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L’antiquité indienne

Nous connaissons la civilisation de l’Indus (éteinte vers 1700 avant notre ère) grâce aux découvertes archéologiques effectuées sur les sites de Mohenjodaro et Harappa (Pakistan), de Lothal (Gujarat) et de Ganganagar (nord du Rajasthan). Poteries, bijoux, sceaux et statuettes laissent entrevoir l’existence d’une civilisation élaborée. En revanche, nous ne possédons aucun monument témoignant d’un art aryen. Cette absence ouvre la porte à toutes les spéculations sur ces fameux envahisseurs qui seraient arrivés dans le nord-ouest de la péninsule à partir du XVIIe siècle avant notre ère. La religion védique se limitant à des sacrifices, les Aryens n’édifiaient sans doute que de simples autels, peut-être abrités par des temples en bois ou en terre. Avec l’essor du bouddhisme, apparaissent des constructions en pierre, des stupa et colonnes érigés par l’empereur Ashoka pour publier ses édits (IIIe siècle av. J.-C.). Ainsi, le grand stūpa de Sanchi, à 50 km de Bhopal, est le plus ancien sanctuaire bouddhique en pierre de l’Inde. Bâti il y a 3 millénaires, il est toujours debout et témoigne de l’origine de l’architecture bouddhique. Cependant, les premières statues du Bouddha ne voient le jour qu’au début de notre ère, en Afghanistan près de Kandahar (école « gréco-bouddhique » du Gandhara) et à Mathura dans l’actuel État indien de l’Uttar Pradesh, sous la dynastie Kushan (Ier-IIIe siècle). Les artistes afghans, lointains descendants des sculpteurs arrivés avec Alexandre le Grand, ont alors conservé une finesse d’exécution qui influencera l’art hindou ultérieur, au Rajasthan particulièrement.

L’âge moghol

L’installation du sultanat de Delhi, à la fin du XIIe siècle, s’accompagne d’une destruction systématique des temples hindous remplacés par des mosquées. Pour les bâtir, les sultans emploient des artisans locaux, ce qui explique une certaine continuité, particulièrement dans les ornementations très riches des premiers édifices. Les versets coraniques gravés dans la pierre remplacent désormais les images des dieux. À Delhi, au début de 1200, Qutb-ut-Din-Aibak, le général qui a établi le sultanat, ordonne la construction du complexe du Qutub Minar comme le symbole du pouvoir de la nouvelle dynastie. Ce minaret est bâti en grès rouge qui provient de la destruction des temples jaïns et hindou. Richement décoré de motifs géométriques et d'inscriptions coraniques, c’est la plus haute tour de pierre en Inde. Le minaret s'élève à 73 mètres et sert de marqueur aux nouvelles populations musulmanes. Au nord-est du Minar, la mosquée Quwwat-ul-Islam construite par Qutub-ud-Din Aibak en 1198 apr. J.-C. est à voir. C'est la plus ancienne mosquée du pays. Petit à petit, l’influence iranienne se fait de plus en plus sentir, surtout après l’arrivée des Moghols au XVIe siècle. La puissante dynastie fait venir de nombreux artistes d’Iran. Elle est remarquable par la splendeur de ses tombeaux. Malgré l’interdiction coranique de représenter des êtres vivants, les empereurs Humayum et surtout Akbar, l’amoureux des lettres et des arts, favorisent l’essor des miniatures, elles aussi inspirées de l’Iran. L’école moghole reprend surtout des scènes de cour évoquant un style de vie très lointain de la rigueur islamique. Sous le règne de Shah Jahan seront construits le Lal Qila (Fort Rouge), flamboyante citadelle qui doit son nom à ses imposants murs d’enceinte en grès rouge et la Jama Masjid (la grande mosquée de Delhi). La plus grande mosquée d’Inde recouverte de grès rouge et de marbre, comme le Fort Rouge (classé depuis 2007 au patrimoine mondial de l’Unesco), révèlent la splendeur de la dynastie des Moghols. Mais ce qui va marquer l’apogée de l’architecture moghole, c’est la construction du Taj Mahal d’Agra.

Le Taj Mahal, chef-d’œuvre de l’art moghol. Classé parmi les 7 merveilles du monde ainsi qu’au patrimoine mondial de l’Unesco, monument emblématique du pays, mondialement connu, le Taj Mahal se trouve près d'Agra, dans l'État de l'Uttar Pradesh, à 200 km au sud de New Delhi. Les travaux de cet immense édifice funéraire, merveille de l’architecture moghol, ont débuté vers 1630 sous les ordres de l'empereur moghol Shah Jahan, pour honorer la mémoire de son épouse préférée Mumtaz Mahal. Il aura fallu 20 ans et 20 000 artisans pour accomplir la construction du plus grand chef-d’œuvre de l’art moghol à la croisée des architectures islamique, iranienne, ottomane et indienne. Si le mausolée achevé en 1648 reste l’élément le plus célèbre, le Taj Mahal est un ensemble d’édifices, de jardins, de plans d'eau et de fontaines qui se divisent en 3 parties orientées selon l’axe sud-nord à la symétrie parfaitement organisée, qui permettent au visiteur une progression naturelle et spirituelle. Tout d’abord, la première partie au sud est la cour intérieure. Nommée Jilaukhana, c’est un élément architectural moghol qui représente un espace transitionnel. C’est l’antichambre de la purification entre le monde extérieur, incarné par la ville et la deuxième section composée par des jardins qui symbolisent le paradis, la vie spirituelle. Entourés de pelouses, 4 pavillons se trouvent aux angles dont les mausolées des deux premières épouses de Shah Jahan et deux autres bâtiments dont l’office de tourisme. Au nord, l’imposante Darwaza-i-rauza, merveille de l'architecture moghole, est la grande porte d’accès au jardin et matérialise ce passage au paradis. 11 dômes encadrés de deux mâts surmontent cet iwan (porte que l’on retrouve dans l’architecture perse) à la marqueterie magnifiquement travaillée. La construction est entourée de deux tours octogonales qui lui donnent un aspect militaire. La deuxième partie est constituée par les jardins du Taj Mahal qu’on appelle Chahar bagh. Dans ces jardins perses à la forte influence musulmane, tout est parfait comme au paradis : les pelouses, la symétrie et la disposition des différents éléments. Dans les 4 plans d'eau, le Taj Mahal se reflète. Enfin, la 3e et dernière partie au nord est la plus sacrée. Sur cette grande plateforme en marbre de 10 000 m2 appelée Chameli Farsh, à 7 mètres de hauteur, se trouvent, à droite, la mosquée et à gauche, Jawab, le pavillon des invités. Placé sur une autre terrasse, parfaitement carrée, le célèbre mausolée finement ciselé en marbre blanc et incrusté de pierres précieuses ressemble à un palais tant il est somptueux. Surmonté d’un immense dôme central en forme de bulbe et malgré ses proportions impressionnantes, il est harmonieux et d'une grande légèreté grâce à la finesse de ses façades creusées par les iwan, ces porches géants en forme d'ogive. Un rempart rectangulaire, haut et protecteur ceint l’ensemble. La partie nord de l’enceinte, face au fleuve est incrustée de décorations très fines elles aussi en marbre blanc.

La période rajput

Très vite, les souverains rajput se laissent influencer par l’architecture moghole. Les austères forteresses font place à des réalisations beaucoup plus sophistiquées, avec salles de réception publiques (diwan-i-am) ou privées (diwan-i-khas) et quartiers réservés aux femmes (zenana).

L’une des caractéristiques de l’architecture rajput, cette fois empruntée par les Moghols, est l’usage des pavillons à toits incurvés (chhatri), que l’on retrouve aussi bien dans les palais que dans les cénotaphes, les monuments funéraires. La bourgeoisie locale se lance aussi dans la construction de magnifiques demeures familiales (haveli), rivalisant parfois de splendeur avec les palais royaux. Dotées de nombreuses fenêtres et de cloisons ajourées comme les moucharabieh, ces opulentes demeures bénéficient d’une ventilation naturelle. Les plus belles façades disparaissent derrière les jharokhā (loggias), elles-mêmes ornées de fines jali, (écrans de pierre ajourés servant de fenêtres). Même les puits sont enrichis de chhatri et parfois d’escaliers savamment disposés (on parle alors de baori). À partir du XVIIe siècle, les riches marchands du Shekhawati (sur la route de la soie) font édifier de nouvelles havelis. Des résidences remarquables pour leurs fresques murales évoquant aussi bien la vie de Krishna ou le Rāmāyana, que les progrès techniques introduits par l’Occident (automobiles, phonographes, machines à coudre).

Le Palais des vents, splendeur de l'architecture rajput. Reconnaissable entre mille, sa silhouette est la plus célèbre de Jaipur, la capitale du Rajasthan. En 1799, le maharaja Sawai Pratap Singh, petit-fils du fondateur de la cité, ordonna la construction de cet édifice en se basant sur les plans de l'architecte Lal Chand Ustad. Hawa Mahal (le Palais des vents) est dédié au dieu hindou Krishna, d’ailleurs son architecture est basée sur le modèle de la couronne du Seigneur Krishna. Assorti aux couleurs des bâtiments roses de Jaipur surnommée la « Pink City », le grès rouge et rose confère un charme fou à sa façade dont les nuances changent avec le soleil. Le Palais des vents doit son nom à ses nombreuses ouvertures qui permettent à l’air de circuler en utilisant l'effet venturi. Les fontaines de la cour intérieure lui apportent également beaucoup de fraîcheur. Il fut la résidence d'été des maharajas. Ce palais pyramidal de 15 mètres de hauteur est orné de 61 oriels (fenêtres en relief) délicatement sculptées. Ressemblant à une ruche avec ses 953 petites fenêtres en nid d’abeilles, chaque fenêtre appelée jharokhā est équipée d’un treillis permettant aux femmes du harem de regarder à l'extérieur sans être vues puisqu’elles observent strictement les règles du purdah (rideau), à savoir se couvrir le visage.

Les forts des collines du Rajasthan.  L'Unesco a inscrit 6 forts au patrimoine mondial en 2013. Parfaite illustration des centres fortifiés des États princiers du Raj entre le VIIIe et le XVIIIe siècle, ils reflètent également leur rôle en tant que centre de culture de cour et de mécénat des arts. Ces 6 forts sont des manifestations architecturales de la valeur, de la bravoure, du féodalisme et des traditions culturelles rajputes. À l'origine, ces forts étaient construits à des endroits stratégiques pour protéger des garnisons, mais ils abritaient aussi des palais et des centres urbains.

Le fort d’Amber : situé à 11 km de Jaipur, sa construction en grès rose et marbre blanc a été commencée en 1592, sous Raja Man Singh Ier, pour connaître sa forme définitive en 1727. Placé stratégiquement sur la route entre Delhi et Ajmer, le fort fut la capitale de nombreuses dynasties.

Le fort de Jaisalmer : édifié en 1156 par le Raja Rawal Jaisal, il est l'un des plus anciens forts du Rajasthan. Ses remparts, hauts de 76 m, courent sur plus de 5 km et 99 bastions ont été aménagés pour défendre la forteresse et surveiller les allées et venues dans le désert de Thar.

Le fort de Chittorgarh : l’un des plus imposants de toute l’Inde, il pouvait accueillir une armée de 50 000 hommes. Des 130 temples de jadis, il n’en reste que très peu. Le Stambha Vijay (tour de la Victoire) se dresse encore fièrement du haut de ses 37 mètres et symbolise la ville de Chittor.

Le fort de Kumbhalgarh : ses 36 km de muraille en font la troisième plus grande enceinte fortifiée au monde après la Grande Muraille de Chine et Gorgan en Iran. Édifié de 1443 à 1458 au sommet de plusieurs collines, le fort offre une vue magnifique sur la chaîne des Aravalli.

Le fort de Ranthambore : à l'intérieur du Parc national de Ranthambore, davantage apprécié par les visiteurs étrangers pour ses tigres que pour son fort. Il attire néanmoins de nombreux pèlerins indiens, notamment au moment de Ganesh Chaturthi (début septembre) car le fort abrite le seul temple dédié au dieu éléphant au Rajasthan.

Le fort de Gagron : le moins connu et le moins visité de tous, il n'en demeure pas moins intéressant. Sa construction a duré 700 ans, entre le VIIe et le XIVe siècle. Érigé à la confluence de deux rivières, il est protégé par des douves naturelles sur trois de ses flancs.

L’influence britannique

L’arrivée des Anglais dans le Rajasthan, au début du XIXe siècle, suscite de nouvelles aspirations dans les classes aisées et, bien sûr, chez les maharajas. Profitant de la Pax Britannica, ces derniers peuvent oublier leurs soucis militaires pour se concentrer sur les plans de nouveaux palais. On parle alors d’une architecture indo-sarracénique (ou anglo-indienne), mêlant avec audace les styles victoriens et gothiques venus d’Europe aux influences rajput et mogholes : arcs polylobés, chhatri (structures indiennes en forme de pavillon ou de dômes) mais aussi fenêtres gothiques et tours à horloge semblant s’échapper du fog londonien. L’architecte anglais Sir Samuel Swinton Jacob (1841-1917) est à l’origine de nombreuses réalisations au service des souverains parmi lesquels le superbe St John’s College à Agra paré de grès rose avec ses chhatri élancés qui couronnent le toit ou encore le luxueux Rambagh Palace. Connu sous le nom de « joyau de Jaipur », le Rambagh Palace est l'ancienne résidence du maharaja de Jaipur. Le premier bâtiment construit en 1835 fut converti en 1887 en un pavillon de chasse sous le règne du maharaja Sawai Madho Singh. Puis au début du XXe siècle, il est agrandi pour constituer un véritable palais à l’architecture impériale extrêmement raffinée. La famille royale le transforme en hôtel de luxe en 1957. Près du Hawa Mahal, l’Albert Hall, conçu par Samuel Swinton Jacob sous le règne du maharaja Ram Singh, est un excellent exemple de l'architecture indo-sarrasine. Ouvert comme musée en 1887, Albert Hall Museum reste le plus ancien musée de Jaipur. On peut même y voir une momie égyptienne. Situé à Bikaner, le Palais de Lalgarh construit entre 1902 et 1926 pour Ganga Singh, le maharaja de Bikaner, est splendide. Bâti avec du grès rouge, ses pierres proviennent du grand désert du Thar et ses nuances évoluent au fil de la journée. Pendant la période des Indes britanniques, les fonctionnaires de la Compagnie des Indes orientales ont séjourné dans ce palais, mélangeant l'art moghol, une structure rajput et des modèles européens. Une partie du palais appartient toujours à la famille princière du maharaja Ganga Singh tandis que l’autre a été convertie en hôtel de luxe en 1972. Ses treillis, ses colonnades et ses filigranes s'inspirent de l'architecture italienne traditionnelle. L’intérieur, les halls luxueux et les salons royaux sont richement décorés de bois, de céramiques, de marbre et de majestueux piliers de grès. Enfin, le Mayo College d’Ajmer a pour modèle les internats britanniques, en particulier le prestigieux collège d’Eton, l’une des plus prestigieuses public schools britanniques. Le major Mant, architecte militaire est en charge des travaux et travaille le même marbre que celui qui fut utilisé pour construire le Taj Mahal. Les travaux s’achèvent en 1885 après avoir duré 8 ans. Dès 1875, l’établissement au chic victorien accueille les fils de maharajas qui sont répartis dans différentes maisons selon leur âge. L’édifice principal est de style indo-sarrasin, il incorpore des éléments architecturaux hindous, islamiques et européens symbolisant ainsi l’harmonie entre les différentes communautés.

Delhi

À partir de 1927, l’administration coloniale confie aux architectes britannique Edwin Lutyens et Herbert Baker, la tâche de dessiner les plans de la nouvelle capitale, New Delhi, au sud de la vieille ville. Symbole du rayonnement de l’Empire britannique, les architectes mélangent les influences britanniques et indigènes. Les nouveaux bâtiments officiels sont bâtis en grès beige et rose. Les jardins sont d’inspiration moghole. New Delhi est inaugurée le 13 février 1931. Elle est bâtie selon un plan radial autour d’une rotonde centrale, Connaught Place, et est entourée de parcs. Le palais du vice-roi (actuel Rashtrapati Bhawan, ou palais du président de la République) reprend, avec un peu plus de classicisme et de majesté, l’inspiration anglo-indienne. On peut voir certains éléments de l’architecture de l’ancienne ère bouddhiste sur les chapiteaux des colonnes et l’écran autour du tambour sous le dôme principal. La période est également marquée par la popularité de l’Art déco, un style que l’on retrouve aussi bien sur les grandes avenues de New Delhi que dans des pavillons de chasse perdus dans la campagne rajput. La dernière grande réalisation de l’ère coloniale, le superbe palais de l’Umaid Bhawan, en grès jaune de Chittar, est niché au cœur d’un vaste jardin de 10 hectares à Jodhpur. Visible partout dans la ville grâce à son impressionnante coupole, le palais Umaid Bhawan symbolise le triomphe de l’Art déco, sous la signature de l’architecte H. V. Lanchester. C’est le maharaja Umaid Singh qui posa la première pierre en 1829 de ce palais qui comporte 347 pièces dont une aile est toujours habitée par la famille royale.

Les grands architectes de Delhi

Shah Jahan (1592-1666). L’empereur moghol a laissé une empreinte manifeste sur la ville puisqu’on lui doit le quartier de Old Delhi. Il fit également construire le Fort rouge et la grande mosquée Jama Masjid, deux des monuments les plus importants et emblématiques de Delhi.

Edwin Luytens (1869-1944). Cet architecte britannique réalisa la ville de New Delhi en 1931. Il a également conçu l’India Gate pour rendre hommage aux soldats indiens disparus pendant la Première Guerre mondiale.

Baldeodas Birla (1863-1956). Issu d’une des familles les plus influentes d’Inde, l’entrepreneur indien a dessiné le Laxmi Narayan Mandir, entre 1933 et 1939.

Joseph Allen Stein (1912-2001). Cet architecte américain fut, à partir de 1955, le chef du département d’architecture au Bengal Engineering College de Calcutta. Il a contribué à l’essor architectural de Delhi durant la seconde moitié du XXe siècle. On lui doit notamment l’India Habitat Center et l’India International Center.

Fariborz Sahba (né en 1948). Architecte iranien de confession bahá’íe, il a réalisé le Lotus Temple en 1986. Ce temple bahaïste aussi appelé Bahá'í House of Worship est un lieu ouvert à toutes les religions.