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Sunnisme

Plus importante branche de l’islam à travers le monde, le sunnisme est la religion principale en Bosnie-Herzégovine, réunissant aux alentours de 1,6 million de personnes, soit environ 50 % de la population. La majorité des sunnites du pays sont des Bosniaques, auxquels s’ajoutent la plupart des Roms, Albanais et Turcs. Comme dans le reste des Balkans, l’islam demeure, d’une manière générale, modéré et cantonné à la sphère privée. La plupart des sunnites se disent religieux, suivent les grandes fêtes musulmanes (aïd al-adha et aïd al-fitr) et se rendent à la mosquée pendant le ramadan. Mais ils affichent peu de signes distinctifs (les femmes portent rarement le hijab) et s’autorisent pour certains à boire de l’alcool et/ou à assister à la messe de Noël avec les catholiques. L’ensemble de la communauté est placée sous l’autorité d’un grand mufti qui est à la tête de la Communauté islamique de Bosnie-Herzégovine. Basée à Sarajevo et fondée en 1993, celle-ci a aussi juridiction sur la diaspora bosniaque et sur les communautés sunnites de Serbie, de Croatie, de Slovénie, du Monténégro et de Hongrie. En théorie, les confréries soufies du pays dépendant également du grand mufti, même si elles sont autonomes et n’appartiennent pas au courant sunnite (lire ci-après). Ce sont ces confréries qui ont les premières islamisé les populations locales, dès l’arrivée des Ottomans en 1396. Les Bosniaques actuels sont ainsi les descendants de convertis qui appartenaient pour la plupart à l’Église bosnienne (qui était jugée « hérétique » par les autres chrétiens). Mais c’est au XVIe siècle que la majeure partie des conversions ont eu lieu. Toutes les grandes mosquées historiques du pays datent de cette époque : mosquée Gazi Hüsrev-Bey de Sarajevo (1531), mosquée Aldaža de Foča (1550), mosquée Ferhadija de Banja Luka (1579), etc. Hélas, tout comme les Bosniaques ont été les principales victimes de la guerre de 1992-1995, la plupart des mosquées (81 %) ont alors été détruites. L’après-guerre a ainsi été marquée par une forte implication de pays musulmans (Arabie saoudite, Turquie…) pour reconstruire les mosquées et les villes, mais aussi pour influer sur les pratiques de l’islam. Cette ingérence étrangère associée aux rancœurs nées du conflit et à la crise économique qui perdure ont favorisé l’essor d’un intégrisme sunnite avec l’apparition du wahhabisme et du salafisme. Bien que minoritaires, les islamistes radicaux contrôlent désormais plusieurs mosquées. Ils se sont aussi engagés dans les rangs de Daesh en Syrie et en Irak ces dernières années et plus de 300 anciens djihadistes bosniaques sont aujourd’hui revenus au pays. Mais il convient de souligner à quel point la grande majorité des sunnites de Bosnie-Herzégovine est tolérante et pratique un islam modéré.

Orthodoxie

Les chrétiens orthodoxes seraient aux alentours de 900 000, soit environ 31 % de la population. Parmi ceux-ci, on trouve les petites minorités monténégrine, macédonienne et russe. Mais la vaste majorité des orthodoxes du pays sont bosno-serbes et appartiennent à l’Église orthodoxe serbe. Ils dépendent de la métropole de Dabro-Bosna, dont le siège est la cathédrale de la Nativité-de-la-Mère-de-Dieu (1863), à Sarajevo. Toutefois, depuis 1995, 96 % des Bosno-Serbes vivent en République serbe de Bosnie et c’est la récente cathédrale du Christ-Sauveur (2009) de Banja Luka qui fait figure de centre de l’orthodoxie serbe dans le pays. L’orthodoxie (littéralement « la droite opinion » en grec) est l’une des principales branches du christianisme. Les Églises orthodoxes sont organisées par « nations » et sont indépendantes les unes des autres. Ayant son siège à Belgrade, en Serbie, l’Église orthodoxe serbe a ainsi juridiction en Bosnie-Herzégovine et dans tous les pays où résident des communautés serbes. Elle suit le rite byzantin, autorise le mariage des prêtres, reconnaît le caractère sacré des icônes et la liturgie (messe) se fait en serbe ou en slavon d’Église (vieux-slave). Progressivement convertis au christianisme par les Byzantins (VIIe-XIIe siècles), les Serbes ont dominé un temps les Balkans (XIIIe-XIVe siècles), avant de passer sous la coupe des Ottomans (XVe-XIXe siècles). Hormis lors de quelques révoltes, ils ont bénéficié d’une grande autonomie de la part de ceux-ci. Les sultans ont d’ailleurs largement favorisé le clergé orthodoxe aux dépens des catholiques. Si bien que les Serbes ont longtemps représenté la principale communauté de Bosnie-Herzégovine. Mais ils ont été dépassés démographiquement par les musulmans à partir des années 1960. C’est la forte natalité des Bosniaques et le contre-coup des guerres qui les a relégués au second plan. Durant la Seconde Guerre mondiale, de nombreux Serbes ont été massacrés par les Croates à travers la Yougoslavie et la plupart des églises et des monastères orthodoxes de Bosnie-Herzégovine ont été détruits. Parmi les rares monuments de valeur qui subsistent, il faut citer le petit monastère de Liplje (XVe siècle), près de Banja Luka, et l’église des Archanges-Michel-et-Gabriel (XVIe siècle) à Sarajevo. Cet acharnement contre leurs monuments explique en partie la funeste volonté de revanche des Bosno-Serbes au cours de la guerre de Bosnie-Herzégovine, puis la frénésie de construction de lieux de culte qui s’est emparée de la République serbe de Bosnie depuis 1995. Ceci permet aussi de mieux comprendre le très fort attachement des Bosno-Serbes à leur Église et pourquoi ils forment la communauté la plus religieuse du pays.

Catholicisme

Les chrétiens catholiques romains sont un peu plus de 500 000 et représentent entre 15 et 16 % de la population. La plupart sont des Bosno-Croates. Mais on trouve aussi parmi eux quelque 4 000 fidèles appartenant à des minorités : Italiens, Hongrois, Tchèques, Polonais, Allemands, Slovènes et Slovaques. Tous dépendent de la province ecclésiastique de Sarajevo, dont le siège est la cathédrale du Sacré-Cœur (1889), dans la capitale. La majorité des catholiques réside toutefois dans les cantons de la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine situés près des frontières avec la Croatie, notamment dans les régions d’Herzégovine et de Tropolje. L’origine des catholiques en Bosnie-Herzégovine remonte à 679, avec l’assemblée de Duvno (en Tropolje) qui marque la première grande division territoriale entre la papauté et les Byzantins. Cette présence a été renforcée par les conquêtes de puissances catholiques (Croatie, Hongrie, Empire austro-hongrois), mais aussi par l’installation de marchands ragusains (de l’actuelle Dubrovnik) et de moines franciscains, qui occupent toujours une place prépondérante dans le pays. L’histoire récente a été marquée par deux phénomènes. Tout d’abord la collaboration du clergé catholique avec le régime croate pronazi durant la Seconde Guerre mondiale. Celle-ci s’est soldée par la destruction de toute une partie des églises et monastères catholiques à la libération, puis par une méfiance des autorités yougoslaves qui ont longtemps interdit la construction de nouveaux lieux de culte aux Bosno-Croates. Cela explique que la plupart des monuments catholiques du pays soient de facture récente comme la remarquable cathédrale Saint-Bonaventure (1973) de Banja Luka et le monastère franciscain Saint-Pierre-et-Saint-Paul (2001) de Mostar, dont l’immense campanile est le plus haut édifice chrétien des Balkans (107,20 m). L’autre phénomène marquant sont les « apparitions de la Vierge » qui ont lieu depuis 1981 à Međugorje, près de Mostar. Bien que non reconnues comme « miraculeuses » par le pape, elles ont fait de ce village d’Herzégovine un des principaux sites de pèlerinage en Europe, attirant environ 2 millions de visiteurs chaque année. Les Bosno-Croates sont dans l’ensemble assez pratiquants (environ 50 % assistent à la messe dominicale) et se retrouvent sur les positions défendues par le pape. Enfin, le pays compte une autre communauté catholique : les Ukrainiens. Ils sont environ un millier installés dans la région de Banja Luka et appartiennent à l’Église grecque-catholique ukrainienne. Cette dernière reconnaît l’autorité du pape mais suit les rites byzantins (mariage des prêtres, culte des icônes…). Si bien que la minorité ukrainienne se sent plus proche des orthodoxes serbes.

Soufisme, chiisme et autres courants de l’islam

Depuis 1995, plusieurs courants islamiques ou proches de l’islam se sont développés et représentent environ 2 % de la population. Le plus influent est le soufisme. C’est le courant mystique de l’islam, surtout connu pour ses derviches tourneurs en Turquie ou en Égypte. Il a joué un rôle central dans l’islamisation des Bosniaques et connaît une renaissance depuis 1995 avec le soutien de la Turquie. S’il ne rassemble guère plus de 30 000 fidèles dans le pays, le soufisme jouit d’une aura considérable auprès des Bosniaques. Il propose un enseignement religieux rigoureux, mais emprunt d’humanisme qui est à l’opposé de l’intégrisme sunnite. Parmi la vingtaine de tariqats (confréries soufies) à travers le monde, deux sont présentes en Bosnie-Herzégovine et disposent de plusieurs tekkés, lieux de prière et de discussion qui accueillent aussi les derviches sur la voie de l’ascèse. Il y a d’abord la confrérie des nakshibandis (Naqshbandiyya) qui est l’une des plus importantes au monde. Elle possède notamment le célèbre et magnifique tekké de Blagaj (1520), près de Mostar. La confrérie des kaderis (Qadiriyya) s’est, elle, surtout développée dans les Balkans. Elle a pour centre le tekké Hadži Sinanova (1640), à Sarajevo. On note aussi l’essor d’un « néo-soufisme » avec des mouvements issus des nakshibandis et qui rencontrent un large écho auprès de la jeunesse bosniaque. Les soufis organisent par ailleurs chaque année en juin l’un des plus importants pèlerinages musulmans en Europe, à Prusac (Bosnie centrale). Le deuxième courant minoritaire islamique dans le pays est celui du chiisme, la deuxième grande branche de l’islam après le sunnisme. Il est apparu sous l’influence de l’Iran qui fut l’une des premières nations à soutenir les Bosniaques durant la dernière guerre. Les chiites sont peu nombreux (moins de 5 000), mais ils disposent d’importants relais : une chaîne de télévision, une école et trois instituts à Sarajevo. Plus influent encore est le mouvement Hizmet de l’intellectuel et religieux turc Fethullah Gülen (né en 1941). Basé aux États-Unis et au départ très proche du soufisme, celui-ci prône un islam à la fois fondamentaliste et moderniste. Les adeptes du mouvement, apparu ici en 1997, sont peu nombreux (environ un millier) mais gèrent un vaste réseau éducatif, dont deux universités à Bihać et à Sarajevo. Enfin, il faut citer la présence de deux courants proches de l’islam qui revendiquent moins de 300 adeptes chacun dans le pays : l’ahmadisme, un mouvement messianique qui propose une lecture humaniste du Coran, et le bahaïsme, une religion à part qui plonge ses racines dans l’islam tout en effectuant un syncrétisme avec le judaïsme et le christianisme.

Autres religions

Elles regroupent aux alentours de 3 000 personnes (moins de 0,1 % de la population). Les juifs sont aujourd’hui environ un millier et vivent surtout à Sarajevo. Mais le judaïsme est pratiqué en Bosnie-Herzégovine depuis la fin de l’Antiquité. Sa présence a été renforcée par l’installation de Juifs séfarades chassés d’Espagne et accueillis par les Ottomans (1581), puis de Juifs ashkénazes d’Europe centrale à l’arrivée des Austro-Hongrois (1878). Sur les 14 000 Juifs bosniens de 1941, 10 000 sont morts lors de la Shoah. Sarajevo, qui fut surnommée la « Jérusalem des Balkans », conserve toutefois un important patrimoine juif, en particulier le Vieux Temple (1581) au sein duquel se trouve le Musée juif, la synagogue ashkénaze (1902), toujours ouverte au culte, le cimetière juif de Sarajevo, l’un des plus anciens et des plus vastes d’Europe aujourd’hui, ou encore un précieux livre enluminé du XIVe siècle, la Haggadah de Sarajevo, conservée au Musée national. Le pays compte aussi environ un millier de chrétiens protestants (contre une centaine avant la guerre de Bosnie-Herzégovine) qui sont repartis dans dix villes. Établie en Yougoslavie en 1972, l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours (les mormons) revendique pour sa part moins de 100 fidèles à Sarajevo, à Banja Luka et à Tuzla. Héritage du mouvement des non-alignés (1961) et des liens établis entre la Yougoslavie et l’Inde, l’hindouisme réunit quant à lui 300-500 personnes à Sarajevo et à Banja Luka. On note aussi l’émergence d’un néo-paganisme slave qui cherche à renouer avec les traditions des premières tribus slaves des Balkans et rejette les monothéismes considérés comme responsables de la division du pays. C’est notamment le cas de l’association Svaroži krug (« Cercle de Svarog », du nom du dieu slave du Ciel ou du Feu). Fondée en 2011, celle-ci ne compte que quelques dizaines de membres à Mostar et à Sarajevo. Les anciennes traditions slaves survivent toutefois plus largement dans le folklore des Bosniaques, des Bosno-Serbes et des Bosno-Croates.

Athéisme

Les athées et agnostiques sont extrêmement rares en Bosnie-Herzégovine, puisqu’ils seraient environ 35 000, soit un peu plus de 1 % de la population. La diminution du nombre de non-croyants est une tendance générale en ex-Yougoslavie depuis les années 1990 : la montée des nationalismes et les guerres ont provoqué un retour à la religion comme symbole d’identité pour chaque peuple. Le peu de Bosniens s’affichant ouvertement athées ou agnostiques sont souvent victimes de pressions sociales, de discriminations, voire de violences.

Une religion disparue : l’Église bosnienne

Après l’arrivée des Slaves (VIe-VIIe siècles), la Bosnie-Herzégovine reste mal contrôlée par les chrétiens. Au XIe siècle, elle sert de refuge aux bogomiles, chrétiens des Balkans pourchassés pour hérésie. C’est aussi à cette époque que la Bosnie tente de s’émanciper des royaumes voisins. L’Église bosnienne naît ainsi en 1252 d’un schisme avec l’Église catholique romaine. Elle conserve la plupart des rites de celle-ci, mais imite les orthodoxes serbes en prenant le vieux-slavon comme langue liturgique. Devenue l’Église officielle du royaume de Bosnie (1377-1463), elle intègre aussi certains cultes slaves de la nature : en témoignent les signes gravés sur les stećci, pierres tombales médiévales que l’on trouve notamment dans vingt sites du pays inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco. L’Église bosnienne disparaît à l’ère ottomane, la plupart des fidèles se tournant vers l’Islam au XVIe siècle.