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Sculpture et bouddhisme

Bouddha est sans conteste la figure la plus représentée dans l’art sri-lankais. Au nord de Kandy, le Dambulla Rock Temple, haut lieu de pèlerinage depuis plus de vingt siècles, est dominé par un gigantesque bouddha en or. Plus de 150 images de Bouddha et quelques divinités hindoues éveillent le visiteur aux préceptes du bouddhisme. Les peintures murales, en excellent état de conservation, couvrent plus de 2 000 m². Le monastère abrite des chefs-d'œuvre du XVIIIe siècle de l'école de Kandy.

Les fouilles archéologiques révèlent les vestiges du Sri Lanka depuis plus d’un siècle. Les sites bouddhiques inscrits dans le « triangle culturel » font l’objet d’une attention particulière. Les sites d’Anuradhapura, Polonnaruwa et Kandy, signifiés par les stupas, contiennent des reliques de Bouddha.

Parmi les sept statues qui composent l’ensemble monumental de Buduruwagala, dont la construction a débuté au IXe siècle, le plus grand bouddha debout sculpté du Sri Lanka émerge d’une paroi rocheuse d’une vingtaine de mètres. À ses pieds, un liquide à l’odeur piquante suinte d’une cavité en forme de flamme. Ce phénomène reste inexpliqué à ce jour. La création du site, un lieu d’ermitage, correspond à la dernière période du royaume d’Anuradhapura. Bouddha est accompagné de bas-reliefs, qui s’inscrivent dans le courant de l'école Mahayana. De courte durée, ce courant de pensée connut un franc succès sur l'île.

Dans le domaine de la sculpture, l’un des plus beaux exemples se trouve sur le site de Polonnaruwa. Il s'agit du Gal Vihara (Uttararama), qui est un groupe de quatre bouddhas datant du XIIe siècle. Tous sont d'une beauté exceptionnelle mais le plus remarquable est probablement le bouddha représenté couché qui mesure 14 mètres de longueur. En règle générale, les sculptures anciennes ont été réalisées en calcaire. Il existe cependant des sculptures en jade, en cristal de roche, en marbre, en quartz rose ou en ivoire.

Peinture

Dans les temps anciens, la peinture murale a probablement surpassé l’art de la sculpture. Les plus beaux exemples se trouvent à Sigiriya (Ve siècle), Polonnaruwa (XIIe siècle), Dambulla et Kandy (XVIIe siècle). À Sigiriya, capitale du roi Kassapa au Ve siècle, il faut grimper la colline pour découvrir des fresques sous-roche, extrêmement bien préservées. La Grotte des Demoiselles représente des dames de la Cour. La semi-nudité des figures féminines, souriantes et parées de bijoux, semble correspondre à une coutume de l’époque, plutôt qu’à une volonté d’érotisation. Ces dames sont accompagnées de servantes un peu plus vêtues. Il ne reste pas de texte explicatif concernant ces représentations. Mais sur le plan technique, ces peintures murales ont été réalisées par couches superposées, sur un enduit mêlant de la paille et du sable. La méthode est semblable au fresco-lustro de la tradition Rajasthani venue d’Inde.

Les fresques qui correspondent au Royaume de Kandy (de 1469 à 1815) témoignent d’une époque où le rois ont accordé une place majeure aux arts. Avant cela, le Royaume d’Anuradhapura ( -377 à 1017) a vu naître le bouddhisme dès -250. Les moines essaient alors d’organiser un système éducatif basé sur le bouddhisme. Dans ce but, ils proposent d’illustrer les contes de Jātaka sur les murs des temples. Ces ouvrages originaires d’Inde évoquent les origines de Gautama Bouddha, à la fois humain et animal. Bouddha prend dans ces récits l’apparence d’un éléphant, d’un dieu ou d’un roi. Le message demeure inchangé : l’être suprême fait toujours preuve de vertu, et montre l’exemple. C’est dans ce contexte qu’ont été réalisées les fresques du Royaume de Kandy. Sur les murs au lissage parfait, les images se lisent en zigzag.  Un motif de transition (arbre, rivière, maison) sépare chaque scène, les fleurs servant à combler les espaces vides. Les personnages sont montrés de profil ou de face sur un fond rouge sombre.

Modernisme

Le format du tableau n’apparaît qu'au XIXe siècle. D'abord adopté par des artistes étrangers anglais et hollandais, il est ensuite repris par des artistes sri-lankais. L’héritage hollandais peut désormais être apprécié au Dutch Museum de Colombo. Il faudra cependant attendre le milieu du XXe siècle pour qu'un nom retienne vraiment l'attention : celui de George Keyt. À travers son art du paysage et sa représentation des personnages, directement inspirés du cubisme et d'artistes tels que Henri Matisse ou Picasso, George Keyt (1901-1993) a modifié la perception de la peinture, lui apportant de grands changements. Pour beaucoup, l'art moderne sri-lankais a réellement commencé avec lui.

Né à Kandy, Keyt est un autodidacte marqué par la spiritualité qui imprègne son lieu de naissance. Son style pictural mêle la tradition bouddhiste (les contes de Jātaka notamment), l'art décoratif indien et l’art moderne européen. Mais il est aussi poète, et à ce titre, il trouve dans la philosophie bouddhiste matière à rejeter les valeurs occidentales dans lesquelles il baigne depuis son enfance. Il se tourne vers la peinture à l’âge de 26 ans, en 1927, et s’intéresse au cubisme. Il recopie Matisse, Braque, Léger, Picasso dans les revues Cahiers d’Art rapportées par Lionel Wendt, chef de file du Groupe 43. Bien vite, son art se situe à la croisée des fresques de tradition locale et du modernisme. Il fait partie des membres fondateurs du cercle des artistes indépendants sri-lankais, le Groupe 43. Ses œuvres sont entrées dans les principales collections privées et publiques du pays, dont le musée national Colombo National museum, ou musée national du Sri Lanka, le plus grand musée de l’île.

Groupe 43

Dans les années 1940, naît le mouvement 43 Group (en référence à sa date de création). Ce groupe ne se distingue pas par un style commun. Il est déterminant dans l'histoire de l'art au Sri Lanka, car il unifie une scène artistique non académique et popularise une autre forme d'art, loin d'un certain puritanisme anglais. À ce titre, il est souvent comparé au Salon des indépendants qui se tient à Paris tous les ans depuis 1884 et qui associe tous les artistes revendiquant une certaine forme d'indépendance. Parmi ses membres les plus prestigieux, on pourra citer le photographe Lionel Wendt (1900-1944), Justin Daraniyagala (1903-1967) ou le peintre Harry Pieris (1904-1988). Tous trois partent étudier en Europe dans les années 1920.

Il ne faut pas négliger le rôle qu’a tenu Charles Freegrove Winzer (1886-1940), peintre anglais arrivé au Sri Lanka en 1921. Attaché culturel, il fonde dès 1922, le Ceylon Art Club qui organise des expositions. Les futurs membres du Groupe 43 ont tous montré leurs travaux par ce biais. Winzer et Wendt partagent le même respect pour la culture sri-lankaise.  Lionel Wendt, pianiste et photographe, est un homme cultivé, qui multiplie les expérimentations artistiques. C’est ainsi qu’il devient le chef de file du Groupe 43, officiellement créé le 29 août 1943 à Colombo autour de douze personnalités : Lionel Wendt, W.J.G. Beling, Aubrey Collette, Ralph Claessen, Richard Gabriel, S.R. Kanakasabai, George Keyt, Manjusri Thero, Ivan Peries et Justin Daraniyagala.

Né à Colombo, Justin Pieris Daraniyagala (1903-1967) part étudier à Paris en 1928. Il côtoie l’avant-garde artistique et, rentré au Sri Lanka en 1929, contribue à rapporter les innovations issues des courants modernes européens sur l’île.

Le Groupe 43 expose en 1952 à Londres, puis à Paris, au Petit Palais. En raison des tensions politiques qui marquent les années 1960, plusieurs membres quittent le Sri Lanka, puis le groupe est dissout après une ultime exposition en 1967. On peut retrouver leurs œuvres au Museum of Modern and Contemporary Art Sri Lanka. L’institution articule ses accrochages de façon à provoquer des rencontres entre les artistes d’hier et d’aujourd’hui.

Art contemporain

Après la dissolution du Groupe 43, « la tendances des 90’s » rassemble des artistes qui se placent en rupture avec l’art pictural moderniste. À la peinture, ils préfèrent les moyens d’expression contemporains tels que la performance et l’art vidéo pour questionner les changements sociaux. Sujets sociopolitiques, tensions entre Tamouls et Cinghalais sont les thèmes récurrents. Le corps, hissé au statut de symbole, est mis en scène dans les performances.

Le collectif Theertha se forme en 2001 autour de Jagath Weerasinghe, ancien du mouvement des années 1990. C’est l'un des artistes contemporains les plus influents du Sri Lanka et un acteur majeur de la Biennale de Colombo. Son œuvre témoigne des moments clés de sa vie durant la guerre civile, ainsi que l'après. Dans ses célèbres toiles noires, il exprime son opinion sur la guerre et ses ravages. Plus tard, Weerasinghe prend un tournant romantique, plus ancré dans les émotions. Il participe au Theertha Performance Platform, festival dédié à la performance artistique. À cette occasion, 50 artistes du monde entier se produisent dans les lieux publics dans le but de toucher une large audience.

En effet, la scène actuelle souffre d’élitisme. Les fonds gouvernementaux étant inexistants, la culture est à deux vitesses. Deux galeries tiennent les rênes du marché local : Barefoot Gallery et la Galerie Saskia Fernando, axée sur l’art contemporain sri-lankais. L’art est par ailleurs soutenu par des institutions étrangères comme le British Council et le Goethe Institute. Deux rendez-vous à connaître : le festival d’art contemporain bisannuel Colomboscope, fondé en 2013, et le Colombo Art Biennale.

L’artiste à suivre : Sujeewa Kumari exprime son point de vue de femme, mêlant traces historiques, tradition et réalités de la vie quotidienne au Sri Lanka.

À Mirissa, paradis des surfeurs, les peintures murales participent à l’ambiance décontractée. Un surfeur attrape la vague sur la façade d’un hôtel, des empreintes de pied géantes s’étalent sur les parapets, une méduse louvoie le long d’un trottoir. Le célèbre paon de la Palm Villa Peacok, peint par Bozik, déploie ses couleurs sur l’avenue principale. Vous ne pouvez pas le manquer en allant piquer une tête !