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Histoire des migrations italiennes

La seconde moitié du XIXe siècle et l’ère industrielle marquent en Italie des périodes d’émigrations massives. États-Unis, Amérique du Sud, Europe, le flux migratoire d’étrangers italiens se répartit partout en Occident. Entre 1870 et 1970, environ 26 millions d’Italiens (dont 14 millions lors de la « grande émigration » de 1880 à 1914) cherchent à fuir l'instabilité économique, la pauvreté, l’archaïsme social et les tensions politiques de leur pays nouvellement unifié. Pour les gouvernants de l’époque, cette « hémorragie » migratoire devient un enjeu économique, diplomatique puis culturel. Il fallait préserver l’italianité de ceux que l’on ne qualifie plus d’émigrants mais d’« Italiens à l’étranger ».
On estime à l’heure actuelle à près de 5 millions le nombre d’Italiens répartis dans le monde, et pas loin de 58 millions de personnes ayant des ascendants d'origine italienne.
Pendant les années 1960, la tendance s’inverse. C’est l’Italie du Nord qui devient terre d’accueil, alors qu’elle vit son miracle économique, avec un taux de croissance annuel autour des 6 % et un chômage quasi inexistant. Au sud, la situation est tout autre, et l’écart se creuse entre les deux parties du pays. Conséquence du sous-emploi dans le Sud, les Calabrais, Siciliens, Napolitains, surtout des hommes jeunes et célibataires, débarquent à Bologne, Florence et dans le « triangle industriel » formé par Milan, Turin et Gênes. Entre 1951 et 1961, le nombre d’italiens tentant leur chance dans le Nord est évalué à 2 millions. L’intégration ne sera pas facile. Les gens du Nord entretiennent alors une discrimination contre ceux qu’elle nomme avec mépris les terroni (bouseux du Sud). Ils sont considérés comme ignorants, paresseux, irrespectueux de certaines normes hygiéniques et civiques. Ces stéréotypes finissent par disparaître dans les années 1970, au moment où l’immigration interne se stabilise. Aujourd’hui, près de 50 % de la population milanaise a des origines méridionales.
Ces phénomènes migratoires d’ampleur furent largement relayés par le cinéma (Pane e Cioccolata, Le Parrain, Good Morning Babilonia, Interdit aux chiens et aux Italiens, Jasmine). Le Museo dell’emigrazione italiana (MEI) vient d’être inauguré à Gênes.

Une démographie en berne

En 2015, la chute de la natalité s’accompagne pour la première fois depuis 1919 d’une diminution de la population italienne, ce qui ramène son indice de fécondité à 1,34 enfant par femme. Les années suivantes et jusqu’à aujourd’hui, le taux de fécondité est resté bas. En 2022, ce taux tombe à 1,25, soit le deuxième plus bas en Europe après celui de l’Espagne. Une étude de l’institut des statistiques nationales (ISTAT) prévoyait avec inquiétude la chute de la population italienne, qui, de 60 millions en 2020, passerait à 58,6 millions en 2025 et à 53,7 millions en 2065. Plus de 20 % de la population a plus de 65 ans et continue à travailler tandis que de nombreux jeunes, hautement qualifiés, émigrent faute de débouchés professionnels et de perspectives de carrière. En 2022, près de 160 000 Italiens sont partis, soit 3 % de plus qu'en 2017.
La distribution des genres en Italie est assez homogène. On compte 49 % d'hommes pour 51 % de femmes, avec un évènement en avril 2022 : pour la première fois un tribunal italien a décidé de reconnaître l'identité d'une personne non-binaire.
L'espérance de vie est de 80,6 ans pour les hommes et de 85,1 ans pour les femmes. Une belle longévité, la plus élevée d’Europe, brutalement impactée par la pandémie de coronavirus en 2020. Le taux de mortalité a été supérieur aux autres pays : 8,29 % en Italie contre seulement 0,3 % en Allemagne. En Italie, début 2023, on estime que 160 000 personnes sont mortes avec le Covid-19, et c’est la Lombardie qui recense le plus de décès.
Globalement, les régions italiennes les plus peuplées sont le Latium, la Lombardie, la Campanie, la Sicile et le Piémont. L’Italie du Nord reste une zone à forte densité de population, mais là aussi la répartition est largement dictée par les contraintes naturelles. Les montagnes connaissent des densités assez faibles alors que les plaines littorales de l’Italie du Nord et centrale, le Bassin du Pô, les agglomérations (67 % de la population italienne) concentrent de fortes densités. Par exemple, le Val d'Aoste a une densité de 39,2 hab./km², tandis que la Lombardie, avec une population d'environ 10 millions d'habitants, compte 417 hab./km², et la métropole milanaise, capitale économique du pays, comptait 3 249 821 habitants en janvier 2021.

L’Italie, terre de migrations

Avec un faible taux d'accroissement naturel et le vieillissement de la population, l’immigration en Italie est la troisième composante majeure de la population italienne.
Dès les années 1960, après les indépendances africaines, les premières migrations dites postcoloniales viennent d’Éthiopie, d’Érythrée, de Somalie, alors que les Italiens qui vivaient en Libye, Afrique du nord-est ou Amérique latine rentrent au pays natal - autour de 1,25 million au début du XXIe siècle. A partir des années 1980, d’autres populations de migrants légaux ou clandestins arrivent en nombre, notamment des ressortissants d’ex-pays soviétiques, d’Europe de l’Est, Roumanie, Ukraine, Albanie. Évaluée à presque 2,5 millions de personnes par l'ISTAT (octobre 2009), cette émigration a augmenté de 16,8 % en 2010, soit la plus forte hausse jamais enregistrée en Italie, essentiellement due à l’arrivée des Roumains. Ces flux migratoires sans précédent pallient le manque de main-d’œuvre peu qualifiée et pourtant essentielle pour des secteurs clés de l’économie locale, notamment l’agriculture, l’hôtellerie, le bâtiment ou les services à la personne.
En 1989, la loi Martelli établit les bases d’un contrôle de l’immigration, ce qui permet la régularisation de près de 700 000 étrangers. Mais, à partir des années 1990, le modèle d’intégration des étrangers connaît ses premières limites. Véhiculée par certains médias, l’opinion publique est sensible aux thèses d’insécurité croissante qui serait liée à la présence de ces immigrés, ignorant volontairement leur contribution à l’économie du pays. L’absence de législation forte sur le contrôle de ces flux migratoires, de plus en plus importants, exaspère la population italienne. Des actes violents à caractère raciste surviennent à Bologne et à Rome, où la communauté roumaine, la plus importante en nombre, est particulièrement visée. Les partis nationalistes se sont emparés du débat et les ligues du nord estiment qu’il faut stopper cette « invasion ». Elles réactivent leurs revendications séparatistes entre le Nord et le Sud, accusant le Mezzogiorno d’abriter des organisations mafieuses. En effet, de nouvelles mafias étrangères sont présentes en Lombardie. Au cœur de cette immigration clandestine, elles se livrent, entre autres, au trafic d’êtres humains. Des conflits entre ces communautés étrangères s’ajoutent aux affaires de délinquance.

L’immigration à l’heure de la fermeture des frontières

Dans les années 1990, les frontières commencent à se fermer alors que l’immigration clandestine augmente dans tous les pays d’Europe occidentale.
En 1991, l'arrivée de milliers d’Albanais dans le port de Bari indique une nouvelle voie de passage. Dans les années 2010-2020, l'Italie se trouve au-dessus de la moyenne européenne, avec 6 % de sa population qui est étrangère, et un chiffre record en 2017 : plus de 111 000 arrivées, avec des migrants originaires du Maghreb, de Turquie, de Libye, du Bangladesh ou encore du Pakistan. Pour les filières mafieuses, l’Italie est un lieu de transit stratégique avant de faire passer ceux qui le souhaitent vers l'Europe du Nord. Selon les données publiées par le ministère de l’Intérieur, début 2023, ce sont plus de 87 000 personnes qui ont débarqué en Italie, contre 55 000 en 2022 et plus de 29 000 en 2020.
A l'instar de ce qui se passe en Espagne ou en Grèce, la difficulté de surveiller toutes les côtes italiennes et la proximité de pays pauvres ou appauvris comme la Libye font de la péninsule l’une des principales « portes d’entrée » de l’Europe. Les principaux pays d’accueil (Allemagne, France, Royaume-Uni) craignent que l’Italie, membre de l’Espace Schengen, ne soit qu’une étape. En effet, des étrangers, lorsqu’ils ont obtenu leur régularisation sur le sol italien, circulent plus facilement vers d’autres pays européens. Ces dernières années, entre l’Italie et la France, la question des migrants est devenue source de crispations, politiques et diplomatiques, notamment à Vintimille, ville frontalière ligure à 11 km de Menton, qui doit gérer le camp de transit de la Roya. Les tensions sont montées d’un cran en mer, quand les autorités italiennes ont refusé d'ouvrir les ports au navire de sauvetage Ocean Viking avec à son bord 230 migrants en novembre 2022.

Quantité de migrants souhaitent rester en Italie

D’un côté, l'Italie durcit ses conditions d'entrée sur son territoire, d’un autre, on assiste à la consolidation des flux migratoires existants. L'octroi de la citoyenneté aux migrants étrangers augmente. Entre 2021 et 2022, le nombre de citoyens non-UE titulaires d'un permis de séjour régulier est en hausse, de près de 6 %, passant de 3 373 876 (janvier 2021) à 3 561 540 (janvier 2022) en incluant les étrangers américains, suisses ou européens. L'Italie se place ainsi comme la quatrième nation européenne ayant reçu le plus de demandes de droit d'asile derrière l'Allemagne, la France et l'Espagne.
Par-delà le discours de la coalition de droite et d’extrême-droite actuellement au pouvoir, les régularisations effectuées par les différents gouvernements favorisent l’insertion progressive des immigrés dans la société italienne. Les unions et mariages mixtes ouvrent des opportunités. Cette diversité pourrait bénéficier à la démographie. On observe actuellement le rôle croissant de l’auto-entreprise des populations étrangères dans l’économie de la péninsule. On retrouve ces actifs à leur compte dans le bâtiment, la restauration rapide, l’artisanat, les services, l’agriculture... Autre indice de stabilisation en augmentation, la présence de personnes qui ont pu bénéficier du regroupement familial ou du permis de séjour pour raisons familiales.