Guide de Moldavie : Histoire

Plaque commémorative du Metropolit Banulescu Bodoni dans le centre de Chişinău.
Plaque commémorative du Metropolit Banulescu Bodoni dans le centre de Chişinău.

Historiquement, le nom de Moldavie vient de l'allemand mulde qui signifie " creux poussiéreux ", " carrière ", " mine ", et qui a successivement désigné une cité minière, la rivière Moldova passant à côté, et pour finir une principauté née de cette région, la Principauté de Moldavie (1359-1859). L'ancien territoire de cette principauté est aujourd'hui partagé entre la région de Moldavie en Roumanie (soit 8 départements) à l'ouest du Prut, la République de Moldavie, à l'est de ce même fleuve, et la partie de l'oblast d'Odessa située à l'ouest du Dniestr. Ces trois territoires ont été délimités par Staline suite à l'annexion soviétique de juin 1940, permise par le pacte germano-soviétique de 1939. L'adjectif géographique " moldave " se réfère à tout ce qui concerne le territoire historique de la Moldavie.

Chronologie

De 4500 à 3500 av. J.-C.> Peuples néolithiques.

1000 av. J.-C.> Implantaion dans la région des tribus indo-européennes et thraces, dont les Géto-Daces, ancêtres des peuples roumains.

VIIe siècle av. J.-C. > Installation des comptoirs grecs.

De 82 à 44 av. J.-C.> Règne du roi Burebista.

Ier siècle

De 87 à 106 av. J.-C.> Règne de Decebal, les deux campagnes menées par l'empereur romain Trajan font de la Dacie une province romaine en 105-106.

IIIe siècle

An 256 > Les Goths chassent les Romains de Dacie qui laissent derrière eux le latin et le christianisme (l'ancienne Dacie s'étendait sur un territoire qui comprend l'actuelle Moldavie, la Roumanie, l'Olténie, la Transylvanie et une partie de la Hongrie).

IVe siècle

Adoption du christianisme par les peuples de langue latine de la région, émergence des premières formes politiques de voïvodats, et duchés dans les Carpates et le long du Danube.

Ve siècle

La Dacie est envahie par les Gépides et les Huns.

Du VIe au IXe siècle

La Dacie est envahie par les Avars (VI-VIIe siècles), les Slaves et les Bulgares (VII-IXe siècles).

XIIIe siècle

1241> Les Mongols envahissent le territoire.

XIVe siècle

Après la victoire de Posada, le roi Charles Robert d'Anjou, souverain de Hongrie, Basarab Ier réunit les provinces situées entre les Carpates et la mer Noire, créant ainsi la Valachie.

1359> Bogdan Ier crée la principauté de Moldavie, il est opposé à la suzeraineté hongroise. Les voïvodats de la principauté de Moldavie prêtent allégence à la Pologne. La principauté de Moldavie s'étend des Carpates au Dniestr et s'inscrit sur la carte de l'Europe sous la forme d'un pays souverain.

1364-1365> Louis Ier de Hongrie organise une expédition pour soumettre la Moldavie et remplacer Bogdan, en vain. Elle est disputée par ses puissants voisins du nord et de l'ouest, les royaumes de Hongrie et de Pologne, et régulièrement attaquée par les Tatars, au sud et à l'est. A cette époque, c'est une région prospère et puissante malgré sa taille limitée.

XVe siècle

Avec la chute de Constantinople et le règne d'Etienne III le Grand, de nombreux Byzantins se réfugient en Moldavie, ainsi le centre de l'orthodoxie se déplace vers le nord avec l'apparition de plus de 40 monastères en style byzantin. La Moldavie s'émancipe des Hongrois et des Polonais et devient pleinement indépendante.

1400-1432> Règne d'Alexandre le Bon (Alecsandru cel Bun). Il reçoit de la Valachie le pays de Vrancea au sud du Trotuş et cinq ports des bouches du Danube et de la mer Noire : Galaţi, Reni, Obluciţa, Chilia et Cetatea Albă.

1434-1504> Règne d'Etienne le Grand (Stefan cel Mare). Il tient tête aux Hongrois et aux Turcs.

1484> Stefan cel Mare doit céder à l'Empire ottoman quatre des cinq ports des bouches du Danube et de la mer Noire : Reni, Obluciţa, Chilia et Cetatea Albă. La Moldavie préserve son indépendance, mais perd sa flotte et les débouchés commerciaux.

XVIe siècle

1512> La principauté doit payer tribut aux Turcs ottomans pour sauvegarder son autonomie et ses institutions.

1561> Le voïvode Alexandru Lăpuşneanu fonde l'université de Moldavie.

1538> La principauté devient officiellement vassale de l'Empire ottoman. Toujours autonome, elle en devient de plus en plus dépendante.

1595> Jérémie Movila qui gouverne sous la protection des Polonais est chassé par le voïvode de Valachie et de Transylvanie, Michel Ier le Brave (Mihai Viteazul), en 1600, qui réalise pour la première fois l'union des trois voïvodats.

XVIIe siècle

1600> Abolition du servage en Valachie et en Moldavie, Mihai Viteazul est assassiné, et ce sont les membres de la famille Movila qui se succèdent alors sur le trône de Moldavie.

1634> Règne de Vasile Lupu, marqué par une intense activité culturelle, en partie sous l'influence de Pierre Movilă, métropolite de Kiev, avec l'appui duquel il introduit l'imprimerie en Moldavie.

1653> Vasile Lupu est chassé du trône et Gheorghe Ştefane signe un traité de protectorat de la Moldavie par la Moscovie. Après ce règne, l'instabilité politique est marquée par de fréquents changements de gouverneurs.

1683> Ştefan XI Petriceicu s'empare du trône avec le soutien du polonais Stepan Konicky et ses Cosaques, ils passent le Dniestr, avant de se faire pourchasser par les Tatars (vassaux des Ottomans) de retour du siège de Vienne.

1691> Devant Iaşi, Constantin Cantemir arrête les troupes polonaises de Jan Sobieski, qui a des prétentions sur la Moldavie, en opposition avec les Habsbourg qui soutiennent la vassalité de la Moldavie envers la Hongrie, dont ils sont les souverains.

XVIIIe siècle

25 février 1711> Sous le règne de Dimitrie Cantemir, les Ottomans déclarent la guerre à la Russie, le prince propose son aide aux Russes contre la reconnaissance de l'indépendance de la Moldavie. Mais les Turcs seront vainqueurs à Stanileşti, sur le Prut. Dimitrie Cantemir est destitué et se réfugie à Moscou. Nicolae Mavrocordat le remplace et inaugure le règne des Phanariotes.

1730> Constantin Mavrocordat succède à son père et entreprend de nombreuses réformes sur la fiscalité, la vie sociale. La réaction des nobles moldaves est très forte.

1741> Constantin Mavrocordato crée une Constitution.

17 avril 1749> Abolition du servage en Valachie, puis en Moldavie.

1756> Constantin Racoviţă est nommé avec l'appui de la diplomatie française.

1768> Sur les bouches du Danube, nouvelle guerre russo-turque. La Moldavie est occupée par les Russes et les Moldaves, comme d'autres peuples d'Europe ils voient en elle leur salut pour cesser les invasions turques.

1772> Les autorités valaques et moldaves proposent l'union de leur province.

1775> La Moldavie souffre de nombreuses pertes territoriales après l'annexion de la Bucovine par l'empire austro-hongrois.

XIXe siècle

Le 12 août 1806> Le sultan décide de destituer Alexandre Moruzi (russophile), la Russie considère que c'est une infraction au traité russo-turc.

10 novembre 1806> L'armée russe du tsar franchit le Dniestr.

Entre décembre 1806 et juillet 1812> Le tsar désigne plusieurs présidents de l'Assemblée des nobles.

1812> La paix est signée entre la Turquie et la Russie par le traité de Bucarest. La moitié est de la Moldavie occupée par les troupes russes jusqu'au Prut est annexée à la Russie, sous le nom d' " oblast de Bessarabie ", dont les deux tiers forment aujourd'hui la République de Moldavie.

1821-1829> Les provinces de Valachie et de Moldavie échappent à l'autorité ottomane.

1848> Année des révolutions roumaines et hongroises rejetant les empires.

1856> Fin de la guerre de Crimée, traité de Paris. Ce traité stipule que la Moldavie et la Valachie doivent être garanties collectivement par les sept puissances étrangères qui ont signé le traité de rétrocession du sud de la Bessarabie à la Moldavie.

1859> La Moldavie fusionne alors avec la Valachie, en choisissant le même prince pour les deux principautés, en la personne du Moldave Alexandre Jean Cuza (Alexandru Ioan Cuza).

1878> Le traité de Berlin redonne le sud de la Bessarabie à l'Empire russe (région des steppes du Budjak), et l'indépendance de la Roumanie est internationalement reconnue.

XXe siècle

1907> Importantes révoltes paysannes en Moldavie et Valachie.

2 décembre 1917> Indépendance de la République démocratique de Moldavie votée par le Sfatul Ţarii (Parlement Moldave) qui se détache de la Russie tsariste.

27 mars 1918> Le Parlement moldave vote son rattachement à la Roumanie.

Entre 1918 et 1940> Le royaume de Roumanie (depuis 1881) devient la Grande Roumanie, dont la Bessarabie fait partie.

1924> L'URSS fonde en Ukraine une Région socialiste soviétique autonome moldave (la Transnistrie).

Juin 1940> L'URSS réclame la Bessarabie et la Bucovine.

2 août 1940> L'URSS, en application du pacte germano-soviétique, envahit le territoire de Bessarabie que les Roumains évacuent sans combattre. Les Soviétiques rattachent les deux tiers à la RSSAM (le tiers restant va à l'Ukraine).

Juin 1941> La Roumanie, dirigée par Ion Antonescu, le " Pétain roumain ", attaque l'URSS du côté de l'Axe et récupère le territoire de la Bessarabie : déportation de 140 000 juifs et de certains Roms.

De mars à août 1944> L'URSS récupère le territoire grâce au pacte germano-soviétique (ou pacte Molotov-Ribbentrop), déportation de 120 000 roumanophones accusés d'avoir servi la Roumanie.

1944-1991> La Moldavie est la RSSM (République socialiste soviétique de Moldavie), dirigée par l'Union soviétique. Ses dirigeants jusqu'en 1978 sont exclusivement russes ou ukrainiens (de Transnistrie).

1985-1991> Sous Gorbatchev, politique de la Perestroïka. En Moldavie, période de revendication et de reconnaissance de l'identité roumaine.

1989> Retour à l'alphabet latin (l'alphabet latin avait été abandonné pour l'alphabet cyrillique russe). Le moldave est déclaré langue officielle.

12 mai 1990> Le moldave est officiellement reconnu comme " roumain ".

3 septembre 1990> Début du mandat du premier président moldave Mircea Snigur (Parti démocrate agraire).

27 août 1991> La République de Moldavie proclame son indépendance.

Décembre 1991> La Transnistrie proclame son indépendance par rapport à Chişinău (indépendance non reconnue par la communauté internationale) et demande son rattachement à la Russie ou à l'Ukraine.

Octobre 1991-été 1992> Conflit violent sous allure de guerre civile opposant les sécessionistes de Transnistrie aux troupes moldaves, connu sous le nom de " conflit du Dniestr ".

1993> Création d'une monnaie nationale, le leu, et politique monétaire stricte approuvée par le FMI.

Novembre 1994> L'adhésion à un Accord de partenariat et coopération est signée avec l'Union européenne (APC).

Décembre 1994> Un statut spécial est accordé aux Gagaouzes, création de l'UTAG (Union de territoire autonome de Gagaouzie).

8 avril 1994> La Moldavie est le dernier Etat à ratifier la charte de la CEI.

28 juillet 1994> Création d'une Constitution. Le président est élu au suffrage universel.

1995> La Moldavie est le premier Etat de la CEI à adhérer au Conseil de l'Europe.

27 avril 1995> l'article 13 de la Constitution introduit une sorte d'apartheid entre majorité et minorités, avec des différences de droit entre elles.

15 janvier 1997> Election de Petru Luchinschi, à la présidence (Indépendant).

1998> Crise économique en Russie ayant pour conséquences un affaiblissement du leu, une forte inflation et une baisse des exportations. Période de crise pour la Moldavie.

5 juillet 2000> Modification de la Constitution qui devient parlementaire. Le président est désormais élu par le Parlement qui peut le destituer.

8 mai 2001> Adhésion de la Moldavie à l'OMC (Organisation mondiale du commerce).

19 novembre 2001> Signature du traité d'amitié russo-moldave, symbolisé par le statut de la langue russe en Moldavie.

7 avril 2001> Election du communiste Vladimir Voronine au pouvoir (Parti des communistes de la
République de Moldavie - PCRM).

Janvier 2002> Projet de réforme dans l'éducation visant à rendre obligatoire la langue russe dès le primaire, et de remplacer l'histoire des Roumains par l'histoire des Moldaves...

31 mars 2002> 50 000 personnes se réunissent pour une " Grande Assemblée nationale ". Le gouvernement Voronine renonce à son projet de réforme.

Année 2002> Déblocage de nouveaux crédits de la Banque mondiale, privatisation des grandes entreprises, lutte contre la corruption, réforme du système de protection sociale...

Début 2004> Réforme du système de protection sociale obligatoire, immense chantier entrepris par le gouvernement.

Février 2005> Signature avec l'UE d'un plan d'action invitant les autorités moldaves à adopter les critères de Copenhague. La Moldavie est inscrite sur la liste des pays bénéficiant du Système de préférence généralisé (SPG) accordant aux pays pauvres un marché préférentiel aux marchés de l'Union.

5 avril 2009> Elections du Parlement moldave.

6 et 7 avril 2009> Manifestations et émeutes à Chişinău, en protestation face à : l'accès inégal des médias, l'intimidation des électeurs et candidats, et le bourrage des urnes. Le drapeau roumain est hissé au sommet du bâtiment de la Présidence.

22 avril 2009> La Cour constitutionnelle de Moldavie valide les résultats des votes, avec le PCM (Parti communiste moldave) qui n'obtient que 60 sièges sur 101. Il manque 1 siège aux communistes pour élire à eux seuls un nouveau président.

10 juin 2009> Marian Lupu (président du Parlement moldave, élu le 2 mars 2005) quitte le PCM pour passer du côté de l'opposition.

15 juin 2009> Le président Voronine est obligé de dissoudre l'Assemblée et se voit contraint d'organiser de nouvelles élections législatives.

29 Juillet 2009> Nouvelles élections contrôlées par l'OSCE. Les communistes sont vaincus, mais toujours personne n'obtient le nombre de sièges requis au Parlement pour désigner un président. C'est un tournant pour l'histoire politique moldave, car l'opposition passe majoritaire.

11 septembre 2009> Le président Voronine présente sa démission, et Mihai Ghimpu (Parti libéral) est désigné président par intérim.

Septembre 2010> Référendum prévoyant l'élection du président de la République au suffrage direct. Ainsi, des élections présidentielle et législatives se seraient tenues en même temps, en novembre 2010. Le Parti communiste appelle au boycott du scrutin, et le taux de participation n'atteint que 30 % alors qu'il aurait dû dépasser 33,3 % pour être valide. Une nouvelle dissolution du Parlement a donc été prononcée.

28 novembre 2010> Nouvelles élections pour élire le Parlement, mais la situation de 2009 se répète.

16 mars 2012> Après trois années de crise politique, et une succesion de 3 présidents par interim, (Mihai Ghimpu, Vlad Filat et Marian Lupu) Nicolae Timofti est élu Président de la république par 62 voix.

Septembre 2013> embargo de la Russie sur les importations de vins et spiritueux moldave.

27 juin 2014> la Moldavie signe avec L'Ukraine et la Géorgie des accords d'association (AA) avec l'Union européenne, dans le cadre du Partenariat oriental. Rapprochement des liens politiques et économiques avec l'UE.

Juillet 2014> Extension de l'embargo Russe avec des restrictions sur certaines viandes et fruits et imposition d'un tarif douanier sur dix-neuf produits moldaves depuis le 31 août 2014

27 octobre 2014> Embargo renforcé de la part des russes sur la viande et les produits carnés.

15 février 2015> Chiril Gaburici, est désigné comme premier ministre. Communiste, proche du PCRM, il forme une coalition inattendue avec les partis de droite en place.

Mars 2015> Le scandale du "milliard de dollars" perdu éclate, 3 banques moldaves ont accordé des crédits à des clients inconnus, 927 millions d'Euros ont disparu du pays.

Mi Juin 2015> Démission de Chiril Gaburici, premier ministre, suite aux accusations de falsification de diplôme universitaire.

Fin juillet 2015> Valeriu Strelets est nommé premier ministre par Nicolae Timofti.

30 octobre 2015> le parlement de Moldavie destitue le gouvernement de Valeriu Strelets suite aux revendications et manifestations du peuple moldave éccoeuré de la disparition frauduleuse de l'équivalent de 12,5 % de son PIB... A cette date, des élections anticipées se font attendre.

Une riche histoire préhistorique

L'occupation humaine de la région de la Moldavie est attestée depuis des temps très anciens : les vestiges de culture préhistorique découverts dans la grotte de Duruitoarea Veche, datés de l'âge de pierre, témoignent ainsi d'une présence humaine depuis la fin du paléolithique inférieur. La première civilisation sédentaire connue de la région est celle des Daces, aux alentours du premier millénaire av. J.-C. Ils sont nommés " Gètes " dans les textes grecs, et on rencontre des références à cette civilisation sous le nom de " Géto-Daces ".
C'est sous les auspices de la collaboration commerciale que s'établissent les rapports entre les civilisations daces et grecques, et ce dès le VIIe siècle av. J.-C. Ces rapports commerciaux, impliquant notamment l'intégration des Daces aux routes de commerce grecques, sont l'occasion de mélanges raciaux et culturels progressifs.
Au Ier siècle av. J.-C., le roi Burebista (dont le nom, perdu dans les brumes de l'histoire, est issu des chroniques grecques titrées Byrebistas) réalise l'union des peuples daces. C'est l'apogée de l'histoire politique de ce peuple et la création du royaume de Dacie (qui comprenait l'actuelle Moldavie, la Roumanie, l'Olténie, la Transylvanie et une partie de la Hongrie). Les Daces étaient un peuple monothéiste, au moins en apparence.
A la mort de Burebista, en 44 av. J.-C., le royaume de Dacie perd sa cohésion et est morcelé en cinq Etats. Il reste cependant considéré comme une menace potentielle par l'Empire romain, d'autant plus que le règne du roi Decebal, qui tente de réunir à nouveau les Etats de Dacie, est l'occasion d'une attaque, au sud, sur les provinces romaines. Tenus de faire face aux troubles dans le nord de l'Empire, les Romains décident de maintenir la paix avec les Daces en payant un tribut, une humiliation difficile à supporter et à laquelle met fin Trajan en l'an 106 de notre ère. L'occupation romaine est également l'occasion d'une influence très bénéfique sur la civilisation locale : auparavant essentiellement rurale, la Dacie s'urbanise, et son inclusion dans l'Empire romain lui assure de remarquables débouchés commerciaux. La population romaine se mêle aux autochtones, surtout dans les villes, tandis que la grande majorité des terres agricoles demeurait peuplée de Daces.

Une région charnière, un territoire convoité

En 256 de notre ère, Rome cède face aux vagues régulières d'attaques de la part des peuples migrateurs, essentiellement les Goths. Le legs de l'Empire demeure : la région est désormais largement christianisée et parle le latin. Les trois cents ans de présence romaine laissent sur la région une empreinte indélébile, dont on décèle, aujourd'hui encore, des traces. Durant le millénaire qui suit, nombre de peuplades migratrices envahirent la région : les Goths donc, mais aussi les Gépides, les Huns, les Avars, les Slaves et autres Bulgares. Si les legs de Rome et, dans une moindre mesure, de la Grèce demeurent les plus visibles, chacune de ces vagues apporte son lot d'intégration des populations conquérantes, influant sur la culture locale.

Apparition des Roumains

La désignation des autochtones en tant que Roumains intervient dans les textes historiques dès 1160. Dans les décennies suivantes, la région se morcelle en petits États conduits par des dirigeants connus sous le nom de voïvodes, ducs ou knez - ces États seront les brouillons des futurs États féodaux. Les années 1345-1347 voient la création de la principauté de Moldavie, au départ vue comme une marche hongroise contre l'avancée des Mongols. L'État acquiert son autonomie dans la seconde moitié du XIVe siècle et mène un mouvement de conquête qui, au sud, rejoint celui de la principauté de Valachie (également peuplée de Roumains). Du nom de la dynastie régnante de Valachie, les Basarab, la région prend dès lors le nom de Bessarabie, mais la région située entre la mer Noire, les Carpates orientales et le Dniestr conservera toujours le nom de Moldova. Avec la chute de Constantinople et le règne de Ştefan cel Mare (Étienne III le Grand), de nombreux Byzantins se réfugient en Moldavie, ainsi le centre de l'orthodoxie se déplace vers le nord avec l'apparition de plus de quarante monastères de style byzantin.

Stefan cel Mare et trois autres légendes...

Stefan cel Mare (Etienne le Grand, ou Etienne III le Grand), apparenté au célèbre Vlad Tepes (Dracula) est une figure héroïque de l'histoire moldave. Prince de Moldavie de 1457 à 1504, il réalisa au long de sa vie un nombre impressionnant d'opérations militaires de grande envergure. Le début de son règne est marqué par la conquête de la Moldavie, conquête pour laquelle il a dû s'attacher les faveurs de l'Eglise : un grand nombre d'édifices religieux somptueux (églises et monastères) seront érigés sous son règne. Si ses combats contre son cousin le roi de Hongrie et contre les hordes tatars occupent les dix premières années de son règne, ses batailles contre l'Empire ottoman assurent sa notoriété bien au-delà des frontières de la Moldavie. Sa plus célèbre bataille, à Vaslui en 1475, le vit repousser les troupes du sultan Mehmet II et lui valut le surnom enthousiaste d' " athlète du Christ " de la part du pape Sixte IV. Stefan cel Mare arpenta les champs de bataille jusqu'à l'âge de 66 ans, en 1499. Il meurt cinq ans plus tard. La légende dit de cet exceptionnel guerrier, qui a aujourd'hui sa statue à Chişinău et dont les armes ornent le drapeau moldave, qu'il rentra un jour dans le château où l'attendaient sa mère et sa femme, alors qu'il avait perdu une bataille. La première, le voyant rentrer vaincu, dit ne pas le reconnaître, car son fils ne baisserait jamais les armes. Ainsi, elle l'exhorta, sur le pas de son propre château jusqu'à ce que, convaincu, il prenne à nouveau le chemin de la bataille - pour vaincre, cette fois.

La prédiction. Alors qu'il était encore jeune, Stefan cel Mare parcourait le village de Siret. Fatigué, il décida de se reposer à l'ombre d'un vieux chêne et remarqua sur une branche un fantôme riant. Le ciel s'assombrit tout à coup et un violent tonnerre éclata. A ce moment, au lieu d'effrayer le fantôme, le tonnerre et les éclairs rompirent l'arbre où Stefan se reposait, ce qui eut pour effet de faire rire le fantôme de plus belle. Stefan banda son arc et tua le fantôme qui se transforma en une butte. Plus loin, un vieillard bossu lui dit : "Que Dieu te bénisse, voilà plus de mille ans que j'eusse décidé de tuer ce mauvais esprit qui causa beaucoup de maux. Tous mes efforts furent vains jusqu'à ce que tu n'eusses fait réaliser mon serment à ma place. Tu viens de faire ce que je n'eusse réussi à faire. En signe de remerciement de ma part, tu hériteras de tout ce pays et aucun pouvoir du monde ne te vaincra".

Bran le Brave. Stefan cel Mare était devenu prince régnant de Moldavie, et les Turcs venaient à nouveaux de dévaster et piller le pays. Le prince élabora un plan de d'attaque, en ordonnant aux vieux, aux femmes et aux enfants de se retirer dans les montagnes et aux hommes vaillants de se rassembler autour de lui, dont le fils d'un forestier, Bran dit le Brave. Bran lui dit : " Seigneur, nous te savons très vaillant, mais les batailles et les tourments t'ont exténué. Il nous semble bien que tu ailles chez mon père, dans la forêt, te reposer et te fortifier. Moi, avec les autres braves, nous te défendrons fidèlement ". Le prince se laissa convaincre, et le lendemain Bran le brave et ses hommes avaient vaincu les Turcs en les attirant dans les buissons, d'où aucun ne sortit vivant. Stefan cel Mare écrivit alors l'histoire de cette bataille sur un rocher, aujourd'hui encore à moitié enterré.

La bataille de Razboieni-Valea Alba. À force d'attaques incessantes perpétrées par les envahisseurs turcs, Stefan cel Mare essuya une grande défaite dans la vallée de Valea Alba. Ne sachant plus comment arriver à bout des agresseurs, il alla demander conseil au sage Daniel Sihastru. Le sage lui dit : " Trouve un millier de brebis, un millier d'agneaux, un millier de vaches et un millier de veaux, organise les troupeaux sur quatre collines, de façon à ce que les brebis soient devant les agneaux et les vaches devant les veaux. Qu'il y ait un groupe de soldats près de chaque troupeau. Puis, monte sur la cime de la plus haute des collines et fais sonner la trompette et tirer le canon. Après, fais comme bon te semble ". Stefan suivit minutieusement le conseil du sage et, lorsque retentit la trompette et que les canons se mirent à tirer, une confusion immense s'installa parmi les animaux, qui se mirent à mugir, les brebis à bêler. Les animaux désorientés couraient dans toutes les directions. A leur tour, les Turcs furent totalement décontenancés par ce vacarme chaotique. Ne comprenant pas que cela pouvaient venir de troupeaux d'animaux, ils pensèrent à une armée gigantesque. Effrayés, ils battirent en retraite en s'enfuyant. Grâce à ce stratège, Stefan et son armée réussirent à vaincre les Turcs.

Invasions ottomanes

Entre le XVe et le XVIIIe siècle, la principauté est assaillie de toute part par l'Empire ottoman, alors en pleine guerre de conquête européenne. Révoltes, reconquêtes et opérations de diplomatie émaillent cette période, jusqu'à l'intervention de Pierre le Grand, tsar de Russie, en 1711, qui propose une alliance au prince de Moldavie Dimitrie Cantemir. À cette occasion, le tsar reconnaît formellement les frontières du pays : " Le Dniestr, le Danube, la Valachie, la Transylvanie et la Pologne. " Cette importante reconnaissance du Dniestr comme frontière orientale demeure donc, même si les armées conjointes du tsar et de son allié moldave sont défaites par les forces ottomanes, précipitant l'exil du prince et affirmant la mainmise des Turcs sur la Moldavie.
Cette mainmise s'exprime avant tout au travers du droit que s'arroge l'Empire ottoman de nommer les dirigeants de la région, à partir de 1711. Ce seront les Phanariotes, dignitaires grecs bien placés dans l'entourage du sultan, pour qui la Moldavie sera toujours l'objet de convoitise et d'intrigues. Le " règne " des Phanariotes durera jusqu'en 1821. C'est une ère de réformes, de progrès et d'innovation, suivant l'époque des Lumières. Et même si les Phanariotes sont vus comme foulant au pied la souveraineté roumaine, cette perception est faussée, car tout corrompus et manipulateurs qu'aient été les Phanariotes, ils ont également été les artisans de grands progrès pour la Bessarabie. Considérés comme des humanistes, ils auront un rôle crucial dans le développement de la culture dans la région.

Rappel de l'importance de la ville de Iaşi (aujourd'hui en Roumanie)

Au milieu du XVe siècle, c'est la résidence du prince de Moldavie.

De 1564 à 1812, Iaşi est la capitale de la Moldavie.

En 1640, le prince Vasile Lupu ouvre une école et installe une presse à imprimer dans l'église byzantine des Trois-Hiérarques (construite entre 1635-1639). A cette époque, Iaşi est un centre politique et culturel important.

Iaşi possède des vestiges de son brillant passé de capitale de la principauté de Moldavie entre le XVe et XVIIIe siècle, un ensemble de très beaux monuments religieux orthodoxes.

La suprématie russe

Tandis que l'Empire ottoman se délite, les États russes et austro-hongrois montent en puissance : la Pologne, la Crimée, la Géorgie et le littoral de la mer Noire tombent successivement aux mains des ennemis du sultan. En 1792, l'Empire russe des Romanov a pour frontière sud-occidentale le Dniestr. Durant le conflit qui a mené à cette situation, les Autrichiens, les forces du sultan et les Russes ont successivement occupé le pays, exsangue. Diplomatiquement, les manoeuvres russes ont donné au régime de Saint-Pétersbourg le droit de donner son avis dans la nomination des princes de Valachie et de Moldavie. En 1807, les hostilités entre le sultan et la Russie conduisent à la défaite des Russes. Ce n'est que quelques années plus tard que ces efforts sont couronnés de succès, de la façon la plus étonnante. Alors que Napoléon étend son empire sur l'Europe, Russe comme Ottomans craignent de devoir faire la guerre sur deux fronts. Un armistice s'impose en Moldavie-Bessarabie. Faisant montre d'une grande habileté, le grand vizir Ahmed Pacha montra qu'il était parfaitement au fait des dangers que présentait la guerre menée par Napoléon. Le cessez-le-feu fut signé, au prix du passage de la Bessarabie sous l'autorité de la Russie - une opération connue sous le nom d' " oblast de Bessarabie ", territoire dont les deux tiers forment aujourd'hui la République de Moldavie. L'annexion de la région, riche en culture et en bétail, forte de cinq forteresses et de près d'un demi-million d'habitants, souleva maintes protestations parmi l'aristocratie moldave, consciente de sa richesse.
La Russie fixa à janvier 1813 la date limite au-delà de laquelle il ne serait plus possible aux habitants de la Bessarabie, à l'est, de se rendre en Moldavie, à l'ouest, et inversement. Cette partition entre les habitants des deux rives du Prut fut le premier pas dans une stratégie de scission entre ressortissants d'un même peuple.
Les premières années suivant l'annexion se passèrent dans une douceur relative. Le tsar avait mandaté le gouverneur général Alexandru Scarlat Sturdza pour diriger les terres annexées, en lui enjoignant de laisser à la Bessarabie une large autonomie. Ce gouverneur, d'une famille roumaine inféodée à la Russie, eut soin de faire du territoire qu'il administrait une terre d'accueil, cela répondait également à la stratégie pilotée par le pouvoir russe consistant à diluer les Roumains d'origine dans un flot d'immigrés de toutes nationalités, afin de tuer dans l'oeuf le sentiment d'appartenance nationale avec la Roumanie d'au-delà du Prut. La gestion politique par un corps de boyards collaborant avec un gouverneur montra rapidement ses limites (notamment du fait d'une corruption galopante) et il fut remplacée par un pouvoir centralisé et autocratique dès 1828.
La domination russe se traduisit également par le remplacement du roumain en tant que langue des études par le russe. Au processus de russification s'est opposée, par la population, une résistance passive extrêmement dommageable : une grande partie de la population rurale du pays, non russophone et ne désirant pas apprendre la langue, s'est ainsi retrouvée sans la moindre éducation. Dans les couches supérieures de la société, la résistance à l'assimilation russe est activement soutenue par les élites de Moldavie et de Valachie. Dans les années 1840, les intellectuels moldaves et valaques prennent l'habitude de se rendre en Europe de l'Ouest pour leurs études. De ces élites issues de la fréquentation des universités allemandes et françaises viennent les plus fervents fomenteurs de révolte parmi les intellectuels de Bessarabie.
En 1848, la Moldavie tente de se libérer, avec notamment l'intention de réintégrer la Bessarabie au sein de son unité nationale, mais en vain. Cinq ans plus tard, en 1853, la Russie fait part à l'ambassade d'Angleterre de son plan de démantèlement et de partage de l'Empire ottoman, plan selon lequel la Russie aurait notamment placé les deux pays roumains, la Serbie et la Bulgarie sous sa protection, en tant qu' " États indépendants ". L'empereur François-Joseph, Napoléon III et la reine Victoria refusèrent le plan, mais la Russie choisit de passer outre. La même année, elle envahissait la Moldavie et la Valachie : la Turquie, puis la France, la Sardaigne et l'Angleterre déclarèrent la guerre aux forces du tsar. Celles-ci furent vaincues : en 1856, ce qu'on appela la guerre de Crimée prit fin avec le traité de Paris. Ce traité stipule que la Moldavie et la Valachie doivent être garanties collectivement par les sept puissances étrangères signataires ; il formalise également la rétrocession du sud de la Bessarabie à la Moldavie. Ces provinces, permettant à la fois l'accès de la Bessarabie au Danube et à la mer Noire, constituent, aujourd'hui encore, le fond du problème du pays.
La garantie collective de la part des signataires du traité de Paris permet en 1859 à la Valachie et à la Moldavie (côté rive ouest du Prut) de fusionner, prenant le nom de Roumanie. La création de cet État a tout de suite constitué un pôle d'attraction très fort pour les Roumains des pays sous tutelle de l'Autriche et de la Russie : Transylvanie, Bessarabie et Bucovine.
Avec la chute du second Empire français, la Russie réaffirme en 1871 ses velléités de conquête. Dans un premier temps, elle tourne le dos au traité de Paris, puis reprend sa guerre contre la Turquie en 1877-1878. À cette occasion, l'armée russe pactise avec la Roumanie pour négocier un passage au sud du Danube, pacte stipulant que la Russie serait tenue de " maintenir et [de] défendre l'intégrité actuelle de la Roumanie ". Trop confiante dans sa propre force, l'armée russe plie devant l'armée turque à Plevna, au nord de la Bulgarie. La victoire finale ne dépendra finalement que de l'intervention de l'armée roumaine - une aide bien inutile pour s'attacher la reconnaissance russe, puisque le traité de Berlin (1878) rattache de nouveau le sud de la Bessarabie à la Russie, qui foule ainsi au pied le pacte la liant à la Roumanie, et reprend le procédé de russification de la Bessarabie entière, précipitant à nouveau le peuple dans un désert intellectuel. L'indépendance de la Roumanie est internationalement reconnue la même année.
En 1905, la Bessarabie entame une série de réformes qui provoque une forte montée de sentiment unitaire nationaliste envers la Roumanie. La contrebande de biens intellectuels venus de la rive ouest du Prut est active : livres, journaux et parutions diverses. C'est l'année de création d'une presse indépendante en Bessarabie, presse durement réprimée par le régime russe, mais dont la vivacité et la capacité à survivre ne se démentent pas. Deux ans plus tard, d'importantes révoltes paysannes éclatent en Moldavie et en Valachie.
À l'horizon se dessine bientôt l'engagement sur les fronts opposés de la Première Guerre mondiale : trois peuples roumains s'affrontèrent, les Roumains de Bessarabie russe, alliés aux Roumains de Roumanie indépendante, les deux étant opposés aux Roumains sujets de l'Autriche-Hongrie. C'est l'occasion de la naissance d'un véritable sentiment de destinée commune, porté par la redécouverte d'une histoire et d'une langue partagée.

La Bessarabie dans la Grande Roumanie

Dans l'urgence, le 2 décembre 1917, la " République moldave démocratique et fédérative " est proclamée par le Sfatul Ţării (Parlement moldave).
Cependant, dans les derniers temps de la Première Guerre mondiale, le chaos règne en Roumanie, ce qui mobilise les forces militaires, diplomatiques et politiques. C'est ainsi qu'il faut attendre le 6 février 1918 pour que le Sfatul Ţării déclare l'indépendance de la Moldavie, suscitant immédiatement une réaction violente de la part de la Russie et de l'Ukraine ; une seule solution s'impose au corps politique moldave pour survivre face à ses voisins orientaux. Le 27 mars 1918, le Sfatul Ţării vote le rattachement de la Bessarabie à la Roumanie : c'est le premier pas vers la naissance de la Grande Roumanie, une naissance confirmée avec le rattachement la même année de la Bucovine et de la Transylvanie, reprises à l'Empire austro-hongrois. Cette réunion est entérinée internationalement au cours de l'année 1920.
Pendant toute la durée de l'appartenance de la Bessarabie à la Grande Roumanie, ce territoire demeurera le parent pauvre du pays du fait de la réaction locale aux tentatives de russification du territoire.
Jusqu'en 1924, les relations russo-roumaines restent tendues, notamment du fait d'incursions régulières de l'armée russe en Bessarabie. La Russie fédérale - qui devient l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) en 1922 - choisit de poursuivre sa tentative de reconquête de la Bessarabie par les voies politiques et diplomatiques. L'année 1924 est, à cet égard, décisive. C'est l'année où survient une insurrection, fomentée par le Komintern dans une bourgade du sud de la Bessarabie. L'insurrection fait long feu, mais elle donne l'occasion aux forces influencées par les Russes de créer, à l'est du Dniestr, la " République autonome soviétique socialiste moldave " qui deviendra plus tard la Transnistrie. À compter de cette date, l'URSS dispose donc d'une place forte au sein du territoire de la Bessarabie. Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, cependant, son influence s'exprimera avant tout par les voies politiques : le Parti communiste roumain (PCR) est la voix de l'URSS sur la scène nationale roumaine, et de nombreuses organisations révolutionnaires sont soutenues par l'Union, qui ne manque pas une occasion de dénoncer l' " impérialisme " roumain.
C'est en termes choisis et ambigus que l'Allemagne et l'URSS règlent la question de la Bessarabie lors du pacte de non-agression germano-soviétique. Le 2 août 1940, l'URSS envahit le territoire de la Bessarabie, que les Roumains évacuent sans combattre. Les Soviétiques rattachent les deux tiers à la " République soviétique socialiste autonome moldave " (RSSAM), le tiers restant (le sud, l'accès à la mer Noire) allant à l'Ukraine. C'est l'occasion de déportations massives dans les classes réfractaires de la société (intellectuels, politiques, paysans réticents aux changements prônés par l'URSS...) et de grandes destructions structurelles.
Le temps de l'entente ayant vécu, l'URSS va se retourner contre ses anciens alliés : en juin 1941, le conducător Ion Antonescu, le " Pétain roumain ", attaque l'URSS du côté de l'Axe et récupère le territoire de la Bessarabie : s'ensuit la déportation de 140 000 Juifs et de Roms. Bien vite, la reconstruction des infrastructures est à l'ordre du jour : des investissements massifs, mais aussi le pillage de la Transnistrie y pourvoient. Ces efforts comptent pour peu cependant, alors qu'en 1944 l'approche de la fin de la Seconde Guerre mondiale et la défaite de l'Axe remettent la Bessarabie dans le giron de l'URSS. Tandis que les communautés voisines du Prut connaissent à nouveau de déchirantes séparations, de grandes déportations sanctionnent près de 120 000 roumanophones, accusés d'avoir servi la Roumanie.

De la Bessarabie à la Moldavie

Sous le contrôle de l'URSS, le territoire prend le nom de Moldavie (République socialiste soviétique de Moldavie - RSSM). Ses dirigeants jusqu'en 1978 seront exclusivement russes ou ukrainiens (de Transnistrie). Entre 1940 et 1950, près d'un tiers de la population disparaît : 971 000 personnes, dont 300 000 morts dans les famines de 1946 et 1947. La mort de Staline ne met pas fin aux déportations, si ce n'est sémantiquement : 300 000 familles font l'objet d'une " émigration planifiée " et de " mouvements contrôlés " entre 1954 et 1964. Le but affiché par le pouvoir soviétique est sans ambiguïté : il s'agit de briser le sentiment d'appartenance à la communauté roumaine.

À cette fin, les mesures les plus ubuesques sont utilisées : la langue nationale, le roumain, est rebaptisée " moldave " et devra dorénavant être rédigée en cyrillique, malgré son origine latine, les oeuvres littéraires font l'objet d'une censure, au mépris de toute vraisemblance (seuls les passages mentionnant la Roumanie sont expurgés), de nombreux ouvrages scientifiques s'acharnent à légitimer, historiquement et sociologiquement, le rapprochement entre Russes et Moldaves... La guerre de la communication scientifique constituera d'ailleurs la partie émergée de l'iceberg politique entre l'URSS et la Roumanie, tout au long de la domination soviétique, chacun entendant torpiller l'autre via des publications parfois de nature purement propagandiste. En parallèle de sa politique de " déplacement " des autochtones, le pouvoir soviétique orchestre la migration de population d'origine extra-roumaine vers la Moldavie. Le pays, depuis toujours réputé pour sa terre d'une grande richesse, devient presque exclusivement agraire : alors qu'elle représente une part infime du territoire soviétique (0,15 % de la surface de l'Union), la Moldavie fournit 2,3 % de ses ressources alimentaires. Enfin, le patrimoine religieux local est ravagé et une très large part de ses églises est détruite et " réformée " pour pourvoir aux besoins industriels et alimentaires de l'Union.

La Moldavie indépendante

Lorsque l'URSS commence à se fissurer vers le milieu des années 1980 avec la Perestroïka de Mikhaïl Gorbatchev, c'est sous le signe de la langue que se font jour les principales revendications d'autonomie : une revendication identitaire, qui montre bien à quel point les politiques de dilution ethnique et de russification culturelle orchestrées par Moscou ont été vaines. C'est sous l'étendard de la revendication de la langue écrite en alphabet latin que se placent les militants du Front populaire de Moldavie (FPM). En 1989, le 31 août, le " moldave romain " est déclaré langue nationale (limba naţională). En 1990, le corps politique - où le FPM est majoritaire - déclare souveraine au sein de l'URSS la Moldavie et adopte le drapeau à tête d'auroch, symbole de Dragoş et de Ştefan cel Mare. Le 27 août 1991 enfin, la Moldavie proclame son indépendance en rejetant la proposition d'union de Gorbatchev et en condamnant les putschistes de Moscou.

À voir : le film Nuntă în Basarabia (Mariage en Bessarabie), comédie humoristique de Nap Toader sur l'amour et les affaires de mariage pendant cette période de transition.
Sortie le 2 décembre 2009.

Le problème de la Transnistrie

En décembre 1991, la Transnistrie proclame son indépendance par rapport à Chişinău et demande son rattachement à la Russie ou à l'Ukraine. Cette demande n'est pas reconnue par la communauté internationale, ce qui n'empêche pas les sécessionnistes de porter le conflit de l'autre côté du Dniestr : entre octobre 1991 et l'été 1992 se déroule le " conflit du Dniestr ", guerre civile entre les Roumains/Moldaves et les russophones de Transnistrie aidés par l'armée russe. À l'issue de ce conflit sanglant, les choses restent en l'état. La Transnistrie devient un État de facto, s'étendant sur la rive est du Dniestr et contrôlant la ville de Tighina, sur la rive ouest du fleuve.

La République de Moldavie contemporaine

En 1993, la Moldavie crée sa monnaie nationale, le leu, et prévoit une politique monétaire stricte approuvée par le FMI. Un an plus tard, la Moldavie adhère à un Accord de partenariat et de coopération signé avec l'Union européenne (APC). La même année, un statut spécial est accordé aux Gagaouzes, suivi de la création de l'Union de territoire autonome de Gagaouzie (UTAG). C'est également l'année de l'entrée de la Moldavie dans la Communauté des États indépendants (CEI) et son accession au système électoral au suffrage universel, avec la création d'une Constitution.

En mars et en avril 1995, le mécontentement se cristallise sur la discrimination négative à l'encontre des autochtones. Deux positions s'affrontent : le droit du sang contre le droit du sol. Des étudiants et des élèves protestent contre la politique culturelle et éducative du gouvernement, alors que les travailleurs et retraités militent pour des raisons économiques.
Selon l'article 13 de la Constitution de 1994, seuls les autochtones sont des " Moldaves ", ils sont arbitrairement définis comme " ethniquement différents des Roumains " alors que les slavophones gardent un libre accès à la culture russe.
L'identité moldave exclue de l'identité roumaine, il était alors interdit de qualifier la langue moldave de " roumaine ". La majorité se retrouvait ainsi discriminée négativement, tandis que les minorités étaient favorisées. Pour se défendre, les Moldaves persécutés avaient recours via leurs avocats à la Déclaration d'indépendance de 1991, antérieure à la Constitution pénalisante de 1994. En 1997, Petru Lucinschi, du Parti agraire de Moldavie, accède à la présidence. Un an plus tard, la crise économique en Russie affecte directement la Moldavie avec un affaiblissement du leu, une forte inflation et une baisse des exportations. C'est une période de crise.

En l'an 2000, la Constitution est modifiée, le régime devient parlementaire. Le président est désormais élu par le Parlement qui peut le destituer. En 2001, la Moldavie adhère à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). La même année, le traité d'amitié russo-moldave, symbolisé par le statut de la langue russe en Moldavie, est signé. Enfin, c'est l'accession au pouvoir de Vladimir Voronine, premier candidat communiste élu dans un État de l'ex-URSS devenu indépendant.

En janvier 2002, Voronine présente un projet de réforme dans l'éducation visant à rendre obligatoire la langue russe dès le primaire et à remplacer l'histoire des Roumains par l'histoire des Moldaves. La réforme soulève d'importantes protestations, et en mars 50 000 personnes se réunissent pour une " Grande Assemblée nationale ". Le gouvernement Voronine renonce à son projet de réforme. La Banque mondiale débloque de nouveaux crédits pour la Moldavie, qui permettent la privatisation des grandes entreprises, l'accroissement de la lutte contre la corruption (tâche compliquée par l'état de non-droit dans la Transnistrie voisine) et un important projet de réforme de système de protection sociale - un projet qui se poursuit jusqu'en 2004.

Début 2005, la Moldavie signe avec l'Union européenne un plan d'action invitant les autorités moldaves à adopter les critères de Copenhague. La Moldavie est inscrite sur la liste des pays bénéficiant du Système de préférence généralisé (SPG), qui accorde aux pays pauvres un accès préférentiel aux marchés de l'Union. La présidence Voronine se poursuit jusqu'en 2009.

Basé sur les faits réels du 7 avril 2009, le film Ce lume minunată d'Anatol Durbală relate cette période tourmentée. Sortie le 4 avril 2014.

Le chaos politique

En avril 2009 se déroulent les élections du Parlement moldave. Suite à un scrutin entaché d'importantes irrégularités - malgré la présence d'observateurs extérieurs -, Chişinău, capitale de la Moldavie, est le théâtre de nombreuses manifestations et émeutes. Les manifestants protestent contre l'accès inégal aux médias, les tentatives d'intimidation des électeurs et des candidats constatées lors de la campagne et le bourrage des urnes. Le drapeau roumain est hissé au sommet du bâtiment de la présidence et le Parlement occupé pendant huit heures. Finalement, le 22 avril, la Cour constitutionnelle de Moldavie valide les résultats des votes, avec le Parti communiste moldave (PCM) qui n'obtient que 60 sièges sur 101. Il manque un siège aux communistes pour élire à eux seuls un nouveau président. Au début du mois de juin, Marian Lupu (président du Parlement moldave) quitte le PCM pour passer du côté de l'opposition.

Quelques jours plus tard, le 15 juin, le président Voronine est obligé de dissoudre l'Assemblée et se voit contraint d'organiser de nouvelles élections législatives. Un mois et demi plus tard, les nouvelles élections prennent place, contrôlées par l'OSCE. Les communistes sont vaincus, mais le siège de président reste vacant, alors que personne n'obtient le nombre de siège requis au Parlement pour le désigner. C'est un tournant pour l'histoire politique moldave car l'opposition devient majoritaire. Dès lors, le 11 septembre 2009, le président Voronine présente sa démission et Mihai Ghimpu, du Parti libéral, est désigné président par intérim. C'est le début de la période d'instabilité politique actuelle. En septembre 2010, un référendum prévoyant l'élection du président de la République au suffrage direct est tenu, qui permettrait des élections présidentielles et législatives en même temps, en novembre 2010. Le Parti communiste moldave appelle cependant au boycott du scrutin et le taux de participation n'atteint que 30 %, alors qu'il aurait dû dépasser 33,3 % pour être valide. La dissolution du Parlement intervient donc de nouveau.

Les élections du 28 novembre 2010 visaient à élire le Parlement, mais la situation de 2009 s'est répétée. Le 28 décembre, Vladimir Filat, du Parti libéral-démocrate de Moldavie, est désigné président par intérim. Deux autres présidents par intérim se succéderont quand enfin, après trois ans de crise politique, le 16 mars 2012 Nicolae Timofti est élu président de la République par 62 voix, soit une de plus que la majorité requise au Parlement.

Pendant ces années, alors qu'une coalition pro-européenne a délogé les communistes du pouvoir et milite pour l'intégration de la Moldavie à l'UE, la lassitude gagne les Moldaves qui quittent le pays, provoquant un exode considérable qui touche un quart de la population (pays d'Europe occidentale principalement, Russie et Ukraine).
Et le problème identitaire n'est toujours pas réglé entre " moldavistes " et " roumanistes "... Mais un arrêt de la Cour constitutionnelle du 5 décembre 2013 finit par déclarer " roumaine " la langue du pays. Cette date marquera l'arrêt de tous jugements et poursuites en cours à l'encontre des Moldaves jusqu'alors toujours persécutés. Le " roumanisme " était en effet considéré comme un délit, et toute personne s'en revendiquant lors de recensement voyait perdre sa nationalité et était considérée comme une étrangère dans son propre pays.
La langue d'État de la Moldavie a donc deux noms officiels, " roumain " comme le souhaitent les " roumanistes " et " moldave " pour les " moldavistes ", représentés par la communistes et les minorités orientées pro-russes.

Le 27 juin 2014, dans le cadre du Partenariat oriental, la Moldavie signe avec L'Ukraine et la Géorgie des accords d'association (AA) avec l'Union européenne. Le pays est toujours dans une dynamique de rapprochement vers l'Europe, rapprochements politiques et économiques. À la suite de cette signature, les Russes confirment et durcissent leur embargo, déjà mis en place depuis 2013.
En dépit de ce qu'on pouvait prévoir, le président Nicolae Tomofti nomme le 15 février 2015 Chiril Gaburici, économiste et homme d'affaires controversé, mais surtout communiste, au poste de Premier ministre. Ce nouveau gouvernement doit s'arranger avec une coalition entre communistes et partis de droite en place. Il démissionnera quatre mois plus tard, accusé de falsification de diplôme universitaire.
C'est en mars 2015 que le scandale du " milliard de dollars " perdu éclate, dénoncé par une enquête de la Banque nationale moldave, qui découvre que trois banques moldaves ont accordé des crédits à des clients inconnus et que 927 millions d'euros ont disparu du pays.
Depuis, le peuple en colère est descendu une nouvelle fois dans les rues de Chişinău afin de protester contre le pouvoir corrompu et frauduleux. Mais il est un peu perdu et ne sait plus à qui donner sa confiance. En attendant, ce dont le peuple est certain, c'est de faire partir le pouvoir en place. Depuis le 30 octobre 2015, le Parlement a donc destitué le gouvernement et les Moldaves attendent une date pour retourner aux urnes.

Dans l'incertitude de ces prochaines années, on peut dire qu'on distingue aujourd'hui quatre courants dans la population moldave : les pro-Européens, les pro-Russes, les unionistes (qui militent pour un rattachement à la Roumanie) et les tout simplement " Moldaves ", se définissant par un droit du sol, grâce à leur appartenance géographique, et une citoyenneté, sans distinction de langue ou de religion.

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