Conakry est un village insulaire parti à la conquête de la péninsule qui l’abritait. C'est une pieuvre urbaine, dont la tête, l'île originelle de Tombo sur laquelle se trouvait le village, s’est d’abord arrimée à la presqu’île de Kaloum, avant de déployer ses tentacules et d'enserrer petit à petit, mais irrémédiablement, les communes voisines pour ne former finalement qu'une seule et même agglomération.Conakry est aujourd’hui une capitale très distendue, s’étalant sur plus d'une trentaine de kilomètres du sud au nord. La densité de population y est très forte avec plus de 2 millions d'habitants, peut-être 3 (les recensements successifs n'ont pas donné de chiffres très fiables...), installés sur un bout de terre d'à peine 8 km de large. Ses limites naturelles sont au sud des côtes ourlées de rochers, que les toutes proches îles de Loos protègent de vagues trop violentes et plus au nord, des zones de marécages et de mangrove.Toutes les communautés nationales y sont représentées dans un incroyable melting-pot d'ethnies locales, avec cependant des quartiers assez nettement identifiés comme occupés par telle ou telle communauté (les Peuls occupent les quartiers de Hamadalaye, Bambeto, les Soussous ceux de Boulbinet, Coronthie...). Les étrangers ne sont pas en reste avec des communautés sierra-léonaises, libériennes, sénégalaises importantes ainsi que des Libanais et des « expats » de tous horizons. La Guinée s’enorgueillit de rester, au-delà des difficultés, un pays ouvert.La capitale est encore à ce jour relativement horizontale, elle n’est pas parée d'immeubles en verre miroir qui font la fierté d’Abidjan ou de Dakar, et cette modestie a son charme. Mais ici aussi « le changement c'est maintenant ». Les chantiers d'immeubles de 10 étages et plus se multiplient. Petit à petit dans le centre-ville, les vieux bâtiments sont rasés et remplacés par des immeubles de standing de plus en plus hauts.L'espace au sol étant fortement contraint, les constructions verticales de plus en plus hautes deviennent une nécessité. Aujourd'hui les résidences de cinq à six étages telles qu’on peut les voir dans le quartier de Camayenne, tout particulièrement, poussent partout comme des champignons, en réponse à la demande croissante, d'une part de la bourgeoisie locale montante et d'autre part de la communauté libanaise et des expats d'Europe, d'Asie et d'Amérique.La ville était et reste un chantier permanent. Alors certes, les travaux de voirie et d'aménagement ont vocation à améliorer les conditions de vie des habitants, mais en attendant, combinés à la configuration péninsulaire de la ville, ils la transforment en un vaste embouteillage aux heures de pointe. Les principaux axes sont souvent totalement saturés et il faut alors bien connaître la ville pour y échapper, en suivant les corniches ou en traversant au cœur des quartiers, tout en faisant attention aux joueurs de foot qui squattent le temps d'un match un petit morceau de bitume. Ou alors il faut faire preuve de patience et en profiter pour faire quelques petites courses auprès des multiples jeunes vendeurs qui tendent leur marchandise – cartes de téléphone prépayées, CD, fruits et légumes, poulets, etc.A la nuit tombée, les embouteillages se faisant moins fréquents, l'animation se déplace vers les maquis, les vidéo-clubs qui se remplissent chaque soir de jeunes, et moins jeunes, venus se détendre, « s'ambiancer », et oublier le temps d'une soirée les tracas du quotidien. Car il faut bien le reconnaître, pour les jeunes Conakrykas, les conditions de vie et les perspectives d'avenir ne poussent pas à l'optimisme. Dans une ville où trouver un emploi stable relève encore trop souvent du miracle, les jeunes s'accrochent à leurs rêves, ou plutôt à un rêve qui est commun à beaucoup d'entre eux : partir en Occident. Pour certains, ce rêve devient obsession et les pousse à le réaliser parfois au péril de leur vie.Dans ce contexte incertain, très régulièrement, les quartiers populaires sont le théâtre de manifestations parfois violentes, qui toutes expriment un certain désespoir et une forte aspiration au changement.Conakry reste une capitale sur le fil du rasoir, qui se cherche un avenir meilleur. Des évolutions récentes donnent un peu d'espoir, mais le chemin à parcourir est encore long.

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Conakry. Ju-Lee - iStockphoto.com
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