Femme de la tribu Tai Dam, près de Luang Namtha © hadynyah - iStockphoto.com.jpg
Fillettes de l'ethnie Akha © Bartosz Hadyniak - iStockphoto.com.jpg

Une mosaïque ethnique

La population du Laos est composée d'une centaine de minorités ethniques. Officiellement, celles-ci sont répertoriées en trois groupes principaux :

Les Lao Loum, ou « Lao des plaines » (65 % de la population), dont font partie les Laos proprement dits (parlant laotien) ainsi que les ethnies similaires qui parlent le thaï (Tai-Lou, Tau-Neua, Tai-Dam, Tai-Deng, etc.).

Les Lao Theung ou « Lao des versants » (environ 24 %), parfois surnommés de façon péjorative Kha (« esclave » en lao), de langue môn-khmer ou austro-asiatiques. Parmi eux, on recense une trentaine de groupes ethniques : Khamu, Pray, Singmu, Khom, Thene, Idou, Bit, Lamed, Samtao, Katang, Makong, Try, Trieng, Ta-oi, Yeh, Brao, Harak, Katu, Oi, Krieng, Yarou, Yeh, Souai, Gnaheune, Lavy, Kabkae, Khmer, Toum, Ngouane, Meuan et Kri.

Les Lao Sung ou « Lao des montagnes » (environ 8,5 %), qui regroupent notamment les Hmong – principale ethnie minoritaire du pays – et les Yao-mien, tous deux de langue hmong-mien.

Les Sino-Tibétains comptent huit groupes ethniques : Akha, Sing, Sali, Lahu, Sila, Hayi, Lolo et Hor… Les Hmong (« Meo » est un surnom péjoratif) subissent de nombreuses discriminations. Ils ont aidé les Américains durant la guerre du Vietnam et vivent aujourd'hui dans les forêts (s'ils n'ont pas été exterminés).

Les Lao Loum ou « Lao des plaines »

Numériquement, politiquement et économiquement, les Lao Loum – Thai-Lao ou Lao des plaines – dominent le pays depuis la fondation du royaume du Lane Xang, au XIVe siècle. Ils appartiennent à la même famille ethnique que les Thaïs (Thaïlande) et les Shan (Myanmar). Les Lao Loum représentent plus de la moitié de la population du pays. Appartenant au même groupe, les Lü et les Phu Thai représentent 15 %. À l'intérieur de ce groupe, les minorités Thai-Dam (Thai noirs), Thai-Khao (Thai blancs, près du Nord Vietnam) et Thai-Deng (Thai rouges, à l’est du Laos) sont généralement considérés comme Phu Thai, malgré de notables différences culturelles et linguistiques (tenue vestimentaire, par exemple).

Théoriquement, les Lao Loum vivent dans les plaines, près des cours d’eau. Les villages sont autonomes et abritent une cinquantaine d'habitations, soit de 200 à 300 habitants. Ces villages sont délimités par des rizières et des friches. Les maisons, en bois, sont bâties sur pilotis avec des cloisons en bambou tressé. Les villages vivent en autarcie ; un chef régit la ville du village (ou ban).

Mœurs. Le mariage mélange traditions et coutumes actuelles. Autrefois, les mariages étaient arrangés par les familles. De nos jours, les couples sont libres de leur choix, même si l’avis parental est non négligeable. Une fois la dot fixée pour subvenir aux dépenses du mariage, les festivités se déroulent dans la maison de la mariée. La polygamie est moins répandue depuis que le Parti a condamné cette pratique. Seuls les hommes assez riches peuvent entretenir plusieurs femmes. Le divorce est autorisé et le remariage, possible.

Économie. La culture du riz est prédominante. Le riz gluant (sticky rice) est l'aliment de base, accompagné de sauce, soupe, poisson ou viande. Le riz gluant couleur prune est réservé pour les grandes occasions, et cuisiné en dessert. Fruits et légumes sont souvent cultivés dans le village, ainsi que le tabac, le coton et la canne à sucre. Volaille et cochons et buffles sont élevés sur place. La cueillette, la chasse et la pêche ont un rôle important dans la vie quotidienne, même si ces pratiques ont diminué ces dernières années par manque d'espace.

Organisation et spiritualité. Les villages Lao Loum sont sous l’autorité du chef de village (pho ban ou nai ban), aidé d’un ou deux assistants, élus par les villageois. Un conseil de sages – hommes et femmes les plus âgés – dispose aussi d’un certain pouvoir. Depuis 1975, les villages sont contrôlés par des comités administratifs régionaux supervisant aussi bien l’agriculture que les milices d’autodéfense. De fait, les chefs de villages disposent d’une autorité fondée sur le consensus. Les Lao Loum sont en majorité bouddhistes et la plupart des villages disposent d’un temple faisant office de salle de réunions (rôle social et religieux). Par ailleurs, les Lao Loum croient aux esprits – Phi – associés à un lieu ou une personne défunte. Le culte du phi ban – déité protectrice du village – est célébré au moins une fois par an. De nombreux villages ont abandonné ces pratiques animistes, sous la pression du gouvernement, mais le sacrifice annuel est encore pratiqué au cours d’une cérémonie réaffirmant l’importance de l’unité sociale, en gage de bonne fortune pour ses habitants.

Les Lao Theung ou « Lao des versants »

C’est sans doute le groupe le plus marginal. Il représente 24 % de la population globale. Au sein de ce groupe, les Khamu comptent environ 400 000 individus. Il y a d’importantes différences culturelles au sein des Lao Theung. Les Nyaheun, Sedang et Lavae vivent au plus profond des provinces d’Attapeu et de Saravane. Les Lamet résident près de la frontière entre Bokeo, Oudom Xai et Luang Namtha. Leurs langues sont d’origine austro-asiatique : certaines ont déjà été étudiées (Khamu, Lamet et Sam tao) ; d’autres restent incompréhensibles. Aucune de ces langues ne s'écrit.

La plupart des villages Lao Theung sont situés à mi-hauteur dans les régions montagneuses. Depuis les années 1950 cependant, bon nombre de villages sont installés à proximité des voies de communications et des cours d’eau. Après 1975, de nombreux Hmong et Khamu furent chassés par le Pathet Lao. Depuis les années 1980, le gouvernement encourage des minorités pratiquant la culture sur brûlis à s’installer dans les plaines. Les villages Lamet et Khamu sont plutôt sédentaires et ne déménagent qu’une fois tous les cinquante ans. D’autres, au centre du pays, migrent tous les dix ans. Les maisons des villages Lamet et Khamu sont construites sans organisation apparente, mais les sites sont choisis par un chaman. Les villages Lamet sont séparés en deux, la maison commune des hommes se trouvant au centre.

Mœurs. Le mariage n'est pas forcé, les parents négocient la dot de la mariée. La polygamie est traditionnellement autorisée, mais elle est peu répandue : peu d’hommes peuvent subvenir aux besoins d'une deuxième femme. Faute de dot, le jeune marié peut résider chez les parents de sa femme, pour lesquels il devra travailler. Les Lao Theung sont des artisans spécialistes du tambour en bois ou en bronze. Les femmes vendent légumes, poulets et objets artisanaux.

Économie. Les Lao Theung utilisent l’agriculture itinérante comme base de leur économie domestique. Lamet et Khamu préfèrent manger du riz gluant. Pendant la récolte, un abri est construit à côté de la rizière et la famille peut y séjourner, de manière à éviter le trajet quotidien vers le village. Le rendement des cultures sur brûlis étant faible, les hommes Lao Theung sont souvent obligés d’aller travailler en ville. Les Lao Theung pratiquent aussi la chasse et la cueillette. Chaque foyer Khamu ou Lamet compte de 6 à 12 membres.

Organisation et spiritualité. Le chef traditionnel sert d’intermédiaire entre le village et le gouvernement. Les décisions importantes sont prises par les anciens qui, en l’absence d’écriture, détiennent la mémoire du village. Tous les villages khamu et lamet possèdent un chef spirituel chargé d’officier durant les rituels importants. Les Lao Theung sont en majorité animistes et leurs voisins des plaines les croient dotés de pouvoirs magiques. Les esprits jouent un rôle dans leur vie quotidienne. Ils effectuent des sacrifices et font des offrandes aux esprits des défunts pour protéger le village et éviter le mauvais sort. Des rituels sont célébrés pour des événements comme la plantation du riz ou la construction d’une nouvelle maison, par exemple. Certaines pratiques leur sont propres : la fabrication ou réparation des outils a lieu dans la maison commune des hommes, jamais dans le foyer familial.

Au cours de la guerre d’Indochine, certains Lao Theung ont apporté leur soutien au Front patriotique lao, Neo Lao Hak Sat, branche politique du Pathet Lao. Cela peut s’expliquer par la différence d’identité et le ressentiment à l’égard des Lao Loum en raison de leur domination.

Les Lao Soung ou « Lao des montagnes »

Ce groupe comprend les principales ethnies suivantes : Hmong, Akha et Mien (ou Yao). On estime le nombre de Hmong à environ 250 000 membres au Laos. Environ 60 000 Akha ont été recensés dans les provinces de Luang Namtha, Phongsaly et Bokeo. Parmi les autres groupes : les Phu Noi sont recensés dans les provinces du Nord ; les Mien dans les provinces de Bokeo et Luang Namtha ; enfin moins de 10 000 Lahu et Kui habitent aux confins du Nord-Ouest.

Venus du Nord, les Lao Soung sont les derniers arrivés sur le territoire (début du XIXe siècle), par vagues de migrations successives. Les Hmong ont quitté la Chine pour échapper aux persécutions. Ils ont transité d’abord par le Nord-Ouest du Vietnam, venant de Chine, avant de s’installer au Laos. Ils constituent plus des deux tiers du groupe Lao Soung. Les migrations Mien sont parties de Birmanie et de Thaïlande vers le Laos.

À présent, la grande majorité des villages Lao Soung se trouvent au nord du pays, à l’exception de quelques villages Hmong, relocalisés non loin de Vientiane. Les Lao Soung vivent généralement dans les montagnes, au-delà de 1 000 m d’altitude. Ils ont dû adopter la culture sur brûlis parce que les plaines étaient déjà occupées par d’autres peuples. L’emplacement des villages Hmong est choisi selon des principes de géomancie. Les maisons Hmong sont construites à même le sol, avec des planches de bois verticales aux murs et un toit en bambou. La taille des habitations est variable. Dans chaque foyer on trouve un autel dédié aux offrandes pour les esprits des ancêtres.

Mœurs. Toute la famille vit sous le même toit et il n’est pas rare qu’une maison abrite une vingtaine d’individus. Cependant, les foyers ont tendance à se dissocier, et les jeunes couples s'installent ailleurs. Les mariages sont arrangés par des intermédiaires représentant les intérêts du fiancé auprès des parents de la jeune fille. Une fois l’union acceptée, la dot est négociée, mais une mesure gouvernementale a tenté de mettre fin aux dépenses de mariages excessives et plusieurs clans Hmong ont aboli le système de dot. Les divorces sont possibles, mais pas encouragés. Il n’y a aucun métier spécifique dans un village Hmong : les hommes sont fermiers par nécessité.

Économie. Les Hmong cultivent le riz blanc non glutineux, le maïs, différentes sortes de tubercules et récoltent des légumes sauvages. Le riz et le maïs sont les aliments de base. Les Hmong élèvent cochons, poulets et buffles. La culture du pavot était traditionnelle, mais au début de l’époque coloniale, les Français encouragèrent la production d’opium pour payer les impôts, afin de le revendre à différentes colonies. Dans les années 1930, la production était devenue une importante source de revenus pour les Lao Soung. En interdisant cette culture, le gouvernement fut confronté au problème des moyens de subsistance des Lao Soung. Les efforts furent portés sur l’éducation et la mise en place de cultures de substitution.

Organisation et spiritualité. Les Hmong sont animistes, mais un petit nombre d’entre eux a été converti au christianisme par les missionnaires. La plupart pensent que les esprits sont responsables des maladies. Les chamans communiquant avec ces esprits sont très respectés et ont un rôle important. Les villages Hmong ne disposent d’aucun point central, d’aucun bâtiment communautaire. Le foyer familial est jugé plus important que le village.

 

Organisation et spiritualité. Les Hmong sont animistes, mais un petit nombre d’entre eux a été converti au christianisme par les missionnaires. La plupart pensent que les esprits sont responsables des maladies. Les chamans communiquant avec ces esprits sont très respectés et ont un rôle important. Les villages Hmong ne disposent d’aucun point central, d’aucun bâtiment communautaire. Le foyer familial est jugé plus important que le village.