A l'heure où notre dernier voyage commence à dater et le prochain n'est malheureusement plus à l'ordre du jour, quelques grands classiques permettent heureusement de voyager depuis son canapé. L'occasion de dépoussiérer les ouvrages qui traînent dans sa bibliothèque ou de se commander quelques ebooks sur Internet pour passer le temps tout en respectant le confinement. Le Petit Futé vous propose donc une plongée dans les oeuvres d'auteurs qui nous ont fait voyager. Après avoir suivi les traces du regretté Albert Uderzo en Gaule, comme dans le reste du monde, accompagner Jules Verne dans ses romans d'anticipation aux quatre coins de la planète (et même au-delà), place au troisième auteur de notre série : Ernest Hemingway.

Les États-Unis, berceau de l'écrivain

C'est évidemment aux États-Unis que le célèbre auteur américain a passé le plus de temps. Dans son roman policier En avoir ou pas (1937), on suit l'histoire de Harry Morgan, un Américain vivant à Key West en Floride. Un endroit très cher au coeur d'Ernest Hemingway, qu'il décrit dans En avoir ou pas, puisque le prix Nobel de littérature y a vécu pendant trente ans. Sa splendide maison floridienne, pratiquement la seule construite selon la tradition de Key West (fondations de pierre et sous-sol), date de 1851. Sa piscine, la première de la ville, construite à la fin des années 1930, coûta la bagatelle de 20 000 US$ de l'époque. C'est ici qu'Hemingway écrivit Pour qui sonne le glas, Les Vertes Collines d'Afrique, La Cinquième Colonne, Les Neiges du Kilimandjaro, ainsi que La Courte et Heureuse Vie de Francis Macomber. C'est, en tout cas, ce que l'on raconte. La maison appartint à l'écrivain de 1931 à 1961 et aujourd'hui elle est devenue un musée retraçant la riche carrière d'Hemingway. A l'intérieur comme à l'extérieur, tout est resté intact et conforme au moment où il l'habitait. Elle est donc empreinte de son spectre et de celui de ses quatre femmes. La visite se concentre essentiellement autour de lui, ses habitudes, ses écrits, ses histoires de femmes, des petits riens qui deviennent des anecdotes croustillantes...

Et, le jour où les vols redécolleront vers les États-Unis, il sera intéressant aussi de visiter la maison natale de l'auteur à l'ouest de Chicago. Car l'immense Hemingway est né le 21 juillet 1899 à Oak Park. La ville ne pouvait donc pas rater l'occasion de célébrer sa brillante carrière. La visite est très complète, puisque l'on accède à deux sites : la maison dans laquelle il a vécu les six premières années de sa vie et un musée qui retrace toute sa vie. Très complet, on y évoque son enfance à Oak Park, ses années d'études, ses années de service en Italie pendant la Première Guerre mondiale, son métier de journaliste et son engagement dans la guerre civile espagnole, puis comme correspondant de guerre pendant la Seconde Guerre mondiale...

Bref, des lieux incontournables dans un pays qui a aussi vu l'écrivain mourir, puisque Hemingway s'est suicidé dans l'Idaho à Ketchum, un petit village au coeur des montagnes Rocheuses, où il a vécu les deux dernières années de sa vie (de 1959 à 1961).

Cuba, l'exil

Mais lire ou relire Hemingway, c'est aussi se balader dans les ruelles colorées de La Havane, la capitale de Cuba, où il a habité dans les années 1950. C'est en effet sur l'île des Caraïbes qu'il a écrit Le Vieil Homme et la mer en 1951. Un court roman, et son oeuvre majeure, qui va définitivement faire passer Hemingway à la postérité, puisqu'il décrochera grâce à lui le prix Pullitzer en 1953 et le prix Nobel de littérature l'année suivante. Après avoir relu l'histoire de Santiago, un pêcheur pauvre qui lutte avec un marlin gigantesque, on pourra se (re)plonger dans Îles à la dérive, une oeuvre posthume qui nous fait voyager entre Bimini, un petit atoll des Bahamas, et Cuba. A Cuba, l'auteur cite le bar El Floridita, une de ses adresses fétiches, où il aimait aller boire un daïquiri sans sucre, avec Ava Gardner, Gary Cooper ou Ingrid Bergman. Aujourd'hui, on peut toujours siroter ce cocktail à côté d'une statue de l'écrivain. On pourra aussi aller visiter la maison ou Hemingway a écrit Le Vieil Homme et la mer à San Francisco De Paula, dans les environs de la capitale cubaine.

En Europe, au temps des guerres mondiales

Grand voyageur, Ernest Hemingway a également parcouru le Vieux Continent. Pendant la Première Guerre mondiale, l'écrivain est incorporé à la Croix-Rouge italienne. Il rejoint la botte après avoir traversé l'océan Atlantique, débarqué à Bordeaux et pris la route pour Milan. Finalement blessé par balle, il va être hospitalisé dans la cité lombarde et tomber amoureux d'une infirmière américaine qui lui inspirera Catherine Barkley dans L'Adieu aux armes. Publié en 1929, ce roman autobiographique, qui se déroule durant le conflit, a pour cadre le Nord de l'Italie et la Slovénie. L'Italie sera également à l'honneur dans Au-delà du fleuve et sous les arbres, sorti en 1950 et qui nous plonge dans l'univers enchanteur de Venise, entre l'hôtel Gritti, le Cipriani ou le Harry's Bar.

Ernest Hemingway balade ensuite ses cahiers dans l'Hexagone et s'installe à Paris en 1921. Dans son récit autobiographique Paris est une fête (et publié de manière posthume en 1964), il raconte sa vie parisienne et désargentée dans les années 1920. Des Deux-Magots à Saint-Germain-des-Prés à La Closerie des Lilas à Montparnasse, en passant par la rue des Saints-Pères et la rue Mouffetard, l'écrivain fait une véritable déclaration d'amour à la capitale française. Paris est aussi largement évoqué dans Le soleil se lève aussi en 1926. Ce roman met en scène Jack Barnes, un vétéran de la Première Guerre mondiale, qui parcourut le Paris nocturne, se rendit aux férias de San Fermin à Pampelune, la capitale de la Navarre en Espagne, avant de débarquer à Madrid. La ville de Pampelune est également évoquée dans Mort dans l'après-midi en 1932. Dans ce récit autobiographique, Hemingway raconte sa passion pour la tauromachie, élevée au rang de cérémonie religieuse. Enfin, il sera encore question de l'Espagne dans Pour qui sonne le glas (1940), largement inspiré de son expérience de journaliste auprès des troupes espagnoles lors de la Guerre civile, notamment lors de l'offensive de Ségovie en Castille.

Ernest Hemingway ira aussi jusqu'aux confins de l'Europe en tant que journaliste auprès des troupes grecques et il témoignera de la violence de l'affrontement à Inönü en Anatolie, au cours de la guerre gréco-turque.

L'Afrique de l'Est, crashs et safaris

L'Afrique va également fortement marquer la vie du célèbre écrivain américain. L'Afrique de l'Est plus précisément puisque les safaris entrepris par Hemingway lui ont inspirés Les Vertes Collines d'Afrique sorti en 1935. Ce récit autobiographique se déroule au sud du Kenya lors d'une chasse au gros gibier chez les Masaïs et au nord de la Tanzanie (Tanganyika à l'époque) autour du lac Manyara à une centaine de kilomètres d'Arusha.

Ce coin de l'Afrique est aussi le cadre La Vérité à la lumière de l'aube où l'auteur débarque en Ouganda. C'est dans cet ouvrage posthume que sont évoqués les deux crashs d'avion qu'il a vécus. Au mois de janvier 1954, accompagné de sa quatrième épouse, Mary, le célèbre Hemingway survole l'Afrique orientale et se dirige vers les chutes de Murchison. L'appareil, en voulant esquiver un vol d'oiseaux, heurte une ancienne ligne télégraphique, ce qui l'oblige à un atterrissage forcé non loin du Nil Victoria. Le train d'atterrissage est endommagé et le couple, ainsi que le pilote, passent la nuit à côté de l'appareil. Hemingway écrira par la suite: " les éléphants ne semblaient pas d'accord et l'on voyait, dans la rivière, nombre de crocodiles qui donnaient l'impression d'être de méchante humeur. Le lendemain, Hemingway, sa femme et le pilote, ayant migré sur la rive du fleuve, sont aperçus par les touristes d'une vedette se rendant à la célèbre cataracte. Ils peuvent ainsi se rendre à Butiaba, sur le lac Albert. Mais au décollage, à destination d'Entebbe, alors capitale du protectorat, leur avion tombe dans un champ d'agaves et prend feu. Une voiture de la police emmène finalement les trois rescapés à l'hôpital de Masindi. Le bruit de la mort d'Hemingway se répand. Des reporters de toutes les nationalités convergent vers l'Ouganda et trouvent les trois personnages du drame qui se remettent de leurs blessures. Une vie hors norme décidément. A (re)découvrir d'urgence.