shutterstock_713909581.jpg
shutterstock_1784647241.jpg

Trésors antiques et médiévaux

C’est aux Romains que l’on doit le plan en damier de nombreuses villes d’Istrie. Au cœur de ces villes se trouvait le forum ou grande place publique. À Poreč, une partie du dallage originel en a été conservé, tout comme à Pula. Autour de cette place centrale se trouvaient les édifices clés de la cité : temples et basiliques en tête, comme le temple d’Auguste à Pula. Les Romains dotèrent également l’Istrie d’étonnants aqueducs. Non loin de Trieste subsistent les vestiges d’un aqueduc autrefois long de 17 km. Monumentale et fonctionnelle, l’architecture romaine est aussi tournée vers les loisirs comme en témoigne l’amphithéâtre de Pula, ellipse de 133 m sur 105 dotée d’impressionnantes arcades. Les grands domaines ruraux opèrent, eux, une fusion entre fonctionnalité et luxe. Vous pourrez observer les vestiges d’une grande villa avec thermes et temples sur l’île de Veliki Brijuni. Enfin, les Romains excellent dans l’architecture à la gloire du pouvoir, comme l’illustrent bien l’arc de triomphe des Serges à Pula, surnommé la porte d’Or, et l’étonnant arc de Riccardo à Trieste.

L’Istrie impressionne également par la richesse de son patrimoine paléochrétien et byzantin. Poreč abrite un superbe témoin des débuts de la chrétienté : le complexe épiscopal de la basilique Euphrasienne. Disposés autour d’un atrium aux colonnades de marbre, se trouvent notamment une chapelle tréflée, un baptistère octogonal et une basilique à trois nefs et trois absides, un chef-d’œuvre d’harmonie. Marbres polychromes, dorures, fresques et mosaïques caractérisent l’art décoratif byzantin. De très beaux exemples sont à voir dans la cathédrale San Giusto à Trieste.

Le premier Moyen Âge s’accompagne de l’essor de nombreux villages fortifiés dotés de châteaux et tours défensives. Les nombreux « villages perchés » de l’Istrie croate (inspirés des cités fortifiées des antiques Histres), tout comme Piran ou Rovinj, conservent un urbanisme médiéval : labyrinthe de ruelles étroites, rues en escaliers, passages voûtés… Au cœur de ces fortifications, se déploie un beau patrimoine roman tout en sobriété, telle l’église Saint-Jérôme de Hum avec son abside semi-circulaire et l’église de la Sainte-Trinité à Hrastovlje. La tour médiévale crénelée de Motovun annonce, elle, la transition vers le gothique.

Empreinte vénitienne

Sous les Vénitiens, la piazza devient le centre névralgique du pouvoir. À Koper, la place Tito est ainsi entourée du palais prétorien, typique du gothique vénitien avec ses créneaux superbement ciselés, de la loggia aux très belles arcatures, de l’armurerie et de la cathédrale – toutes les fonctions de la ville réunis en un lieu central. À Piran, la place Tartini, ouverte sur la mer, est bordée de l’hôtel de ville frappé du lion de saint Marc et de l’église Saint-Georges, le duomo, dont on admire le clocher vénitien et le baptistère en rotonde. La ville de Rovinj possède même une réplique du campanile de Saint-Marc : la tour-clocher de l’église Sainte-Euphémie dont on admire la loggia sommitale et la corniche saillante. Durant la Renaissance, les Vénitiens continuent également à fortifier villes et villages, dotant leurs enceintes de superbes portes, à l’image de la porte Muda de Koper en forme d’arc de triomphe. D’autres exemples sont à voir à Poreč et dans les « villages perchés » croates comme à Buzet, Hum ou Pazin, qui possède l’un des plus beaux châteaux d’Istrie, aux volumes massifs allégés par une belle galerie en encorbellement. C’est avec le baroque que les Vénitiens expriment le mieux leur désir de grandeur et de splendeur. Partout se dressent de somptueux palais, tel le palais Belgramoni Tacco à Koper. Mais le baroque, art total dynamitant les codes et dynamisant l’espace, trouve sa plus parfaite expression dans les édifices religieux, comme la superbe basilique Santa Maria Maggiore de Trieste avec sa nef centrale surmontée d’une coupole librement inspirée de l’église du Gesù à Rome.

Influence germanique

Après l’effervescence vénitienne, les Habsbourg se tournent vers l’ordre et la rigueur, comme en témoigne le quartier Teresiano de Trieste avec son quadrillage strict et ses immeubles parfaitement calibrés. Sous la domination austro-hongroise, une étonnante dualité se met en place. D’un côté, l’architecture militaire continue de se développer comme à Pula avec la zone protégée du fort Musil ou les galeries souterraines Zerostrasse. De l’autre, la haute société austro-hongroise affiche richesse et pouvoir via un étonnant éclectisme. Trieste possède les plus beaux témoins de cette période, dont beaucoup sont l’œuvre de l’architecte Eugenio Geiringer, tels le néoclassique palais de la Mairie, le palais de la Banque d’Italie néo-Renaissance, le palais des Assurances générales aves ses colonnades néogrecques ou bien encore les villas Bavesi et Geiringer aux silhouettes de forteresses médiévales. Cet éclectisme trouve son apogée dans le château de Miramare, fusion étonnante de roman, gothique et Renaissance, imaginé pour l’archiduc Maximilien. Au tournant du siècle, Trieste se fait plus moderne comme en témoignent la maison Smolars aux douces courbes Liberty – nom de l’Art nouveau en Italie – et le palais Aedes imaginé sur le modèle des gratte-ciel new-yorkais. La période austro-hongroise voit également se développer le tourisme balnéaire. Les hôtels Belle Époque tout en stucs, ors et verrières fleurissent dans les petites stations de l’Adriatique, tout comme les villas mêlant motifs antiques et médiévaux. Lovran en est considéré comme le berceau. La ville possède également un superbe lungomare, une promenade piétonne longeant la mer.

En parallèle de quelques touches contemporaines – comme l’étonnant M de béton du sanctuaire de Montegrisa sur les hauteurs de Trieste, la très sobre galerie de Carlo Scarpa s’intégrant parfaitement au palais Revoltella triestin ou le Sports Hall de Bale à la façade en pierre d’Istrie imaginé par l’agence croate 3LHD –, l’Istrie se consacre surtout à la préservation et la réhabilitation de son patrimoine. Le Groupe de Pula travaille ainsi à la réintégration d’anciennes zones militaires dans le tissu urbain, tel le fort Casoni Vecchi qui accueille le festival Monte Paradiso consacré à la musique… punk ! Le patrimoine ou le trait d’union entre les époques.