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Un cadre politique fragile

Ralentie par le manque de coopération entre la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine et la République serbe de Bosnie, l’écologie a bien du mal à trouver sa place. Pourtant, chacune des deux subdivisions possède un cadre légal défini : le ministère du Tourisme et de l’Environnement pour la Fédération et le ministère de la Planification spatiale, de la Construction et de l’Écologie pour la République serbe. À l’échelle nationale, la Bosnie-Herzégovine essaye de marcher dans les pas de l’Union européenne, et donc de montrer de la bonne volonté sur le plan écologique. C’est pour cela qu’elle a signé les accords de Paris dès 2016, ou qu’elle s’est dotée en 2017 d’un plan d’action visant à se rapprocher des normes environnementales européennes, avec un budget attribué.

Dans les faits, les progrès sont lents, justement à cause du manque de finances. La redynamisation de l’industrie après la guerre s’équipe bien souvent d’un matériel vétuste, souvent bien dommageable pour l’environnement. Bien que ce soit loin d’être unanime, la jeune génération semble tout de même plus investie dans les problématiques environnementales. Les associations écologistes bourgeonnent dans tout le pays, à l’image d’Eko Centar, fondée à Višegrad en 2020, qui se bat notamment contre la multiplication des minicentrales hydrauliques, ou d’Eko Forum Zenica, qui bataille pour une politique environnementale aux normes internationales.

Le paradoxe bosnien de l’eau

Comment est-il possible qu’un pays dont l’eau est l’une des plus grandes richesses ait de telles difficultés à abreuver sa population ? Avec un réseau fluvial extrêmement développé et des ressources élevées à 10 000 m3 par habitant, l’un des scores les plus élevés d’Europe centrale, où la moyenne est de 2 400 m3, l’eau ne devrait pas être un problème. Pourtant, seulement 65 % des Bosniens sont desservis par le réseau d’eau public.

C’est d’abord la vétusté des infrastructures qui est pointée du doigt. On estime qu’elle cause des pertes allant jusqu’à 50 % sur le réseau public. En plus de cela, faute de stations d’épuration, seuls 3 % des eaux usées sont traités (contre 85 % en UE).

À cela s’ajoute un problème purement politique : la richesse du réseau fluvial bosnien, qui fait du pays l’un des rares exportateurs européens d’électricité, semble bien souvent bradée aux investisseurs qui multiplient les barrages. La Neretva, bien connue des vacanciers pour couler sous le pont de Mostar, se voit gangrenée de stations hydroélectriques. En 2022, 70 projets de centrales sont étudiés, alors que la situation ne le justifie pas. Les centrales déjà présentes, faute de matériel moderne, ne sont exploitées qu’à 25 % de leurs capacités. Il suffirait donc d’investir dans les centrales actuelles. En 2017, la course au kilowatt avait même asséché le lac Jablanica, qui permet pourtant à la population de se nourrir d’une pêche abondante. Pourtant, l’hydroélectricité bosnienne a encore des beaux jours devant elle, alors qu’un contrat à 200 millions de dollars a été signé avec une entreprise chinoise, en vue de construire la mégacentrale Dabar. Son réseau labyrinthique de tunnels devrait permettre de détourner 210 m3 par seconde, et ainsi d’en priver la réserve naturelle d’Hutovo Blato. Cette zone abrite pourtant une richesse biologique extraordinaire, notamment en raison de la présence de 250 espèces d’oiseaux, se nourrissant des poissons du marais, bientôt asséché.

Absence de réponse face à la pollution

Comme l’eau, les déchets font face à un manque d’infrastructures important. Ainsi, seul 0,5 % des déchets municipaux est recyclé, contre 44 % en moyenne en UE. Mais le recyclage n’est pas la priorité, alors que les bases d’un système de gestion des déchets ne sont pas posées. Le taux de mise en décharge est deux fois plus important que dans le reste du continent. Le long des routes et des cours d’eau, les bouteilles d’eau, emballages plastiques, sacs poubelles remplis et matériels électroménagers s’accumulent. Le phénomène est tel qu’à la moindre pluie, ces décharges sauvages se délestent d’une partie de leur masse, qui finit sa course dans les rivières. La rivière Drina disparaît ainsi parfois sous une épaisse couche de détritus. Son importance est pourtant vitale, puisqu’elle irrigue la majeure partie des forêts bosniennes.

Ce problème récurrent est même source de tensions entre la Bosnie-Herzégovine, la Serbie et le Monténégro, qui partagent plusieurs cours d’eau en commun et renvoient donc toujours la balle aux municipalités en amont, sans trouver de solutions. L’Union européenne essaye pourtant d’apporter des fonds pour améliorer la situation, mais le chemin reste long.

Les déchets qui sont quant à eux collectés finissent généralement incinérés, et cette fumée toxique vient s’ajouter aux émanations des centrales à charbon et aux gaz d’échappement des véhicules d’un autre temps. Le charbon est un problème récurrent, alors que les 18 centrales des Balkans polluent à elles seules plus que les 250 centrales européennes. Sarajevo s’est ainsi parfois retrouvée en tête des villes à l’air le plus pollué au monde.

Une biodiversité préservée par des parcs nationaux

Malgré tout, la biodiversité bosnienne est plutôt bien préservée, puisque le pays a échappé à l’industrialisation massive. Les aires protégées permettent d’assurer la pérennité de cette conservation, à travers neuf statuts différents, parmi lesquels on trouve les réserves naturelles intégrales, qui bénéficient d’un encadrement strict, quatre parcs nationaux ou encore les réserves naturelles.

Parmi ses nombreux trésors : la forêt Perućica, l’une des dernières forêts primaires d’Europe, soit une forêt sans trace de l’activité humaine. Elle entend bien le rester, puisqu’en tant que réserve intégrale, les rares visites se font obligatoirement accompagnées d’un garde forestier. Elle s’intègre elle-même au sein du parc national de Sutjeska, le plus ancien de Bosnie-Herzégovine. En plus d’abriter le mont Maglić, plus haut sommet du pays avec ses 2 386 m d’altitude, il abrite une faune et une flore d’une importance capitale. C’est notamment ici que l’on trouve la plus forte concentration de loups et d’ours du pays. Le chamois des Balkans (Rupicapra rupicapra balcanica) y a quant à lui fait l’objet d’un programme de réintroduction qui s’est avéré un succès.

Avec près de 20 000 ha de superficie, c’est le parc national de l’Una qui est le plus grand de Bosnie-Herzégovine. Il protège le bassin de la sublime rivière Una. Au-delà de la beauté de ses rapides turquoise, son importance est vitale aussi bien pour la trentaine d’espèces de poissons qui y vivent que pour la flore, parfois rare, qui l’entoure.

Le parc national de Kozara, ouvert sur ordre de Tito, abrite quant à lui des paysages vallonnés et verdoyants typiques du nord du pays. Sapins, hêtres, chênes et pins y forment des couverts forestiers typiques d’Europe centrale. De nombreux petits mammifères y coulent des jours heureux, comme les furets, écureuils et martes. Ils permettent également la présence d’oiseaux de proie, comme les aigles et les chouettes.

Le tout jeune parc national de la Drina a quant à lui été créé en 2017. S’il permet à son échelle de soulager la rivière Drina, il ne suffit pas à la désengorger totalement, puisqu’elle s’étend sur trois pays.