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Premières influences

Les anciennes céramiques mises au jour lors de fouilles archéologiques se caractérisent par leur simplicité. Bien plus tard, l’influence des royaumes khmers primitifs se fait sentir, dès le début du IXe siècle, ainsi qu’en atteste le site Vat Phou, ou temple de la montagne, érigé dans le sud du pays. Ce temple khmer, probablement construit en l’honneur de Shiva, montre à quel point la culture khmère a inondé un immense territoire incluant le Laos actuel. À l’entrée, une sculpture d’éléphant qui semble étonnamment moulée dans la pierre accueille le visiteur depuis des siècles. Les dieux hindous et les apsaras taillés dans les bas-reliefs jalonnent cette plongée au cœur des origines de la culture lao, sur ce site exceptionnel qui continue d’être vénéré par le peuple lao.

En 1353, le Lan Xang, ou pays du million d’éléphants, est fondé par Fa Ngum. Le royaume se consolide grâce à l’appui du roi khmer, son beau-père. C'est encore lui qui offre à son gendre une image sacrée du Bouddha, le Phra Bang, devenu le palladium du nouveau royaume. Suite à cela, le Laos adopte le bouddhisme du Theravâda, la « Doctrine des Anciens », considérée comme la plus fidèle à l'enseignement du Bouddha.

En dépit des contacts avec d’autres cultures, notamment khmère, thaïlandaise et vietnamienne tout au long de son histoire, l'art du Laos parvient à développer à partir du XIVe siècle une réelle originalité qui se ressent aussi bien en architecture que dans les arts plastiques.

Un art religieux

Il est bon de garder à l’esprit que l’art lao est fondamentalement religieux. Les peintures et sculptures bouddhistes constituent la majorité des créations artistiques. Loin d’être en quête de naturalisme, les artistes s’attachaient à suivre fidèlement les codes de représentation élaborés d’après les textes. C’est pourquoi on note dans certaines sculptures une stylisation extrême qui n’est jamais gratuite. Ce procédé permet de rendre, par exemple, un corps lumineux à travers un vêtement monastique. D’innombrables œuvres d'art sont conservées dans les monastères, les vat. Les somptueux décors, peints ou gravés avec grâce rehaussent la splendeur des édifices. Leur rôle premier n'est pas d’ordre esthétique mais il consiste à assurer la protection du sanctuaire. Gardiens sculptés sur les vantaux, toitures bordées de nâga – les serpents polycéphales qui veillent sur les trésors –, divinités sur les frontons des façades. Les motifs végétaux occupent également une fonction bienfaisante car lianes ou arbres stylisés exaucent les souhaits.

Le Bouddha lao traditionnel se caractérise par un visage ovale et des arcades sourcilières fortement courbées. Son œil peut être incrusté de nacre ou d'argent. À partir du XVIIIe siècle, son nez busqué évolue vers une forme en bec d'aigle et le lobe de son oreille s’étire de manière stylisée. L'ushnisha, la protubérance en saillie sur sa tête couronnée de cheveux aux boucles serrées, est surmontée d'une flamme ou d’une pointe. L’habit monastique couvre tout le corps ou laisse voir une épaule pour figurer le Bouddha Bienheureux. Deux mudras ou positions des mains se retrouvent uniquement dans la sculpture laotienne. « L’appel de la pluie » présente Bouddha debout, bras le long du corps et doigts pointés vers le sol, tandis que dans la posture de la « Méditation sous l’arbre de l’Éveil » Bouddha croise les bras sur le torse, au niveau des poignets.

La sculpture lao

L'âge d'or de la statuaire lao se situe entre le XVIe et le XVIIIe siècle. De superbes exemples de bouddhas laotiens de cette période sont visibles à Ho Phra Keo, à Wat Sisakhet et au Nuang Prabang National Museum.

Les sculpteurs recourraient à une large gamme de techniques : parmi les métaux employés, le bronze est le plus usité. Les métaux précieux sont réservés aux petits objets, hormis de rares exceptions en or comme le Phra Say du XVIe siècle ou le Phra Bang, d’origine incertaine. En 1798, le Laos passe sous contrôle du Siam (Thaïlande) jusqu’à la fin du XIXe siècle. La sculpture subit une forte influence des styles Ayutthaya et Bangkok.

Le bronze, alliage de cuivre appelé samrit, peut contenir des métaux précieux ou un fort pourcentage d’étain qui procure aux statues une teinte gris foncé d’aspect brossé. D’autres images sont composées d’un fort taux de cuivre et d’or qui permet de moduler les tonalités comme le Bouddha de Vat Chantabouri de Vientiane. Le bronze facilite la fabrication d’images colossales, telles que l’on en rencontre profusément au Laos. Parmi les plus célèbres et les plus anciennes statues colossales, le Phra Ong Teu (XVIe siècle, Vientiane), le Phra Ong Teu de Sam Neua, la sculpture de Vat Manorom (XIVe siècle, Luang Phrabang). Seuls subsistent la tête et le torse du Bouddha de Manorom, mais ces vestiges nous éclairent sur la conception des sculptures monumentales anciennes, qui étaient fabriquées par parties avant d’être assemblées.

La période coloniale française marque quant à elle le déclin des représentations de Bouddha. L’art traditionnel lao opère un remarquable virage dans le fantastique jardin de sculptures réalisé par l’artiste thaïlandais et chef spirituel Bunleua Sulilat (1932-1996), à 25 km de Vientiane. Le Buddha Park accueille des œuvres monumentales en béton armé qui présentent des caractéristiques de l’art naïf et de l’art brut. Il faut savoir que le sculpteur a déclaré qu’il ne s’était jamais essayé à la sculpture avant ce projet.

Gravure sur bois

Autrefois le Laos était en grande partie recouvert par la forêt. Ses ressources favorisèrent l’émergence du travail du bois. La gravure sur bois a ainsi acquis le statut d’art traditionnel et avec l’essor du bouddhisme, cette discipline joua un rôle croissant dans la production d’images de Bouddha. Elle servit également à embellir l’encadrement de portes des temples et des palais, des piliers, des toitures, des linteaux et de frises décoratives. Durant la période Lane Xang, des menuisiers qualifiés furent engagés pour produire des trônes ainsi que toutes sortes d’éléments de mobilier en bois. Au début du XXe siècle, avec l’apparition d’une classe moyenne en demande de beaux ouvrages, leur travail connut une forte explosion. Malheureusement, les années 1970 s’accompagnent d’un déclin des pratiques bouddhistes traditionnelles et par conséquent, d’une perte des méthodes ancestrales de gravure sur bois.

Il existe d’innombrables sculptures sur bois à l’effigie de Bouddha. Signalons la célèbre grotte située près de Luang Prabang. C’est ici qu’au fil des siècles, des centaines de sculptures en bois ont été rassemblées par les locaux et les pèlerins sur le sol et le long des murs de Pak Ou (à l’embouchure du fleuve Ou).

Peinture bouddhiste

Les fresques et bas-reliefs, ainsi que les tentures peintes servant de support à la méditation et à l’enseignement constituent les formes majeures de la peinture laotienne. Parmi les thèmes religieux, les images du Jataka, version laotienne du Râmâyana étaient illustrées sans perspective, à l’aide de lignes simples et d’aplats monochromes, sans jeux d’ombre ni dégradés. Les personnages répondent à des normes strictes. Les fresques qui ornent les temples laotiens sont peintes sur du stuc, support qui les rend fragiles et susceptibles de s’effriter. Ces peintures murales nécessitent de fréquents travaux de restauration. Cependant de magnifiques exemples sont visibles à Vat Sisakhet (Vientiane), à Vat Pa Heuk et Vat Siphouthabath (Luang Prabang). Le Vat Pa Huak renferme des scènes d’une grande finesse et d’une originalité particulière. Les peintures sur tissu, drapeaux de prière suspendus sur des draps de coton, montrent des scènes du Jataka ou du Pharak Pharam. Elles sont suspendues durant la prière des moines.

Passage à l’ère moderne

La peinture à l’huile et l’aquarelle sont importées d’Occident durant la période coloniale française. La première école à enseigner ces techniques fut fondée par le peintre français Marc Leguay (1910-2001) qui enseigna à la National School of Fine Arts le dessin ou encore le travail du métal. Cet artiste peignit des scènes colorées de la vie quotidienne du Laos ainsi que les illustrations des timbres à la demande du gouvernement. Cependant, un style contemporain lao peine à s’affirmer. La plupart des cours sont axés sur la copie de maîtres occidentaux, de sorte que le Laos reste à l’écart des tendances internationales. Citons deux célèbres artistes d’origine laotienne : Vong Phaophanit (né en 1961 et basé à Londres) associe dans ses installations des matériaux locaux comme la soie, le riz et le bambou à des jeux de lumière ; Phet Cash, née en 1973, compose avec son mari Duane Cash des peintures abstraites qui rencontrent un franc succès aux États-Unis.
Pour avoir une première approche de l’art moderne lao, la National Institue of Fine Art expose dans son magnifique bâtiment des peintures, installations et sculptures d’étudiants locaux.

Vers demain

Depuis une quinzaine d’années, les galeries d’art éclosent à Vientiane. La première galerie d’art contemporain du Laos, Treasures of Asia, a ouvert en 2004.  Sa collection d’art contemporain laotien, la plus riche du pays, réunit tous les styles, du surréalisme à l’abstraction. Fondée en 2008, la M Gallery représente les artistes laotiens les plus célèbres et élargit son champ d’action aux pays voisins, Thaïlande, Vietnam et Singapour. Plus modeste mais non moins dynamique, la I:cat Gallery expose depuis 2009 des artistes contemporains locaux et internationaux. Elle organise en parallèle des concerts, lectures de poésie, défilés de mode, lancements de livres et événements d’art visuel.

L’institut français du Laos organise l’une des rares manifestations dédiées à la photographie : la Biennale de l'Image de Luang Prabang se veut une rencontre multiculturelle autour de l’art photographique. Sa sélection éclectique réunit artistes français et asiatiques autour des arts de l’image : art vidéo, art numérique, conceptuel et réaliste. En parallèle, des photographes indépendants proposent leur festival off. Tout au long de l’année, des peintres locaux exposent à l’Institut. Ouvert à tous les genres, l’institut a notamment mis le street art à l’honneur lors d’une exposition ponctuelle. Peu répandu au Laos, l’art urbain a la particularité d’investir les façades de quantité de sanitaires à travers le pays. Indépendants des habitations, ces cabanons en dur se transforment en supports multicolores. Avec l’accord des propriétaires, artistes locaux ou de passage parent ces cahutes de graffitis et de peintures originales.

Toujours à Luang Prabang, le Project Space insuffle un vent de nouveauté sur la scène culturelle laotienne. Depuis 2010, le lieu abrite expositions et événements sur ses trois étages complétés par un toit-terrasse. L’espace s’associe avec de nombreuses institutions culturelles afin de s’ouvrir à l’international et d’offrir un tremplin aux artistes locaux.