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Un art de cour

L’art béninois reste pendant longtemps un art de cour. Il demeure étroitement lié au roi, l’oba, et à son entourage. La plus grande tradition est celle des objets en bronze d’Ifé, qui émerge à partir du XIVe siècle. Statuettes, têtes et bas-reliefs représentent des faits historiques et sont réservés à la cour.  Ces œuvres vantent la puissance du roi et soutiennent son caractère divin. Placées sur des autels, elles aident l’oba à entrer en contact avec son esprit. De ces siècles anciens, on trouve également des plaques narratives en bronze qui étaient fixées au mur. Elles relatent des scènes guerrières avec un réalisme d’une remarquable maîtrise. 

Pour admirer des objets royaux et rituels, rendez-vous au Musée d’Abomey – Palais royal. Sa collection compte plus de 1 400 pièces. Bas-reliefs, trônes, statues, autels et vêtements attestent de la richesse d’une civilisation sur trois siècles.

Apogée d’un art

Au Bénin, la technique d’Ifé (à cire perdue) donne lieu à un style original, plus éclatant. Parmi les sujets rencontrés en sculpture, toujours exécutée avec réalisme, le nain est très présent. Dès le XVe siècle, les nains sont essentiels à la cour. Assignés à la surveillance, les plus acrobates divertissent aussi le roi. On leur prêtait des dons occultes, raison pour laquelle ils apparaissent sur les autels des ancêtres. Sont également représentés des animaux, le coq ou le léopard qui sont d’autres symboles du pouvoir royal.

A partir du XVIe siècle, le Bénin développe une manière originale de sculpter, que ce soit en bronze ou en terre cuite. Les Européens apportent à la cour des coraux et des perles de verre qui attirent l’attention de l’oba, et qui seront intégrés aux œuvres. Les bas-reliefs se diversifient et s’épaississent. Ils montrent des scènes du quotidien. Avec l’arrivée des étrangers, le motif du soldat portugais en habit militaire fait son apparition. Au XVIIe siècle, l’art du bronze atteint son apogée. Les motifs et les techniques s’enrichissent. Cependant, la fin de ce siècle voit la qualité de la production décliner. La conquête coloniale porte un coup fatal à la création qui est restée dépendante du régime politique.

Dans le Fort Portugais - Musée d’Histoire de Ouidah est retracée l’histoire de la ville de sa fondation à l’indépendance en 1960 à travers les grands thèmes, comme le vaudou, la religion, ou l’évolution des liens culturels avec le Nouveau Monde.

Style Fon

Le royaume guerrier des Fon connaît son plein essor au XVIIe siècle. Adepte du vaudou, l’ethnie des Fon produit des pièces d’une grande originalité, avec quelques influences ewe et yoruba. Le mot « vaudou » dériverait d’ailleurs du mot « dieu » en yoruba. Les fétiches fon sont particulièrement créatifs. Pour certains, la base se compose d’une structure en bois qui représente une silhouette aux jambes courtes. Les traits du visage sont dissimulés sous un agrégat mélangé à des poils d’animaux. Sur d’autres, on distingue la bouche arrondie et les yeux fermés. Il existe des fétiches franchement énigmatiques. Enveloppés dans des cordelettes, ils attisent la curiosité. Les botchios regroupent une catégorie de fétiches qui se dressaient au somment d’un poteau à l’entrée d’un village ou d’une habitation pour éloigner les menaces. Quel que soit leur aspect, tous les fétiches sont des forces agissantes, souvent bénéfiques. Les plus réalistes se parent d’argile rouge, de graines séchées ou de perles.

Autre art prisé par les Fon, le bas-relief raconte des faits. Les bas-reliefs du palais d’Abomey, la capitale de ce peuple, sont en terre taillée en creux, et peinte de couleurs vives. Aujourd’hui encore, les bas-reliefs se déploient à la façon de bandes dessinées. Ils représentent des événements historiques, des animaux symboliques comme le serpent bénéfique Dan Ayidohwèdo qui se mord la queue ou le Dieu Daghesu, sous les traits d’un homme armé à tête de bélier qui favorise la victoire.

Les chefs se reconnaissent à leurs bâtons de commandement, les « récades ». Le Centre - Le Petit Musée de la Récade de Godomey propose le seul espace dédié au symbole du pouvoir béninois. Sa collection rassemble des donations privées et des créations contemporaines, commandées à des plasticiens nationaux invités à revisiter la récade.

Restitution des trésors d’Abomey

Au cours de son histoire, le Bénin a été cité comme un pays précurseur à plus d’un titre. Autrefois pour son processus de démocratisation ; de nos jours pour celui de la restitution de ses œuvres d’art. Le Bénin a récupéré 26 œuvres issues des trésors royaux d’Abomey. Ces œuvres sacrées, emportées par les troupes coloniales françaises en 1892 en guise de butin de guerre, ont regagné leur terre le 10 novembre 2021. Un événement sans précédent qui conclut de longues négociations entamées par le président béninois en 2016. Les descendants du roi Béhanzin, dont le palais a été pillé par les colons, ont assisté à la cérémonie d’accueil. Ces symboles de la souveraineté seront exposés au Fort Portugais - Musée d’Histoire de Ouidah en attendant de pouvoir intégrer le musée en cours d’aménagement à Abomey.  Cette restitution a été permise par une loi spéciale votée par le Parlement français et dérogeant au principe d'inaliénabilité des biens conservés par les musées publics français. C’est la dignité d’un peuple qui est retrouvée à travers ce retour. Son histoire également. Ces pièces imprégnées de vaudou étant liées au culte des ancêtres. Malgré les milliers d’œuvres béninoises (et d’autres pays d’Afrique) encore retenus à l’étranger, le Président Talon salue l’accord signé avec le Président Macron. Cela marque un tournant pour la culture béninoise. Elle a désormais matière à proposer des échanges afin d’organiser des expositions internationales. La présence de ces joyaux sensibilise la jeune génération à l’importance des biens culturels. Parmi ces objets, une sculpture anthropo-zoomorphe du roi Glélé, en bois et cuir ; une statue royale de Béhanzin grandeur nature ; une sculpture bochio (Fon, XIXe siècle) ; trois portes sculptées en bois polychrome provenant du palais royal.

Vers l’art contemporain

Le ton est donné : le Bénin se tourne résolument vers l’avenir. Des lieux comme l’Institut français du Bénin à Cotonou sont incontournables. Expositions, rencontres et ateliers se partagent l’espace avec une série de festivals et de représentations théâtrales. A Ouidah, le Musée de Ouidah - Fondation Zinsou, situé derrière la basilique, sélectionne ses expositions dans la collection de la famille Zinsou : photo, sculpture, installation et vidéo mais aussi dessin, gravure et peinture. D’une diversité stupéfiante, les expositions valorisent des artistes d’Afrique et d’ailleurs.

A visiter absolument, Le Centre - Le Petit Musée de la Récade de Godomey est un espace artistique pluridisciplinaire dirigé par l’artiste béninois Dominique Zinkpè. Le cœur battant de la création à 15 minutes de la capitale. Parmi les artistes qui ont été accueillis dans le petit musée, le jeune Gaël Davo dénonce les conflits en Syrie ; la pétillante Sènami s’inspire de tout et exprime ses multiples talents à l’aide d’objets de récupération. Le Centre Culturel Ouadada s’est installé à Porto-Novo pour proposer des expositions et des rencontres dans une ambiance chaleureuse.

La Galerie Vallois de Paris entretient depuis une dizaine d’années un lien exceptionnel avec le Bénin. La rencontre s’est produite en 2012 à l’occasion de l’exposition « Paris-Cotonou-Paris ». Le galeriste est tombé sous le charme de l’art du Bénin auquel il a donné un nouvel essor. Les échanges qu’il organise entre plasticiens français et béninois donnent lieu à des collaborations : Stéphane Pencréac’h, Bruce Clarke ou encore Christelle Yaovi, Jean-Baptiste Janisset et Meschac Gaba en ont notamment bénéficié. Le mécénat du galeriste a permis Le Centre - Le Petit Musée de la Récade de voir le jour. L’espace culturel du Centre, placé sous la direction de l’artiste Dominique Zinkpè dispose d’un vaste espace d’exposition qui donne leur chance aux jeunes artistes béninois. Véritable lieu de vie, il est complété par des ateliers-résidences et une salle de cinéma.

Les initiatives privées constituent l’essentiel du soutien apporté à la création artistique béninoise. On dénombre une trentaine de galeries dans le pays, dont une vingtaine à Cotonou. La galerie Ludovic Fadaïro diffuse un art africain de qualité, entre abstraction et tradition. Mais les artistes prennent aussi l’initiative de monter des expositions, parfois dans leur atelier. Charly Djikou, peintre et sculpteur, a invité un photographe et une peintre à s’inspirer de ses sculptures pour organiser une exposition collective sur le thème de la pandémie. Une soixantaine d’œuvres destinées à sensibiliser au problème sanitaire, qu’il espère montrer dans un lieu public, peut-être au centre culturel Artisttik Africa situé dans le treizième arrondissement de Cotonou. Sinon, il se fera un plaisir de recevoir les visiteurs dans son studio. Rien n’arrête les jeunes talents !

Côté rue

Créé en 2013, le festival d’art urbain Effet Graff de Cotonou attire les artistes du continent et d’Europe. Il est devenu le plus grand événement street art de toute l’Afrique francophone. Durant dix jours, les murs de la ville se recouvrent de peintures qui honorent les personnages emblématiques de l’histoire du continent. Car au Bénin, le graffiti transmet des messages au plus grand nombre. L’objectif des organisateurs est de transformer Cotonou en musée à ciel ouvert. En 2019, des artistes venus du Togo, du Sénégal ou encore de France ont collaboré sur une série de fresques aux abords de la gare centrale, sur le thème « Afrique horizon 2050 ». Les responsables du réseau ferroviaire ont mis à leur disposition ce qui est devenu le plus long mur peint par des street-artistes de toute l’Afrique avec pas moins de 952 mètres pour une surface de 2 000 m² ! Le « mur du patrimoine » se hisse ainsi à la 3e place du mur artistique le plus long du monde, derrière les Emirats arabes unis et le Brésil.

Sur ce petit kilomètre, le portrait du roi du Dahomey Béhanzin, signé Seenelor la Bombe, côtoie Malcolm X et Angélique Kidjo. La chanteuse a fièrement relayé son portrait sur les réseaux sociaux !