La Préhistoire

Le Nord et l'humanité, c'est une très vieille histoire. Les premières traces avérées d'une présence humaine remontent à 500 000 ans avant notre ère. Ce sont des bifaces, un outil de pierre taillée, trouvés aux alentours de Quievy, dans le Cambrésis, qui en attestent. Un immense saut dans le temps plus tard et nous voici arrivés entre 60 000 et 40 000 av. J.-C. : l'activité humaine est ici aussi attestée par des traces d'occupation, notamment sur les communes de Marcoing, Busigny ou Hamel.

La fin de la Préhistoire (caractérisée par l'apparition de l'écriture en Mésopotamie, entre 3500 et 300 av J.-C.) laisse planer encore bien des zones d'ombre, notamment autour des cromlechs, pierres dressées et autres monolithes. Ces monuments parsèment encore le Nord : les pierres jumelles de Cambrai ou le Polissoir d'Ors sont toujours debout depuis le Néolithique

L'Antiquité

La Gaule belge et les Nerviens

"De tous les peuples de la Gaule, ce sont les Belges les plus braves". Ces mots, historiques, sont tirés des Commentaires sur la guerre des Gaules, écrits par Jules César, empereur romain et témoin de première main sur les peuples du Nord durant l'Antiquité. Cependant, les Belges dont il parle dans ses écrits sont un groupe de population antique composé de plusieurs tribus : les Ménapiens, les Morins, les Atrébates et surtout les Nerviens, qui s'installent dans ce qui est aujourd'hui l'Avesnois. Arrivés entre le Ve et IIe siècle av. J.-C., à la suite des mouvements migratoires des peuples celtes, ils vivent plutôt en hameaux, autour de fermes.

 

Peuple réputé particulièrement guerrier et commerçant, c'est très logiquement que les Nerviens décident de se révolter contre l'invasion romaine, débutée en 57 av. J.-C., aux côtés des autres peuples de la Gaule belge. Après plusieurs batailles aux issues incertaines (dont celle de la Sabis) et après avoir renforcé les troupes de Vercingétorix, les combats cessent en 50 av J.-C. : César a gagné et la Gaule belge devient Gallia Belgica. C'est le temps de la Pax Romana, la paix romaine.

L'Antiquité

Sous l'Empire romain

Habitués à intégrer de nouvelles provinces à un Empire en expansion constante, les Romains savent comment procéder : pacifier et romaniser. Ils créent donc, pour ce faire, à tour de bras : villes, réseaux routiers, infrastructures. Et voilà comment naissent Cassel et Bagacum Nerviorum, capitale des Nerviens et devenue Bavay !

Un temps de prospérité arrive alors, avec un habitat se densifiant autour de nombreuses villae et des vici, des hameaux établis autour des routes commerciales. L'agriculture, déjà bien implantée, se développe de plus en plus avec la culture du blé et l'élevage de moutons. Bagacum se transforme en un centre commercial de premier ordre, important et exportant dans tout l'Empire de nombreux produits (céramique, poterie, huiles, vin...) notamment grâce aux Chaussées Brunehaut, des routes reliant entre elles les cités de la Gaule belge.

Cependant, dès la fin du IIe siècle, les premières invasions barbares donnent lieu à des pillages et des destructions. Les Francs, Germains et Alamans profitent des faiblesses d'un Empire fragilisé et de moins en moins apte à défendre ses frontières. Cassel et Bavay perdent ainsi leur titre de capitales, remplacées par Tournai et Cambrai.

Une nouvelle invasion, celles des Francs Saliens menés par Clodion le Chevelu, porte probablement le coup fatal. Le Nord se germanise et le christianisme - porté par Clovis - prend une place de plus en plus importante : il est venu le temps des Royaumes francs, des Mérovingiens... et du Moyen Âge !

Le Moyen-âge

Des temps épiques

Clovis, Dagobert, Charlemagne, Brunehaut et Frédégonde : les noms illustres se succèdent alors que s'organisent les fiefs francs, véritables royaumes indépendants. Ce qui deviendra le département du Nord est divisé en deux par le Traité de Verdun, signé en 843 avec, d'un côté, le Royaume de France et, de l'autre, le Saint-Empire romain germanique. À une époque où le système féodal est d'une effroyable complexité, on note la montée en puissance du christianisme dans la société (l'évêque de Cambrai devient par exemple comte du Cambrésis en 1007) ainsi que la multiplication des cités bâties en bord de fleuve : Lille, Valenciennes ou Landrecies.

 

La bataille de Bouvines

 

Cette prédominance seigneuriale et le morcellement du territoire connaissent un brutal coup d'arrêt le 27 juillet 1214 près de Bouvines, lors d'une bataille qui voit s'opposer les troupes royales françaises de Philippe Auguste à celles d'une coalition constituée de princes et seigneurs flamands, allemands et français et menée par l'empereur du Saint-Empire, Otton IV. Vainqueurs de cet affrontement, Philippe Auguste et la dynastie capétienne sortent renforcés dans leur légitimité vis-à-vis des seigneurs en plus d'avoir agrandi le Royaume de France et de s'être débarrassé de l'hostile Jean sans Terre. L'unité nationale approche !

 

 La guerre de Cent Ans

 

Le Nord aurait pu laisser le temps suivre son cours mais, par le biais des alliances et allégeances entre les différents comtes régnant sur la Flandre et le Hainaut, se retrouvent opposés les royaumes de France et d'Angleterre (et, à travers eux, la dynastie des Plantagenêts et celle des Valois). C'est ainsi que débute la guerre de Cent Ans, qui va durer de 1337 à 1453. Paradoxalement, ce ne sont pas les combats qui vont provoquer le plus de décès mais les épidémies. La peste noire apparaît en 1316 et revient à de multiples reprises lors des décennies suivantes.

L'époque Moderne

Les Pays-Bas espagnols

La Hollande, la Belgique et le Nord réunis sous une seule et même couronne ? C'est le pari réussi par un Valois, fils de Jean sans Peur et Marguerite de Bavière : Philippe le Bon, duc de Bourgogne. Durant cette période de domination bourguignonne, le calme revient, les conflits cessent et le Nord connaît des temps prospères. Lille voit ses responsabilités s'accroître autant que sa sphère d'influence culturelle. La culture se développe et la draperie de luxe devient un produit incontournable. C'est à ce moment précis qu'apparaît, en 1506, un certain Charles de Gand, futur roi d'Espagne, et élu en 1516 empereur du Saint-Empire : Charles Quint !

Sous son règne, le Nord connaît de profondes réformes administratives et la région est découpée en provinces (Flandre gallicane, maritime, duché du Cambrésis...). Ces changements ne plaisent que peu au roi de France, François Ier. S'ensuivent donc, logiquement, conflits, constructions de forteresses, combats et traités. L'un deux, notamment, fut signé à Cambrai le 2 août 1529 après d'âpres négociations menées par Louise de Savoie, mère du roi de France et Marguerite d'Autriche, tante de l'empereur. Le choix de Cambrai n'est nullement anodin : même si le traité vise à mettre fin à la septième (!) guerre d'Italie, Cambrai était alors le centre d'une principauté ecclésiastique restée neutre dans les conflits entre la France et les souverains successifs des Pays-Bas. Le traité fut respecté dans ses termes jusqu'en 1536... et la huitième guerre d'Italie.

Epoque Moderne

Du protestantisme à la Révolution française

Les XVIe et XVIIe siècles voient l'émergence de nombreux courants religieux et philosophiques qui vont directement impacter le destin du Nord. Le protestantisme trouve ainsi une attache profonde dans les Pays-Bas espagnols. La Réforme (protestante) suivie de la Contre-Réforme (catholique) donnent lieu à des réorganisations catholiques, de nouvelles allégeances territoriales, le tout aboutissant à de violentes répressions de la part des troupes espagnoles (à Valenciennes ou au Cateau-Cambrésis) ainsi qu'à la scission définitive des Pays-Bas espagnols entre Provinces-Unies (protestantes et abjurantes) et les Pays-Bas méridionaux (catholiques), qui ne sont plus alors qu'une province sans réelle importance.

Les choses prennent cependant meilleure tournure sous le règne des archiducs d'Autriche au cours du premier tiers du XVIIe siècle. La prospérité revient et Lille devient un exemple parlant d'un nouveau courant architectural alliant brique et pierre : le maniérisme. Hélas, cette période de grâce s'interrompt brutalement avec le retour des hostilités en 1635 et la guerre entre la France et l'Espagne.

 

Louis XIV, roi guerrier, se lance dans de nombreuses guerres de conquête qui vont, peu à peu, dessiner les frontières du Nord telles qu'elles sont de nos jours. Entre 1659 et 1677, il parvient ainsi à annexer l'Artois, à racheter Dunkerque aux Anglais et à s'emparer de Douai, Lille, Valenciennes et Cambrai. Il crée par la suite de nouvelles tendances et nomme des évêques français, dont le célèbre Fénelon à Cambrai. Roi avisé et incontesté, il choisit de se servir du génie militaire et tactique de Vauban pour construire, restaurer et améliorer de nombreuses forteresses. C'est ainsi qu'est créée une ligne de villes fortifiées tout au long de la frontière. Avec Lille, Bergues, Le Quesnoy ou Landrecies : la France est prête pour de nouvelles batailles !

Epoque contemporaine

Et voilà le Nord !

En 1790 : coup de tonnerre ! L'assemblée constituante vote la création du Département du Nord, composé alors des districts de Bergues, d'Hazebrouck, de Lille, de Douai, de Cambrai, de Valenciennes, du Quesnoy et d'Avesnes. Pas de place pour la liesse et la félicité pour autant en ces temps où tout change sans prévenir, car la guerre est de nouveau aux frontières ! C'est l'Autriche qui s'en vient défier la jeune République. Lille et Dunkerque sont bombardées et assiégées, Valenciennes quasiment rasée. Le passage de l'armée révolutionnaire française, en 1794 lors de la reconquête de la région, est autant un bienfait qu'un malheur car s'en vient avec elle la Terreur et la guillotine. L'avènement final de Napoléon - jusqu'à sa défaite à Waterloo - permet cependant de trouver le temps nécessaire pour une reconstruction et une préparation inconsciente à un bouleversement majeur : la révolution industrielle !

Epoque contemporaine

La révolution industrielle

L'avènement du chemin de fer, le besoin de produire des biens sur le sol national et l'exploitation accrue du charbon : c'est tout un faisceau d'événements s'étalant tout au long du XIXe siècle qui fait basculer le Nord dans la révolution industrielle. Ce passage d'un monde essentiellement agraire et artisanal à une société commerciale et industrielle a profondément marqué, autant le territoire que le paysage et les gens.

 

Le plus évident, dans ce passage, est le développement des industries minière et textile. Concomitante de l'émergence des voies ferroviaires, il a entraîné la modification puissante des villes et campagnes du Nord : croissance démographique importante, industrialisation à outrance et, surtout, l'apparition d'une classe ouvrière peu présente auparavant.

 

Ce Nord du XIXe siècle n'est pas forcément une terre clémente pour la population : le climat frappe durement à plusieurs reprises (ouragans, inondations), au moins autant que le choléra, dont la dernière des cinq épidémies fait plus de 10 000 morts dans le département. Et, même si le territoire est devenu une place forte économique incontournable de la France, cela n'est pas forcément synonyme d'enrichissement ou d'améliorations du quotidien pour les ouvriers du textile ou les mineurs.

C'est d'ailleurs dans le cadre d'une manifestation de protestation pour de meilleures conditions de travail dans l'industrie du textile - la journée de huit heures - que se produit, le 1er mai 1891, la fusillade de Fourmies. Ce jour-là, neuf personnes âgées de 11 à 30 ans sont tuées par des soldats venus autant encadrer la manifestation que "protéger" la ville et sa population. Ce drame, qui a un retentissement d'envergure nationale, est directement à l'origine de la célébration rituelle du 1er mai.

Pour autant, tout ne fut pas noir durant cette fin de siècle et cette révolution industrielle. L'époque fut aussi aux créations de sociétés savantes, d'écoles professionnelles, de cours municipaux...

1914-1918

La Première Guerre mondiale

Très vite occupé par les troupes allemandes et lieu de nombreux combats durant tout le conflit, le Nord a payé un lourd tribut entre 1914 et 1918. Tranchées, bombardements, puits de mine incendiés, villes détruites lors des retraites, pertes humaines et matérielles innombrables : le département porte encore aujourd'hui les stigmates des quatre années durant lesquelles il a souffert.

L'entre-deux-guerres aurait dû être l'occasion d'une reconstruction massive (notamment avec l'apport de l'immigration polonaise) mais la crise économique et certains tiraillements politiques empêchaient les mots d'être concrétisés en actes. Le Front Populaire de 1936 donne d'ailleurs lieu à d'importants mouvements de grève dans les usines.

1939-1945

La Seconde Guerre mondiale

Région éminemment stratégique du fait de sa situation géographique, le Nord a tout de suite été une cible pour les armées allemandes, dès le début du second conflit mondial. La bataille de Dunkerque, qui s'est déroulée du 25 mai au 3 juin 1940, en est un exemple flagrant. Acculés par les troupes de la Wehrmacht, 338 226 soldats sont évacués vers l'Angleterre pendant que se déroulent autour d'eux de terribles et sanglants affrontements. Le courage et le dévouement de celles et ceux qui choisirent de rester et de se battre afin de protéger cette retraite sont toujours célébrés de nos jours.

Un autre épisode marquant de l'histoire du Nord durant la Seconde Guerre mondiale fut la grève patriotique des mineurs. 100 000 mineurs se mirent en grève en mai et juin 1941, privant ainsi les forces allemandes de 93 000 tonnes de charbon à une période clé. Cet acte de résistance collective (qui impliqua hommes, femmes et enfants) fut l'un des premiers en France (et la plus grande grève survenue en Europe occupée durant le conflit) et donna lieu à de sinistres représailles : arrestations, déportations et exécutions.

De la fin de la guerre à nos jours

Sorti meurtri et blessé, le Nord a cependant su et pu relever la tête, assemblé autour de la figure mythique du général de Gaulle, né à Lille. De nombreuses mesures furent prises pour permettre une remise en marche rapide et efficace de l'économie hexagonale. Dans le Nord, les compagnies minières furent nationalisées et des droits spécifiques accordés aux mineurs. Le plan Marshall intervint aussi, aidant à une nouvelle industrialisation.

Le début des années 1950 marque une fin abrupte pour l'héritage de la Révolution industrielle et voit l'arrêt progressif de l'extraction minière. D'importantes suppressions de postes dans les industries du textile, de la sidérurgie et de la métallurgie tombent également, entraînant une grosse hausse du chômage et une certaine paupérisation de la société ouvrière. Afin d'enrayer cette chute, l'accent est alors mis sur l'accueil et l'implantation de nouvelles industries (automobile ou plasturgie, par exemple).

Ayant su se positionner avec succès sur de nouveaux secteurs innovants, comme la grande distribution, la vente par correspondance ou l'informatique, tout ayant conscience de ses atouts géographiques et d'occuper une place stratégique au cœur de l'Europe, le Nord n'oublie pas pour autant la richesse de son patrimoine. Mais, définitivement tourné vers l'avenir, l'aventure peut continuer !