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uvre de Jimmy Sheikboudhou © Gilles Morel.jpg

Pionniers des Beaux-Arts

L’un des plus grands connaisseurs d’arts aux Antilles est certainement Jérôme Filleau qui dirige avec son épouse Catherine le Musée des Beaux-Arts de Saint-François. Situé sur la marina, ce lieu ouvert en 2017 comble un réel manque dans l’archipel, puisqu’il privilégie les artistes nés et travaillant en Guadeloupe. Sur les murs écarlates du musée, l’accrochage remonte aussi loin que le XVIe siècle avec les écoles italiennes, hollandaises et flamandes.. Dans ses deux salles, des tableaux et des dessins des XIXe et XXe siècles, et même quelques œuvres plus anciennes, font connaître les premiers artistes guadeloupéens, tristement méconnus. Il faut dire que la plupart des peintres des siècles passés ont étudié ou fait carrière sur le continent européen. Citons le peintre et dessinateur Pierre-Jérôme Lordon (1779-1838), élève de Prud’hon, qui a laissé de très belles compositions de facture classique. Ou encore Jean-Baptiste Gibert, né à Pointe-à-Pitre en 1803. Souvent cité comme le plus grand talent de son temps, Guillaume Guillon Lethière (1760-1832) est né à Sainte-Anne d’une mère esclave. Récompensé du Prix de Rome, ce maître néo-classique enseigna en Europe.

Un art issu de la rue

Après une longue période qui fait la part belle à d’autres formes d’expression, il faut attendre les années 1960 pour que des personnalités artistiques s’affirment haut et fort sur le sol guadeloupéen. Particularité locale, l’art de la rue émerge à peu près en même temps que les domaines plus traditionnels. Des thèmes similaires sont abordés, comme le passé colonial, la quête identitaire ou la générosité de la faune et de la flore, le tout baigné d’une lumière chatoyante.

Dans l’archipel, le dynamisme de la scène street art est assuré par les collectifs, ou crews, actifs depuis les années 1980 : BCP, CAF, FDP ou KSA. Que ce soit dans les agglomérations ou en dehors, vos déplacements seront certainement jalonnés d’œuvres murales qui ne demandent que votre attention. De Baie-Mahault à Basse-Terre, de Sainte-Rose, à Grand-Bourg ou Morne-à-l'Eau, en passant par le cimetière du Gosier, les terrains vagues de Pointe-à-Pitre ou l'échangeur de Grand-Camp, les graffeurs peyi sont des génies ! À l'aide de bombes de peinture acrylique, les artistes (Jimmy Sheikboudhou, Philippe Laurent, mais aussi Pwos, CédrikBoucart, Steek, Pacman) embellissent l'île-papillon. Les supports les plus insolites exposent leurs créations murales, souvent de grand format : ponts, murs d'enceinte, entrepôts, ronds-points, transformateurs électriques, abribus. Se déploient dans une explosion de couleurs, de plages idylliques, de paysages tropicaux, de jungle, de couchers de soleil, de portraits de pêcheurs ou de femmes en costume traditionnel, de divinités ou encore de rastas à la chevelure de lion. Si nombre de ces graffs constituent des commandes de collectivités, cet art a si bien intégré le paysage culturel qu’il fait désormais l’objet de commandes privées.

Shuck One est considéré comme l’un des pionniers de cet art. Déjà reconnu à Paris depuis son arrivée en 1983, le graffeur bénéficie d'une exposition médiatique avec une de ses œuvres installées au Mémorial ACTe, centre d'expression caribéen dédié à la traite et à l'esclavage situé à Pointe-à-Pitre. Shuck One a réalisé une fresque avec pour base la carte de la Guadeloupe. Il s'agit d'une reconstitution des combats qui se sont déroulés en Guadeloupe en 1802 lorsque Napoléon rétablit l'esclavage face notamment à la résistance de Delgrès.

À Port-Louis, vous pourrez aussi découvrir le travail d’Eddy Firmin, artiste d’origine guadeloupéenne. Il intervient souvent sur d’anciennes cases créoles en les recouvrant de nouvelles peaux avec des messages très limpides.

Al Pacman est devenu une référence en matière de peinture décorative et de fresques murales à travers toutes les îles des Caraïbes, mais aussi en métropole. Son talent et sa notoriété lui ont permis de réaliser de nombreuses œuvres pour des clips vidéo, des téléfilms et des émissions de télévision. Tout petit déjà, il dessine et se passionne pour la culture hip-hop et le street art, notamment à partir de 1993 en s'adonnant à ce qui est alors appelé « graffiti ».

En plus de s'exprimer sur les murs, des fresques qu'il a exposé à travers le monde, l'artiste Steek Oner dévoile également son talent en bodypainting. Une discipline qui lui a valu le titre de champion de France en 2022 et de champion du monde (2017, 2018 et 2019).

À Pointe-à-Pitre, chaque ruelle recèle un trésor. Plus belles les unes que les autres, ces œuvres à tendance figurative évoquent un moment de l’histoire ou la condition d’un peuple à la culture passionnante. Mais pas seulement, car dès l’aéroport, deux papillons peints souhaitent la bienvenue, et à la sortie, un bloc accueille une fresque cubique réalisée par Jimmy Sheik dont les formes abstraites colorées rappellent la végétation luxuriante de Guadeloupe. Un iguane sur une palissade, des loups qui rament dans une barque… à vous de les débusquer !

Scène contemporaine

En Guadeloupe, les domaines artistiques les plus variés se confondent et s’enrichissent. Les peintres de chevalet n’hésitent pas à exalter leur art sur les façades et vice-versa. Parmi les chefs de file de la scène contemporaine, citons le peintre, sculpteur et illustrateur Michel Rovelas, né en 1938 en Guadeloupe. Il expose à Paris dès 1963 et fonde une école de peinture à Pointe-à-Pitre en 1972 à son retour de l'Hexagone. Ne manquez pas les panneaux muraux réalisés pour le bicentenaire du lycée Carnot ou encore les peintures monumentales exécutées en 1990 pour l'INSERM de Pointe-à-Pitre. Côté sculptures, voilà de quoi effectuer un beau parcours qui part de Gosier, au rond-point de la marina, avec Douvan jou a jôdi la ou Les Matins du présent, puis pour la ville de Lamentin, le buste en bronze René Toribio (1991).

Goodÿ, artiste autodidacte, vit et travaille en Guadeloupe, pratique le dessin et la poésie depuis son enfance. Mais ce n’est qu’après avoir rencontré de nombreux artistes qu’il se décide en novembre 2000 à se consacrer aux arts plastiques. La même année, il participe à de nombreuses manifestations autour de l’art et réalise sa première exposition individuelle. Depuis, outre des expositions collectives, il présente une exposition individuelle chaque année dans le but de toujours échanger avec son public et de rester dans sa démarche globale qui est le « regard sur l’évolution du monde ». Lui aussi fresquiste, et participant à des happenings (peinture en live lors d’événements), sa création repousse sans cesse les limites de l’art.

Artiste complet, Joël Nankin vit et travaille en Guadeloupe. Né en 1955, il est à la fois artiste peintre, musicien, mais aussi activiste politique, puisqu’il a fait de sa vie un combat pour l’identité créole. Sa lutte pour l’indépendance de la Guadeloupe lui vaudra d’être envoyé en prison de 1983 à 1989. C’est là qu’il découvre la peinture, s’initie à l’art des îles haïtiennes et à l’abstraction. Il utilise désormais des techniques mixtes, encre, acrylique, bombe. Ses œuvres, véritables poèmes dédiés aux hommes qui souffrent, dénoncent la domination et l'injustice.

Jean-Marc Hunt, artiste guadeloupéen né à Strasbourg en 1975, grandit en banlieue, où il s’immerge dans l’art du graffiti et la musique rap. Installé depuis 2003 en Guadeloupe, d'où il est originaire, il développe un style néo-expressionniste conjuguant dessin, peinture, sculpture et installation. Son art secoue les consciences à grand renfort d’ironie. Invité à des expositions collectives en Europe, aux Caraïbes et aux États-Unis, il pousse son goût pour l'expérimentation jusqu’au travail de scénographe et de commissaire d'exposition.

Rosy Auguste, originaire de Marie-Galante, et peintre autodidacte, ne cache pas son intérêt pour l’art brut. Ses résidences au Japon ou en Afrique alimentent son travail d’explorations techniques. Elle s’est inspirée du « all-over » de Janet Sobel et de l’expressionnisme abstrait new-yorkais pour fonder la méthode du « fluid’art » qui propose un regard unique sur le monde environnant. Rosy aime exposer en collaboration avec le sculpteur Armand Baptiste, bien connu des Marie-Galantais.

La scène contemporaine se retrouve dans les espaces de la Kreol West Indies à Saint-François et de la galerie UKA à la marina de Pointe-à-Pitre.

Création multiforme

Félie-Line Lucol parvient à l’art par le dessin. Impliquée dans la protection de l’environnement, elle travaille avec des matériaux de récupération, qu’elle transforme en accessoires, sculptures ou installations. En 2004, elle invite la population de Morne-à-l'Eau à installer 350 000 bouchons en plastique sur la place Gerty Archimède pour participer au Téléthon. Lucol exerce également son art dans le portrait peint, l’illustration et la fresque murale, dont celle du clocher du Gosier.

Photographe autodidacte, Hélène Valenzuela photographie depuis l’âge de 18 ans et expose régulièrement en France (Palais de Tokyo) et à l’étranger (Finlande, Belgique, Royaume-Uni, Biennale Dak’Art). Attachée à la notion de mémoire, elle se consacre aux aînés, qu’elle photographie en maison de retraite ou à leur domicile. Elle a également exposé aux côtés de Renée Cox, à la Galerie T&T Basse-Terre et participe à de nombreux projets à travers le monde.

Kitsimi étudie les arts plastiques avant de se faire globe-trotter. Confronté à un drame, la sculpture lui est apparue comme le seul moyen de rebondir. Désormais, les projets créatifs font partie intégrante de son quotidien. Ses objets sculptés reflètent ses réflexions intérieures sur le sens de la vie. L'art de Kitsimi conjugue arts plastiques et création urbaine.