Les vestiges magnifiquement conservés de Persépolis témoignent d'un pan majeur de l'histoire de la civilisation perse. Avec l'arrivée au pouvoir de Darius Ier (522-486 av. J.-C.), qui entreprend rapidement la construction de nouvelles capitales, Pasargades est reléguée à un rang secondaire. Mais à peine les travaux de la capitale administrative, Suse, terminés, Darius Ier entreprend, vers 518 av. J.-C., l'érection d'une nouvelle capitale de prestige : Persépolis.

Une visite à couper le souffle

Site archéologique unique, la sublime et merveilleuse Persépolis est l'une des plus puissantes créations urbanistiques de l'Histoire, témoignage d'une gloire rarement égalée. L'apparition de ces ruines majestueuses, dans le silence de l'aube, est inoubliable. Selon la légende, l'immense terrasse qui domine la plaine de Persépolis aurait été construite par une armée d'Hercule. Lorsque les premiers rayons du soleil matinal accrochent la crête de la montagne, en arrière-plan des tombeaux achéménides, l'illusion opère toujours. Ces énormes colosses de pierre au corps de taureau ailé, à la tête d'homme, à la barbe bouclée, gardent ces entrées monumentales.

Aujourd'hui, vingt-six siècles plus tard, Persépolis conserve une majesté époustouflante. Ruines de palais lumineux, tombeaux antiques en forme de croix taillés à mi-hauteur dans la falaise, fûts des colonnes élancées soumis aux vents et au soleil, bas-reliefs somptueux, tout ici marque durablement l'imagination.

Un emplacement symbolique

Le choix du site n'a rien d'arbitraire. Située dans l'ancien pays d'Anshan, dont est issue la dynastie achéménide, Persépolis bénéficiait d'un relatif isolement par rapport aux autres capitales de l'Empire. Suse était ainsi à 500 km, renforçant encore un peu plus le caractère sacré de la nouvelle cité achéménide.

Les travaux d'embellissement du vaste complexe palatial seront poursuivis par les successeurs de Darius Ier, Xerxès et Artaxerxès, durant une soixantaine d'années, sans jamais être totalement achevés. Manifestation du pouvoir suprême du souverain achéménide, l'immense complexe palatial n'était pas destiné au séjour permanent du roi.

Capitale d'apparat, Persépolis n'hébergeait en effet la famille royale qu'en été et à l'occasion des grandes célébrations de l'Empire. Les délégations des peuples sujets s'y rendaient ainsi chaque année, lors de Navrouz (Nouvel An perse), à l'équinoxe de printemps suivant le calendrier mazdéen, pour faire allégeance et porter leurs tributs.

Une capitale rayonnante

Le système des satrapies (provinces) mis en place par Cyrus le Grand et calqué sur le modèle des provinces assyriennes, sera renforcé sous Darius Ier par un strict contrôle de l'administration centrale. Satrapes et autres hauts fonctionnaires étaient donc également tenus de rejoindre une fois l'an Persépolis. En procession, la foule bigarrée des représentants des peuples soumis déposaient aux pieds du roi l'obole obligatoire, l'impôt instauré par Darius Ier dont seule la Perse, coeur de l'empire, était exemptée. Les bas-reliefs illustrent bien ces cérémonies somptueuses, manifestation tangible de l'unité de ce vaste empire peuplé d'Indo-européens, de Sémites et d'Asiatiques. Les scribes consignaient les dépôts avant d'entreposer le tout dans les salles de la Trésorerie. Les métaux précieux y étaient fondus et versés dans des jarres de terre. À la demande du roi, on frappait des pièces à son effigie. Ces richesses étaient conservées dans les immenses salles du Trésor, à l'abri des murailles qui ceinturaient le site. Selon Plutarque, les richesses étaient telles que les armées d'Alexandre le Grand attelèrent 10 000 mulets et 500 chameaux pour tout emporter lors de la prise de la cité en 330 av. J.-C ! Non content de s'être emparé du butin, Alexandre, pour venger le sac d'Athènes par Xerxès, fit incendier la ville. Persépolis et ses merveilles se consumèrent alors dans un immense brasier. Seuls ont survécu les éléments en pierre : chapiteaux à chimères, embrasures de portes et de fenêtres sculptées dans un seul bloc de granite, portails et escaliers monumentaux à bas-reliefs gravés...

Éloge de la grandeur à l'arrivée

Conduisant à la grande terrasse, où se dresse le palais, un escalier monumental à double rampe s'élève sur 12 m. Les 111 marches, larges de 7 m, étaient suffisamment basses pour permettre aux cavaliers de rejoindre la terrasse sans descendre de leur monture. Ces dimensions monumentales donnent d'emblée le ton et en imposent aux visiteurs, qui accèdent au reste du site par la porte de Nations. Construite sous Xerxès Ier (486-465 av. J.-C.), celle-ci est flanquée de sculptures géantes, figurant des taureaux ailés et à tête humaine. Directement inspiré du style des Assyriens, ces symboles existaient déjà à Hasanlu au IXe siècle avant notre ère. Ce portique, dont seul l'encadrement demeure, constituait en fait une salle carrée à quatre colonnes, porte d'entrée principale vers le palais de Xerxès (ou Cent Colonnes), le palais de Darius dit Apadana (salle d'audience) et le palais d'Artaxerxès. Au bout de la terrasse, la Trésorerie royale et le harem... Immédiatement à gauche après avoir franchi la porte des Nations, notez le superbe protomé (ou chapiteau de colonne), figurant l'avant-train de deux griffons.

Le palais des Cent colonnes

Xerxès (486-465 av. J.-C.), fils de Darius Ier, fera édifier, à proximité de l'Apadana, une seconde salle de réception. Sous Xerxès, l'immense Empire perse comptait jusqu'à 28 nations soumises et payant tribut au " Roi des rois ". Après avoir défilé sur la grande place, les émissaires déposaient probablement leurs présents aux pieds du roi, siégeant dans cette salle. Artaxerxès Ier (465-424 av. J.-C.) y établit d'ailleurs son palais princier, dit des Cent Colonnes du fait de leur alignement par dix sur dix rangées respectives. L'incendie ravagea malheureusement l'ensemble. Seules demeurent les bases de pierre.

Les larges jambages des portes de l'édifice étaient décorés dans le même esprit que le tombeau de Darius. Le roi apparaît - sculpté en bas-relief dans les embrasures de pierre des immenses portes - suivi de ses serviteurs ou sous la forme du héros dominant fauves ou monstres ailés, vieux symbole du roi chasseur ou maître des animaux issu du IVe millénaire. Voir également sa représentation sur le trône, sous un dais, porté par les deux peuples rois en armes, Perses et Mèdes, puis par les 28 peuples de l'Empire. Sur certains jambages du palais de Xerxès, le vieux " maître mythique des animaux " reçut une interprétation politique, symbole de l'Homme perse dont Darius rappelait, sur l'inscription de son tombeau, qu'il avait bataillé pour étendre les frontières de l'Empire.

La perle de Persépolis : les escaliers à bas-reliefs

La partie la plus éblouissante de la visite ! L'Apadana de Darius est desservie par deux larges escaliers aux volées symétriques. Notez sur les parapets les bas-reliefs exceptionnellement bien conservés et passionnants, ensevelis sous des couches de cendre et de terre durant des siècles. Ces longues frises d'une trentaine de mètres de long, évoquant les cérémonies de l'Apadana, renforcent encore l'impression de stabilité du monument. Contrairement aux palais assyriens, Persépolis intègre les bas-reliefs aux soubassements des palais soulignant à merveille les lignes architecturales essentielles. Le choix des thèmes, indique la fonction du bâtiment.

Au centre du premier escalier double, attardez-vous sur les soldats achéménides et le combat d'animaux stylisés : le lion iranien dévorant le taureau d'Assyrie, illustration de l'alternance des saisons. Notez également, sur les murs latéraux, les bandeaux de cyprès de Chiraz (sarv) représentant l'immortalité et les fleurs de lotus à douze pétales, symbole du zodiaque. Voir aussi sur l'escalier de droite, les bas-reliefs détaillant la grande procession des pays vassaux de l'immense empire et la remise des tributs à Darius à l'occasion des fastes du Norouz.

Prolongez vers les trois suites de 22 tableaux composés de petits personnages de 80 cm sculptés de profil. Les peuples de l'Empire, certains en armes parce que libres, sont conduits par des Perses, peuple souverain, et les Mèdes, seconds dans l'ordre hiérarchique avec leurs bonnets arrondis. La personnification de chacun, à partir de leur tenue traditionnelle, y est très précisément détaillée : Babyloniens, Parthes, Arméniens, Susiens, Bactriens, Égyptiens, Ioniens, Lydiens. Les Scythes portent ainsi des cagoules pointues, les Assyriens des coiffes à mentonnière, les gens de Boukhara mènent des brebis, ceux de Balkh, des zébus... Tous font acte d'allégeance par leurs offrandes : des vases emplis d'or et de joyaux, des chameaux, des girafes, des taureaux, des chevaux, des coupes précieuses, des outils ou des armes. Les hommes parlent entre eux ou se tiennent par la main, signe de la bienveillance. La richesse du détail des vêtements et des coiffes, très caractéristique des différents et nombreux peuples de l'immense Empire achéménide, frappe l'imaginaire. Sur l'escalier de gauche, notez les gardes perses et mèdes : fantassins, archers, cavaliers et conducteurs de chars. Représentés deux par deux, les soldats se tiennent par la main, ultimes garants de l'Empire achéménide. Aisément identifiables, les Perses sont vêtus de longue toque alors que les Mèdes portent des bonnets ronds - analogues à ceux encore portés en Azerbaïdjan - et de courtes tuniques. Les Perses en longue robe à plis ont les cheveux relevés, barbe à bouclettes serrées et moustache ombrageant leur lèvre.

Un trône prestigieux

Les escaliers aux bas-reliefs mènent à la grande salle d'audience, l'Apadana de Darius. Ici, le roi, tel un dieu, recevait ses vassaux. De plan carré, le palais s'étendait sur 73 mètres et comptait six rangées de six colonnes hautes chacune d'une vingtaine de mètres. Les chapiteaux colossaux étaient ornés d'un bestiaire mi-réel, mi-fantastique. L'Apadana, volontairement écrasante, pouvait rassembler 10 000 personnes. Le plafond couvrait plus d'un demi-hectare. Les 36 colonnes aux magnifiques chapiteaux en forme de taureaux, de lions et de griffons soutenaient les longues poutres en bois de cèdre du Liban. Grâce aux colonnes supportant le plafond, les charpentiers achéménides réalisèrent d'immenses salles claires, quand les temples égyptiens contemporains étaient maintenus dans la pénombre par les courts linteaux de pierre. De l'immense salle elle-même, quelques fûts élancés de colonnes en pierre subsistent, dont certaines ont perdu la tête ou gisent à terre. Après l'incendie provoqué par Alexandre le Grand, les charpentes brûlèrent avant l'effondrement des murs de brique. Tentez d'imaginer les couleurs vives des plafonds. L'ensemble des palais de Persépolis, charpentés de bois rares, étaient tapissés d'or et ornés de marbres. Les statues aux barbes incrustées de lapis-lazuli, étaient décorées de pierreries, avec des incrustations de bijoux, des colliers et des bracelets d'or...

Attardez-vous derrière l'Apadana sur les palais résidentiels royaux dotés à l'époque de jardins et de fontaines.

Des bâtiments annexes toujours dignes d'intérêt

Au bout de la terrasse, à l'est du palais central, attardez-vous sur les vestiges du harem royal dont la partie restaurée abrite un petit musée avec une minuscule boutique de souvenirs et de livres sur Persépolis. Au-delà du harem se trouvent les magasins du Trésor et le quartier militaire. Épaulée par le bâtiment de la Garde, la Trésorerie de l'Empire conservait les sacs d'or et d'argent apportés par les dignitaires des peuples soumis.

Au sud de l'Apadana se dresse le Tatchara, aux encadrements de portes et fenêtres intacts taillés dans un bloc de pierre monolithique. L'emploi fréquent de ce type de blocs atteste l'originalité de l'architecture Perse et l'excellence des techniques de dressage et scellement. De grands bas-reliefs montrent le roi combattant un lion, un taureau et une chimère... Symbole de calme et de force, il tient également à la main une tige de lotus. Voir aussi les inscriptions cunéiformes. De la surface noire, polie et luisante des pierres découle le surnom du Tatchara : Salle des Miroirs. Toujours au sud de l'Apadana, le Hadesh, salle carrée de 36 colonnes, construite sur la plus haute terrasse du site, domine l'emplacement de l'ancien jardin suspendu, inspiré de Babylone. Notez les bas-reliefs muraux des escaliers retraçant l'activité des domestiques, certainement affairés à servir les mets des prestigieux banquets qui s'y tenaient. D'autres bas-reliefs sur les portes représentent le roi entouré de serviteurs équipés d'encensoirs et autres flacons. Enfin le Tripylon, moins imposant, abritait pourtant le lieu de décision sous le règne de Xerxès. Notez sur les embrasures des portes nord et sud, le roi Darius suivi de deux serviteurs. L'embrasure de la porte orientale le représente assis sur son trône sous le symbole ailé d'Ahura Mazda, soutenu par les 28 nations vassales.

Un travail d'imagination

Un petit sentier permet de rejoindre les tombeaux - magnifique exemple d'architecture funéraire - creusés à mi-hauteur dans la falaise orientale surplombant Persépolis. Deux des derniers rois achéménides y sont ensevelis : à gauche, Artaxerxès II (405-361 av. J.-C.), à droite, à une certaine distance, Artaxerxès III (361-338 av. J.-C.).

Bâtis sur le même modèle, tombeaux avec un fond en croix, le bas-relief dominant l'ouverture de la niche funèbre imite la porte des palais de Persépolis, flanquée par les colonnes des portiques. Surmontant l'entablement, notez le trône de l'empereur soutenu par les 28 nations de l'Empire perse, le roi debout, l'arc à la main, officiant devant un autel du feu zoroastrien. Le symbole d'Ahura Mazda, un anneau ailé, la lune et le soleil domine l'ensemble. À l'intérieur de la grotte, s'ouvrent les niches funèbres. Retournez-vous alors sur les ruines en contrebas dont vous pouvez, d'ici, prendre toute la mesure. Imaginez la ceinture de murailles crénelées et les jardins et tâchez de faire revivre cette cité somptueuse que les rois Achéménides embellirent tout au long de leur règne.

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