'Ecole des arts appliqués de Sarajevo et est membre de l'Académie internationale de céramique (AICA). Dans ce domaine, sa recherche de formes modernes le rapproche davantage de la sculpture abstraite. Plusieurs de ses céramiques sont exposées au Musée régional de Doboj.

Contemporain

Depuis la guerre des années 1990, dans un climat peu favorable, une poignée d'artistes tentent de repousser les limites. Tous les nouveaux modes d'expression, dans les arts graphiques notamment, sont expérimentés. Zoran Banović, né en 1966 à Prijedor, propose une nouvelle sensibilité, centrée sur une approche plus libre et plus directe du graphisme. Ars Aevi, le musée d'art contemporain situé à Sarajevo, devient l’emblème de la résistance culturelle. Fondé en 1992, il rassemble des artistes de renommée mondiale, dont Michelangelo Pistoletto, Anish Kapoor ou encore Joseph Beuys.

Sans doute l’artiste le plus célèbre des années 1990, Safet Zec s’expatrie en 1992 à Venise. Longtemps, il vit et expose entre Sarajevo, l’Italie et Paris. Né en 1943 à Rogatica, il devient la figure de proue du « réalisme poétique ». Son immense toile Descente de Croix, peinte pour la sacristie de l’Eglise de Jésus à Rome a même été bénie par le Pape François.

Le peintre Mersad Berber s’illustre en intégrant la collection de la Tate Gallery. Né en 1940 à Zagreb, il enseigne aux Beaux-Arts de Sarajevo. Ses cycles complexes de peintures historiques séduisent les collectionneurs du monde entier.

Street Art

A Sarajevo, les graffeurs livrent un combat intense pour assurer leur promotion dans l’espace public. Des techniques empruntées au marketing sont appliquées à la création artistique, dans le but de se faire connaître auprès du public. Cette pratique picturale « coup de poing », qui envahit parfois une rue entière, en force, a pris le nom d'art de guérilla.

Ainsi, les installations de rue se développent depuis la guerre. Celle qui a marqué les annales, la Ligne rouge de Sarajevo, a recouvert en 2012 la rue Maršal Tito. La Red Lign était composée de chaises et d'affiches de guerre.

Les supporters sportifs s’expriment sur les murs, dont les Ultras, peintres amateurs passionnés de football. Autre thème présent, les peintures qui rendent hommage aux victimes de la guerre sont déployées sur des murs abandonnées.

En vous baladant, amusez-vous à repérer les Mr Chat : originaire d’Orléans, le gros chat jaune apparaît une douzaine de fois dans les rues de la capitale !

Les amateurs d’art en plein air ne manqueront pas le Festival d’art de rue de Sarajevo. Durant trois jours, tous les ans au mois de juillet, des concerts accompagnent la réalisation de fresques collectives. Unique dans cette partie de l’Europe, le Beton Fest célèbre l’art de rue en 3D. Toutes les pointures de l’art public se retrouvent à Sarajevo !