Vers 500 ap. J.-C.

D’un côté, il y a la légende avec saint Brendan, un moine irlandais originaire du comté de Kerry, surnommé le Navigateur. Son premier grand voyage en quête du Paradis perdu l’aurait conduit aux îles Féroé et en Islande vers 515-524. La baie de Brandarsvík porte son nom. Ce personnage méconnu et pourtant mythique, illustre l’un des timbres-poste officiels.
De l’autre, de nouvelles preuves archéologique menées à l’occasion d’une étude du Musée national des îles Féroé. Elles situent la colonisation humaine dès le IVe siècle ap. J.-C. Á Sondum, sur l'île de Sandoy, un vaste dépôt de sable contenant des cendres de tourbe brûlée (avec des restes d’activités humaines dont des grains d’orge domestiques) a confirmé cette datation. En revanche, l’origine de ces populations demeure inconnue.
Enfin, il est avéré que, dès la fin du VIIe siècle, de nombreux moines irlandais en quête de solitude s’installèrent dans des ermitages, ici et dans l'Islande voisine. L’un d’entre eux, Frère Dicuil, rédigea le premier texte faisant référence à l’archipel.

IX-XIe siècles : Saga des Féroïens et christianisation

Aux siècles suivants, les îles Féroé servirent de tremplin aux colons qui se dispersèrent à travers tout l'Atlantique Nord jusqu’aux rivages de l'Amérique continentale autour du XIe siècle.
Qui étaient-ils ? On les appelait les Norses. Entre 800 et 1050, à la recherche de terres fertiles, ils entreprirent une importante colonisation après s’être installés en Écosse et aux Shetland, et avant l’implantation irlandaise. La population, organisée en hameaux de fermes agricoles, se dota d’un parlement, le Løgting (ancêtre de l’actuel Parlement), une assemblée de gens libres réunis sur un promontoire rocheux, à Tinganes (il sépare en deux secteurs l’actuel port de Tórshavn).

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825

La Saga des Féroïens, écrite au début du XIIIe siècle en Islande, s’appuie sur la tradition orale pour narrer l’histoire féroïenne. Elle commence avec l’installation du Viking norvégien Grímr Kamban, premier homme à avoir posé un pied sur ces côtes vers l'an 825, afin d’échapper à la tyrannie du roi Harald Ier de Norvège. Ensuite, elle raconte comment le Féroïen Simundr Brestisson reçut pour mission du roi de Norvège de prendre le contrôle des îles et de les convertir au christianisme.

999

En dépit de la résistance du chef local Tróndur í Gøtu, le christianisme s’imposa comme religion officielle. À cette époque, les échanges avec les autres clans vikings étaient nombreux. Malgré des ressources en pêche, chasse et surtout en élevage et agriculture, les Féroïens n’avaient pas les moyens de vivre en totale autarcie. Ils importaient de nombreux matériaux (bois, fer…) en échange de la laine de mouton et des produits de la pêche.

1035

À la mort de Tróndur í Gøtu, les îles Féroé furent rattachées à la Norvège. Le monopole du commerce fut alors confié aux marchands norvégiens de la Hanse de Bergen.

XIII-XVIe siècles : du christianisme au luthérianisme

En 1120, alors que les échanges se développaient, l’évangélisation étendit son pouvoir à Kirkjubøur avec l’établissement d’un puissant évêché dont le symbole marquant fut la construction d’une cathédrale (1269) restée inachevée. Les évêques ayant tout pouvoir, à chaque acte contraire aux lois chrétiennes, ils confisquaient les terres, à tel point qu’au XVe siècle, la moitié de l’île de Streymoy leur appartenait.

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1349

La pandémie dévastatrice de la Peste noire atteignit les îles Féroé faisant des ravages et tuant environ un tiers de la population.

1380

Entre-temps, la Norvège perdait son influence au profit du royaume du Danemark qui proclama le Royaume dano-norvégien. Les Féroé passèrent alors sous autorité danoise et elles le sont encore de nos jours.

1536

Les thèses de Luther furent officiellement adoptées par le Danemark qui en fit sa religion d’État. En conséquence l’évêché fut supprimé, le danois devint la langue liturgique (aux Féroé comme en Norvège) et les dignitaires catholiques virent leurs terres et leurs biens confisqués. Par le jeu des héritages et de leurs pouvoirs, l’Église possédait alors 40 % des terres féroïennes. L’évêché fut transféré à Bergen, véritable port continental des Féroé puisque c’est dans cette ville que passait tout le commerce entre le continent et l’archipel.

1579

Longtemps, les îles furent la cible des pirates et des corsaires, parmi lesquels les Français particulièrement redoutés ! Mais ce furent sans doute les attaques sanglantes perpétrées par les « corsaires d’Alger », à la solde des Turcs ottomans, qui marquèrent les esprits pour des générations. De nombreuses légendes les mentionnent et plusieurs tours de guet, aujourd’hui encore visibles sur les hauteurs, datent de cette époque. La construction du fort de Skansin par Magnus Heinason, à l'est de Tórshavn, fit cesser ces attaques. L’homme, devenu un véritable héros national, était un marchand ayant hérité du monopole royal, il s’était vu confier cette mission par le roi danois Frederik II, ce dernier estimant que la piraterie détruisait la rentabilité du commerce dans la région.

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XVIII-XIXe siècles

Copenhague ne reprit en main le monopole commercial qu’au début du XVIIIe siècle. Avant cette nouvelle ère de prospérité, les Féroé restèrent isolées des grands échanges qu’elles avaient connus au début du Moyen Âge : on ne comptait plus qu’un ou deux bateaux par an. L’archipel vivait dans un grand isolement et subsistait difficilement de ses maigres ressources agricoles, ceci jusqu’à l’arrivée tardive et providentielle de la pomme de terre.

1777-1804

L’extension des terres cultivables fut autorisée pour faire face à la croissance démographique (5 000 habitants au lieu de 3 000 au cours des derniers siècles).
Par ailleurs, la mer offrant près des côtes et des fjords quelques ressources, des explorations maritimes s’organisèrent, dont certaines furent à l’origine de la tradition de la pêche aux globicéphales (baleines noires). De fait, les traditionnelles embarcations n’étant plus adaptées à la pêche à grande échelle, un fermier prit l’initiative de construire le Nólsoy-Páll, premier bateau féroïen ponté, devenu de nos jours un bateau mythique.

1814

Cette année-là, le Danemark signait le traité de Kiel, abandonnant la Norvège mais conservant les Féroé avec le statut de département danois (le gouverneur étant remplacé par un préfet). Deux ans plus tard, l’Assemblée féroïenne était totalement supprimée pour être ensuite rétablie en 1852, mais uniquement à titre consultatif. Un vent de nationalisme souffla pendant toute la seconde moitié du XIXe siècle (comme d’ailleurs dans le reste de l’Europe) en faveur de l’autonomie, voire de l’indépendance. Économiquement, la pêche hauturière prit de plus en plus d’importance, générant des rivalités de zones de pêche avec d’autres nations telles que la Grande-Bretagne ou la Russie. Vers 1840, une nouvelle technique de conservation se développa : la morue séchée et salée.

XXe siècle

Siècle des grands bouleversements

Le tournant du siècle fut marqué par la création des partis politiques – Sambandsflokkurin (The Union Party) et Sjálvstyrisflokkurin (Self-Government Party) – et du drapeau féroïen, par des étudiants en 1919. La crise économique mondiale toucha surtout le sud de l’archipel, davantage industrialisé. Ce qui lança la première vague d’émigration, interrompue par la guerre. Les Féroé comptaient environ 26 000 habitants. Dans le même temps, les premiers chalutiers à vapeur pêchaient en mer de Barents, près de la Norvège et de l’URSS.

1940

Le Danemark étant occupé par l’Allemagne nazie, les Britanniques mirent en place « l’opération Valentine ». Ils occupèrent les Féroé tandis que les Américains supervisaient l’Islande et le Groenland, assurant ainsi une continuité militaire en prévision d’une invasion allemande. Un aéroport militaire fut construit, transformé depuis en aéroport civil. Les Féroïens poursuivirent leurs activités de pêche, approvisionnant ainsi les marchés de Grande-Bretagne.

1948

Après la Libération, un premier référendum pour l’indépendance fut organisé, l’écart entre le « oui » et le « non » fut de 161 voix seulement. Le statut d’autonomie fut adopté avec : reconnaissance de la langue, du drapeau, du gouvernement ayant compétence pour les affaires internes. Néanmoins, le Danemark garda en charge la défense, la politique étrangère, la justice, la monnaie, et une grande partie des services publics (éducation, poste, protection sociale, etc.). Les années 1950 virent se développer une pêche industrielle qui allait faire la richesse de l’archipel. Grisés par leur prospérité, les Féroïens poussèrent encore plus loin les limites de leur autonomie : ils obtinrent de négocier en leur nom propre avec un pays étranger lorsqu’il s’agissait d’un domaine qui les concernait directement. Ainsi ils répondirent « non » à leur entrée à la CEE en 1974 (alors que le Danemark avait répondu « oui » en 1972), et ils purent, à partir de 1976, émettre leurs propres timbres et assurer le financement de l’éducation puis de la protection sociale.

1990

Tout s’écroula ! En 1992, les Féroïens détenaient le record du monde de l’endettement avec 175 000 DDK par habitant (la dette concernait pour 80 % le secteur privé et pour 20 % les pouvoirs publics féroïens), le chômage touchait 20 % de la population active et l’émigration vidait l’archipel de sa jeunesse. Et, sacré coup dur pour l’esprit nationaliste féroïen, le Danemark renfloua les deux banques de l’archipel, devenues insolvables début 1993… Après avoir connu un niveau de vie qui dépassait celui du Danois moyen (achats de 4x4, vacances au soleil à l’étranger, constructions de maisons, etc.), les Féroïens durent faire face à une grave crise.

XXIe siècle

D’un référendum à un autre

Et puis, il y eut l’espoir du pétrole. Après avoir obtenu de Copenhague la maîtrise et le bénéfice de ses ressources sous-marines, l’archipel poursuivit de longues négociations avec la Grande-Bretagne pour délimiter avec exactitude la frontière maritime qui séparait les Féroé de l’Écosse car, dans cette zone au large des Shetland, se trouvaient d’importants gisements pétroliers.

1999-2001

Un accord fut finalement conclu et le gouvernement de Tórshavn distribua des licences à trois sociétés (américaine, norvégienne et britannique) pour effectuer des forages. Restait à en évaluer la rentabilité. Les premiers résultats évoquant des quantités significatives de pétrole et de gaz furent publiés à l’automne 2001. Dans l’attente, l’économie était déjà repartie grâce au retour du poisson ! Résultat, une intense activité économique et des chantiers pharaoniques dont un tunnel sous-marin reliant Vágar, l’île de l’aéroport, à Streymoy où se situe la capitale Tórshavn. Le Premier ministre féroïen, Anfinn Kallsberg, organisa un nouveau référendum en mai 2001 pour une indépendance au bout de quinze ans. Le Premier ministre danois, Poul Nyrup Rassmussen, fit aussitôt savoir que si le « oui » l’emportait, Copenhague arrêterait, après quatre ans seulement, de verser des subventions qui dépassaient chaque année le milliard de couronnes (plus de 150 millions d’euros). La menace danoise et les sondages - montrant que seulement 3 % des Féroïens voteraient pour l’indépendance - firent reculer le gouvernement féroïen. Cette tendance s’affirma de la même façon au cours des sondages suivants.

2008-2020

Kaj Leo, ancien gardien de but de l'équipe nationale de football et président de l'Union des Féroé, fut choisi pour diriger le gouvernement. La crise financière toucha tardivement les îles, en partie grâce aux liens commerciaux entretenus avec l’Islande. En 2007, le gouvernement prit le contrôle total de l'aéroport de Vága Floghavn et de l'Église d'État des îles Féroé, Fólkakirkjan (auparavant dirigés par les autorités danoises). Mais en 2008, patatras ! Faillites de la principale banque du pays et de la principale usine de poisson.

2013

L'U.E. imposa des sanctions aux îles Féroé en raison d'un différend sur les quotas de pêche au hareng et au maquereau. Un boycott interdit aux navires des îles Féroé transportant du hareng ou du maquereau l'accès tous les ports de l'U.E., y compris le Danemark, la Suède et la Finlande. Le boycott fut levé un an plus tard après une avancée des négociations.

2015

Selon un sondage effectué en 2010, 50 % des Féroïens voulaient rester liés au Danemark contre… 50 % qui souhaitaient l'indépendance.
Un nouveau référendum était attendu en 2015, à la suite des élections législatives, mais ce dernier n'eut pas lieu malgré un changement de gouvernement. Aksel Vilhelmsson Johannesen, social-démocrate, devint Premier ministre.

2020-2023

Inauguration d’un nouveau tunnel entre les îles de Streymoy et d’Eysturoy. Long de 11 kilomètres, il descend jusqu'à 187 mètres sous l'océan et comprend le premier rond-point sous-marin au monde. Il permet de relier Tórshavn à Runavik en 16 minutes au lieu des 60 minutes nécessaires précédemment !
Maintien du « grind ou grindadrap », la chasse traditionnelle estivale (très controversée) de petits cétacés, un temps menacé d'annulation pour cause de coronavirus. En février 2022, le gouvernement féroïen a limité le quota de prise à 500 dauphins.