Hutte traditionnelle faite de branches et de terre. (c) shutterstock - alilearnseverything(1).jpg
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Le retour des vieilles coutumes

Plusieurs célébrations païennes, interdites pendant près d’un siècle, retrouvent aujourd’hui leurs lettres de noblesse. C’est ainsi que depuis son rétablissement en 2017, l’Umuganura, la fête des moissons, attire les foules chaque année dans les villes comme dans les campagnes. Les anciens dieux, autrefois tombés en désuétude, sont de nouveau célébrés et la médecine traditionnelle redevient populaire. Bien que 98 % de la population bénéficie de l’assurance maladie obligatoire, les Rwandais se tournent toujours vers les guérisseurs qui soignent grâce à des plantes médicinales et des incantations rituelles. Les umufumu, sorte de sorciers marabouts, se déplacent dans les villages à la demande des habitants afin d’apaiser les esprits et de pratiquer des exorcismes. Dans certains villages, l’habitat traditionnel fait son retour. Ces petites huttes constituées de branches et de terre glaise étaient autrefois utilisées comme habitations principales avant d’être remplacées par des maisons aux toits de tôle. Aujourd’hui, il n’est pas rare de voir des familles en construire une au fond du jardin pour en faire un lieu de prière et d’invocation des esprits. Ce regain de popularité des vieilles coutumes se manifeste surtout lors des mariages qui sont encore souvent célébrés à l’ancienne avec des danseurs Intore qui se déhanchent au son des percussions tribales. La mariée arbore le mushanana, une tenue traditionnelle qui se porte avec un bustier et une étole drapée par-dessus l’épaule.

La famille, une notion centrale

La notion de famille, inzu, est très importante pour les Rwandais. Dans les campagnes, il n’est pas rare de voir des fratries de huit ou de dix. Au pays des mille collines, une famille sans enfant est considérée comme incomplète et même maudite. C’est pourquoi une personne qui meurt sans héritier est parfois enterrée avec un morceau de charbon de bois pour signifier que sa mémoire s’éteint pour de bon, tandis qu’une torche allumée précédera le cortège funéraire d’un père ou d’une mère de famille. Cet engouement des Rwandais pour les familles nombreuses est un problème pour le gouvernement qui doit lutter contre l’explosion démographique du pays. Les autorités ont à plusieurs reprises invité la population à limiter le nombre d’enfants à trois par couple. Les familles ayant un ancêtre masculin commun forment ce qu’on appelle un umuryango, un clan dirigé par l’homme le plus âgé. Chaque famille sait à quel clan et à quel lignage elle appartient. L’une des spécificités étonnantes du Rwanda concerne le nom de famille. Contrairement à la coutume occidentale, les enfants ne portent pas le même que leurs parents. La plupart du temps, ils se voient attribuer un nom personnel au cours d’une cérémonie appelée kwita izina qui se déroule en principe le huitième jour après la naissance. La famille, les amis, les voisins, les enfants du quartier, tout le monde est convié à prendre part au kwita izina. Au cours de cette grande réunion festive, chaque participant, adulte comme enfant, donne un nom au bébé. Toutes les propositions sont permises à condition d’être personnalisées en fonction du caractère de l’enfant, de son physique ou de son histoire familiale. On pourra par exemple proposer Kezia (jolie) pour une petite fille ou Mihigo (vaillant) pour un garçon. Sont aussi admis les noms faisant référence à la religion ou à des personnages historiques. L’un des plus répandus est Imana qui signifie Dieu. Il y a également de nombreux Kagame comme le président. À la fin de la cérémonie, les parents font leur choix parmi toutes les propositions et le bébé est définitivement baptisé. En ce qui concerne le prénom, il est généralement issu du calendrier des saints catholiques. Emmanuel, Léon, Augustin, Madeleine ou encore Alice sont ainsi très populaires. Les prénoms religieux composés comme Jean de Dieu ou Jeanne d’Arc sont aussi monnaie courante.

Un modèle solidaire

Les Rwandais ont la réputation d’être timides et pudiques, ce qui ne les empêche pas d’être particulièrement sociables. Dans les villes comme dans les campagnes, l’entraide et la solidarité est de mise. Il n’est pas rare de rendre visite à sa famille, d’inviter des voisins ou bien d’aller voir un match de football entre amis. La question de la nourriture et du partage des repas est encore toutefois délicate pour certains Rwandais. Pendant des siècles, l’action de manger était considérée comme un acte primaire et déshonorant. Il fallait impérativement se cacher pour se nourrir. S’il est encore rare, sauf à Kigali, de voir des Rwandais manger en pleine rue, les invitations à dîner et les sorties au restaurant se démocratisent progressivement. Les citoyens du Rwanda sont très investis dans la vie communautaire. Tous les derniers samedis du mois, ils participent à l’umuganda, une journée consacrée à des travaux d’intérêt général au service de la collectivité. Ramassage des déchets, construction d’un pont, réfection d’une école, débroussaillage, toutes les compétences sont mises à profit. L’umuganda, inscrit dans la Constitution rwandaise, est obligatoire pour tous les hommes et les femmes entre 18 et 60 ans.

L’appel de la modernité

Si l’on observe un regain d’intérêt massif pour les vieilles coutumes, n’allez pas croire que le peuple rwandais vit dans le passé. Le pays tout entier est tourné vers l’avenir, avide de modernité et friand de nouvelles technologies. Dans les villes, tous sont habillés à l’occidentale, ont le dernier téléphone à la mode et surfent sur les réseaux sociaux. Les jeunes sont de plus en plus nombreux à faire leurs études à l’étranger et à voyager. Dans les discothèques de Kigali, l’alcool coule à flots et on fait la fête jusqu’au bout de la nuit. Le Rwanda se réinvente, il se rêve en une sorte de Singapour africain. S’il est profondément imprégné depuis la colonisation par la culture occidentale, le pays des mille collines doit aussi beaucoup à ses voisins africains comme l’Ouganda ou la République démocratique du Congo. Après le génocide, des millions d’exilés sont revenus après avoir passé des mois ou des années dans ces pays. Dans leurs valises, ils ont rapporté la langue anglaise mais aussi un peu de la culture et du mode de vie de ces pays. Le Rwanda est indéniablement le pays de la diversité.