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Le Nil, à travers l’Égypte

Jusqu’au XIXe siècle, le Nil était presque la seule voie permettant de relier les différentes parties du pays. Les déplacements routiers étaient minimes et tous les transports de marchandises ou de personnes se faisaient sur des bateaux naviguant sur le fleuve. Plus sûr et plus rapide, le trafic fluvial était déjà très intense sous le règne des pharaons qui utilisaient le fleuve aussi bien pour le commerce que pour la guerre ou pour acheminer les matériaux nécessaires aux immenses constructions. Le granit d’Assouan, tant aimé des rois d’Égypte pour leurs statues et monuments, était acheminé du sud par bateau. Durant l’Antiquité, ceux-ci étaient fabriqués en bois ou en tiges de papyrus. Les vents venant du nord permettaient la navigation vers le sud et le courant du fleuve ainsi que la force des rames transportaient hommes et marchandises vers le nord et le Delta. La navigation sur le fleuve sacré était également l’objet de cérémonies importantes. Lors de la fête de l’Opet, les statues des dieux Amon, sa femme Mout et leur fils Khonsou, la triade de Thèbes, étaient transportées en bateau du temple de Karnak au temple de Louxor, accompagnées de somptueuses célébrations populaires. Le corps momifié de pharaon traversait le Nil dans sa barque royale avant de trouver le repos sur la rive occidentale. Enfin, c’est bien dans sa barque solaire qu’Amon-Rê effectuait son voyage quotidien à travers le ciel. Aujourd’hui, le transport fluvial est beaucoup moins important mais il subsiste néanmoins, et ce, en partie grâce au tourisme. À l’exception des bacs qui permettent de le traverser, il n’existe plus vraiment de transports en commun sur le fleuve, le bus, le train et les microbus ayant remplacé le transport fluvial. Mais le Nil, c’était aussi et surtout la crue, aujourd’hui disparue. C’est elle qui donnait au fleuve son caractère créateur et nourricier. En déposant le précieux limon sur les terres alentour, c’est lui qui a donné la vie à ce pays extraordinaire. La construction du haut barrage d’Assouan, dans les années 1960, a mis fin à ce cycle millénaire et a ainsi totalement transformé la navigation sur le fleuve. Toutefois, les besoins en eau de l’agriculture forcent les autorités à libérer beaucoup plus d’eau durant l’été, les paysages se transforment donc toujours un peu, au gré du niveau du fleuve. C’est particulièrement frappant à Assouan.

Les Égyptiens naviguent surtout à bord de felouques, petits bateaux à grande voile trapézoïdale. Leur profil gracieux est une partie incontournable du paysage de Haute-Égypte. Quel plaisir d’y passer quelques heures (ou quelques jours) et de profiter du silence inégalé qu’offre la navigation à voile. Si vous n’êtes en Égypte que pour un court passage, n’hésitez pas à consacrer quelques heures de votre voyage à une sortie en felouque, que cela soit au Caire, à Louxor ou à Assouan. Vous y passerez un moment magique.

Quelle croisière choisir ?

La variété des croisières sur le Nil est importante, il y en a pour tous les goûts, de la plus aventureuse à la plus luxueuse. La plupart des croisières se font entre Louxor et Assouan où se trouvent de nombreux sites archéologiques d’importance, comme les temples d’Edfou, d’Esna ou de Kom Ombo. Ces sites sont les grandes étapes de la plupart des croisières, toutefois il est possible de personnaliser le voyage en fonction du type d’embarcation.

Les bateaux-hôtels : la plupart des croisières qui sont proposées se font dans ces bateaux de grande taille. Ils sont dotés de tout le confort : cabines individuelles, toilettes et salles de bains privatives, piscine, bars, salons et restaurant. Des animations sont également souvent proposées durant la journée et le soir. Ce sont les bateaux qui sont proposés par la plupart des agences grand public. Tous les bateaux n’ont toutefois pas le même standing et l’on pourra trouver chaussure à son pied, même avec un budget limité. Souvent les croisières durent sept jours durant lesquels le bateau fait l’aller-retour entre Louxor et Assouan mais de nombreuses agences proposent également un séjour au Caire et une visite de ses monuments avant la croisière.

Les felouques : la navigation à la voile est beaucoup plus lente et dépend du vent. Toutefois l’expérience est magnifique ! Le voyage est long et silencieux et l’on peut s’arrêter dans beaucoup d’endroits hors des sentiers battus. Beaucoup de felouques sont très rudimentaires et on y dort sur le pont. Toutefois il en existe des grandes avec douche et toilettes et un double pont. De jolies petites plages ponctuent le trajet et l’on peut s’arrêter dans les villages qui longent le Nil. Parfois, un membre de l’équipage propose d’aller visiter son village, d’aller marcher dans les champs et les palmeraies ou de s’aventurer un peu dans le désert. Un arrêt au marché aux chameaux de Daraw, près de Kom Ombo, est souvent possible. C’est une véritable plongée dans la vie quotidienne des habitants de Haute-Égypte, qui permet la découverte d’une Égypte bien souvent oubliée. Pour une petite croisière, on peut se contenter de trois jours entre Assouan et Kom Ombo mais il est possible d’aller jusqu’à Louxor ! Il est très facile d’approcher un felouquier à Assouan et d’organiser le voyage sur place, mais l’on trouve également de petites agences qui organisent ce type de voyage en avance.

Les dahabeyyas : c’est le nom des bateaux à fond plat, et qui ont souvent deux mâts, un à l’avant et l’autre à l’arrière. Très courues, elles étaient déjà utilisées au XIXe siècle pour transporter les touristes et les célébrités le long du Nil. À vrai dire, ce sont les premiers bateaux de croisières à avoir sillonné les eaux du fleuve ! À cette époque, il fallait compter 55 jours pour relier Le Caire à Assouan ! En 1869, Thomas Cook introduisit les bateaux à vapeur qui pouvaient faire le voyage en 28 jours seulement. Les dahabeyyas devinrent alors l’apanage des touristes pour qui ne manquaient ni le temps ni l’argent. Aujourd’hui, plusieurs agences proposent des croisières luxueuses sur ces magnifiques bateaux au départ de Louxor, d’Esna ou d’Assouan. Les croisières durent généralement entre 5 et 8 jours. Ces bateaux sont dotés de charmantes cabines revêtues de bois et offrent tout le confort et le luxe auquel l’on est en droit de s’attendre d’un tel standing. Malheureusement, il arrive que les dahabeyyas doivent être remorquées à l’aide d’un bateau à moteur lorsque le vent n’est pas favorable.

Des bateaux à vapeur, qui parcouraient le Nil à la Belle Époque, il ne reste désormais que le Steam Ship Sudan, magnifique exemple de l’art de voyager du début du XXe siècle. C’est sûrement le plus beau bateau à encore parcourir le fleuve. Il offre des croisières de grand luxe dans un cadre particulièrement romantique qui vous transportera pour quelques jours dans une époque désormais révolue. Chaque cabine a le nom d’un illustre voyageur ou d’une personnalité qui a parcouru l’Égypte en son temps : Auguste Mariette, Ferdinand de Lesseps, Hérodote ou encore Gustave Flaubert. Seule Agatha Christie a vraiment occupé la suite qui porte son nom, lors de son voyage de 1933 avec son mari. On peut y admirer le fleuve et ses rives depuis son beau pont en bois, se reposer dans les magnifiques cabines ou bien profiter du restaurant français haut de gamme. Les croisières du Sudan relient Louxor à Assouan en 6 jours et 5 nuits ou en 5 jours et 4 nuits. Les séjours proposés incluent également les visites des temples d’Abydos et de Denderah, au nord de Louxor.

La plus connue de toutes ces croisières reste bien entendu celle des personnages de Mort sur le Nil, le roman d’Agatha Christie. Le fameux détective Hercule Poirot voit ses précieuses vacances perturbées par le meurtre d’une riche et belle héritière à bord d’un bateau de croisière. Huis clos jouissif et angoissant, Mort sur le Nil est considéré comme un de ses plus grands romans. La reine du crime s’est inspirée de plusieurs voyages en Égypte, effectués avec son mari Max Mallowan, un archéologue spécialisé dans le Moyen-Orient antique. Contrairement à la légende, elle n’a pas rédigé le roman à Assouan mais à Alep ainsi qu’à bord de l’Orient Express, qui est également le décor d’un de ses romans les plus connus. Il est certain que les amateurs de la grande romancière auront un malin plaisir à naviguer sur les traces des personnages de son roman. L’adaptation au cinéma de Mort sur le Nil de 1978 est particulièrement belle. C’est en effet un des rares films à avoir été tourné presque entièrement en Égypte, notamment au Old Cataract et sur le magnifique bateau à vapeur Sudan sur lequel vous pouvez toujours naviguer.

Poursuivre le voyage

Pour compléter une croisière sur le Nil, certains voyageurs se laissent tenter par une croisière sur le lac Nasser. Créé après l’inauguration du barrage d’Assouan en 1970, le lac Nasser est une immense étendue d’eau douce qui occupe toute la vallée du Nil, depuis Assouan jusqu’au Soudan. Ses eaux bleues cristallines lèchent les magnifiques dunes orangées des déserts de Nubie et les montagnes de roches noir et rouge. Les paysages y sont époustouflants et le silence et la solitude qui y règnent sont dignes des plus beaux voyages dans le désert. Quasiment inhabité, on y rencontre quelquefois des pêcheurs venus du Nord pour attraper le délicieux tilapia notamment. Le lac est également le paradis des oiseaux, on peut y voir des pélicans, des cigognes et des bergeronnettes. Parfois le très rare ibis montre le bout de son bec recourbé. Les crocodiles y vivent encore, mais sont très rarement aperçus. Une flotte de quelques bateaux-hôtels effectue la croisière en trois jours, s’arrêtant sur les sites de Wadi es-Seboua et d’Amada où sont regroupés les temples nubiens sauvés des eaux. Le temple d’Amada est une petite merveille, construite par trois des plus grands pharaons de la XVIIIe dynastie. Les deux temples construits par Ramsès II à Ouadi es-Seboua et à Derr (désormais déplacé sur le site de Ouadi es-Seboua) sont d’extraordinaires témoins de l’empreinte du grand pharaon en Nubie, préfigurant l’arrivée à Abu Simbel. La croisière s’achève généralement par ces temples grandioses où Ramsès II et Nefertari attendent les voyageurs, adossés à la montagne. D’autres types de croisières, plus sportives ou plus aventureuses, mais toujours inoubliables, sont également possibles. Des embarcations plus petites permettent de faire du canotage pendant 6 jours d’Assouan à Abu Simbel. Ces croisières plus personnalisées permettent de profiter des paysages du désert, notamment grâce à de très belles randonnées. Il est également possible de pêcher et de se baigner. C’est sûrement la meilleure façon de profiter des magnifiques couchers de soleil, du calme des nuits sur le lac et de beaux ciels étoilés. Certains bateaux n’ont pas de cabines et l’on y dort sur le pont, à la belle étoile. D’autres proposent tout le confort dans de grands bateaux de croisière mais dans un cadre plus intimiste au charme incontestable !